Axel Miller: ‘Nous sommes à un carrefour sociétal’

L’ancien CEO de Dexia et D’Ieteren, Axel Miller, rejoindra dès lundi les rangs du MR en tant que chef de cabinet et directeur du centre d’étude du parti, le Centre Jean Gol. ‘C’est un rôle dans lequel je me vois un pas derrière et à droite du président pour essayer de contribuer’, a-t-il expliqué dans un entretien accordé à BusinessAM.

BusinessAM: Pourquoi avez-vous accepté la proposition du président du MR, Georges-Louis Bouchez?

Axel Miller: C’est avant tout une rencontre avec un homme que je ne connaissais pas il y a encore peu de temps, et qui possède un certain nombre de caractéristiques: il est jeune, dynamique, il a vision et une ambition, non seulement pour le parti, mais surtout pour le pays. Je trouve cela très important à l’heure où les défis sont nombreux et que l’on constate que les structures existantes ou anciennes ne sont plus celles qui vont fonctionner à l’avenir.

J’ai traversé une période professionnelle de 30 ans, entre la fin des années 80 et maintenant, et je pense qu’aujourd’hui, nous avons besoin d’autre chose. La façon dont fonctionnent le monde économique, le monde politique, la société… Je pense que tout cela est appelé à changer et c’est un défi très intéressant.

Selon vous, nous vivons donc une époque charnière?

Je suis convaincu que nous sommes à un carrefour sociétal, oui. Il y a beaucoup d’attentes, beaucoup d’énergie aussi, dans la société, chez les gens. Je ne parviens pas à porter le regard, dans l’entreprise ou autour de moi, sans voir des gens engagés, motivés, talentueux, qui recherchent du sens… Mais qui estiment que la façon dont a travaillé la génération précédente ne correspond pas à leurs attentes. Et je pense que c’est tellement vrai, tellement juste.

Cela demande d’essayer autre chose et j’ai senti une volonté chez Georges-Louis Bouchez de travailler sur le sujet et de s’entourer d’une équipe issue d’autres horizons que la cheminée d’ascension du monde politique. Quand il m’a appelé, il m’a d’ailleurs dit très ouvertement que ce qui l’intéressait chez moi c’était mon parcours, le fait que nous n’ayons pas le même âge, les mêmes expériences.

Mais je ne suis pas naïf pour autant, le monde ne se change pas en un jour.

C’est donc cela qui vous a poussé à quitter le privé pour la politique ?

Quand je regarde, à 54 ans, ce qui m’a vraiment tiré dans la vie, je constate que ce sont à la fois les chances que l’on m’a données, mais aussi la volonté d’être au service de quelque chose de plus grand. C’était le cas au barreau, c’était le cas dans la banque.

Je pense que le monde de l’entreprise doit aujourd’hui vraiment bien réfléchir. C’est d’ailleurs l’un des grands défis actuels du rôle de patron: il ne suffit plus de faire du profit, il y a beaucoup d’autres dimensions à inclure (engagement des employés, pertinence, rapport à la société, à la collectivité, etc.) Le métier de l’entreprise est devenu très, très complexe. Et cela suscite des questions vraiment intéressantes qui devront, à un moment donné, trouver leur traduction politique.

Quel style allez-vous adopter dans votre nouvelle fonction?

Chacun son job. Le rôle du président est de conduire une politique, de tracer une ligne avec les instances du parti. Mon job à moi sera de parvenir à aligner les énergies en interne pour qu’elles s’expriment, de pouvoir apporter de la structure et du contenu aux réflexions, et après cela d’être en appui du président et de son équipe pour pouvoir engager avec les partenaires politiques et les représentants du parti aux différents niveaux de pouvoir. C’est un rôle où je me vois un pas derrière et à droite du président pour essayer de contribuer.

De toute façon, mon style naturel n’est pas d’arriver de manière autoritaire, mais bien d’essayer d’inspirer, d’apporter de l’énergie et de tracer des pistes positives pour tous, car c’est comme cela que l’on avance vraiment.

Un pas derrière, cela constituera un gros changement pour vous, non?

Le privilège d’atteindre l’âge de 54 ans, c’est que l’on peut regarder en arrière et mieux comprendre ce qui est important pour soi. Occuper une fonction, un rôle, avoir une image, ce sont des choses qui peuvent être des moteurs à un certain moment, mais ce ne sont pas des moteurs qui apportent énormément d’énergie. Aujourd’hui, ce que j’aime, ce que j’ai envie de faire, c’est permettre à chacun de donner le meilleur de soi-même. Et ce n’est pas en montrant les barrettes sur son épaule que l’on y arrive, mais en convainquant, en ayant une vision, en essayant d’inspirer.

Vous êtes encore administrateur de plusieurs sociétés. Comment comptez-vous concilier cela à votre rôle de chef de cabinet, tant au niveau de l’emploi du temps que de l’éthique?

Je n’y vois aucun problème particulier. Ce sont des mandats que j’occupe depuis plus de 10 ans, pour la plupart d’entre eux, et que j’ai toujours très bien conciliés avec mes activités professionnelles antérieures, qui étaient également chronophages.

Par ailleurs, il y a bien évidemment une question d’éthique personnelle. De toute façon, mon rôle n’est pas un rôle de décideur, mais de réflexion, de structuration, etc. Nous en avons discuté avec le président et son équipe, et cela ne pose pas de difficulté.

Parcours

Après une formation en droit à l’ULB, Axel Miller a travaillé, à partir de la fin des années 1980, pour plusieurs cabinets d’avocats. Il a par la suite été président du comité de direction de Dexia Banque (2003 à 2005), avant de devenir CEO de Dexia, de 2006 à 2008. Il a rejoint Petercam entre 2009 et 2012. À partir de 2013, il a occupé le poste de CEO de D’Ieteren, et ce jusqu’en 2019. Il était par ailleurs administrateur de la société, depuis 2010, et avocat de la famille D’Ieteren. L’homme est encore administrateur de Duvel Moortgat, Spadel et de la Fondation Macdub.

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