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Après le coup d’État manqué, quel avenir pour les mercenaires de Wagner déployés en Afrique ?

Après le coup d’État manqué, quel avenir pour les mercenaires de Wagner déployés en Afrique ?
(Photo by Barbara DEBOUT / AFP) (Photo by BARBARA DEBOUT/AFP via Getty Images)

Personne ne sait avec certitude où se trouve Evgueni Prigojine ni à quoi il joue : certains le disent à Saint-Pétersbourg alors qu’il est censé se cantonner dans un exil biélorusse, tandis que les médias russes semblent occupés à le faire passer pour un vulgaire mafieux. Ses hommes n’ont pas l’air mieux informés, et ils s’inquiètent sans doute pour la suite de leur carrière.

Retour au bercail et de nouveaux cadres ?

Pourquoi est-ce important ?

Les mercenaires de Wagner, parfois présentés comme des "instructeurs militaires" représentent le bras très bien armé de Moscou dans les affaires de divers pays africains. Ceux-ci s'inquiètent du maintien de leur contrat avec ces soldats de fortune alors que le grand patron n'est plus en odeur de sainteté au Kremlin après sa tentative de marcher sur la capitale avec 5.000 hommes.

Dans l’actualité : selon une information de Jeune Afrique, une part significative des troupes de Wagner déployées en République centrafricaine vont rentrer à Moscou. Le média francophone transnational évoque 500 à 600 mercenaires, qui étaient auparavant déployés depuis les villes de Birao, Sido et Batangafo, et qui auraient rempli deux à trois avions.

Montrer patte blanche pour rassurer Moscou

  • Ce redéploiement s’accompagne de possibles changements dans le commandement : Jeune Afrique évoque, selon ses propres sources, un possible remplacement du commandant local Vitali Perfilev par un autre, « plus aligné sur le ministère de la Défense russe ». Entre 800 et 900 autres mercenaires resteraient donc déployés dans le pays, où ils assurent la sécurité du gouvernement et de mines stratégiques, tout en luttant contre divers groupes armés.
  • À noter que le gouvernement de Bangui a tout de suite voulu montrer patte blanche envers Moscou durant la tentative de coup d’État : « Nous n’avons jamais eu aucun contact avec des sociétés militaires privées » a ainsi lâché au journal Le Monde Sylvie Baïpo Témon, la ministre centrafricaine des affaires étrangères, pour mettre en avant des liens avec l’armée officielle de Moscou. Mais personne n’y croit, il s’agit juste de rassurer Poutine.

Malgré les déboires avec Prigojine, Wagner reste un outil essentiel du réseau d’influence russe, en particulier sur le continent africain. Ces soldats plus ou moins officieux assurent l’acheminement de ressources stratégiques vers la Russie tout en consolidant des régimes amicaux, qui parfois préfèrent les Russes à l’aide de troupes occidentales, comme l’année dernière au Mali. « L’organisation Wagner, même avec un changement de nom, devrait être maintenue en Afrique dans un proche avenir », estime ainsi John Lechner, un chercheur indépendant interrogé par le quotidien français.

Wagner.inc

  • Car Wagner est rentable : selon l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, c’est un véritable réseau d’entreprises qui collaborent avec les mercenaires, quand elles ne servent pas tout simplement de paravent.
  • En République centrafricaine, ces sociétés feraient le commerce de minerais et de bois précieux, de manière plus ou moins légale. Le groupe contrôlerait aussi des brasseries et des distilleries de vodka. De quoi s’inscrire dans les économies locales tout en faisant rentrer de l’argent. Un modèle qui n’est pas si éloigné du contrôle social que les narcotrafiquants exercent sur certaines régions en Amérique du Sud d’ailleurs.
  • De quoi bien sûr permettre à des sociétés russes de s’implanter plus aisément, comme au Soudan avec la société minière M Invest et sa filiale aurifère Meroe Gold, l’une des plus grandes productrices d’or d’Afrique. Cerise sur le gâteau que relève la BBC : selon le Trésor américain, M Invest appartiendrait à un certain Prigojine.
  • Et puis Wagner est tout simplement bien pratique pour Moscou : comme au Mali ou en Libye, la présence des mercenaires sert de repoussoir aux forces armées occidentales, ce qui est bien pratique pour les chefs d’État locaux qui n’aiment pas se faire rappeler l’importance de processus démocratiques telles que des élections régulières. De quoi permettre au Kremlin de grappiller les anciennes sphères d’influence des puissances occidentales et s’assurer soutiens et débouchés dans les pays du sud.

Le bras de fer entre Poutine et Prigojine n’est peut-être pas aussi terminé que les Russes le prétendent. Mais Wagner reste un réseau trop important pour qu’il soit purgé à l’extrême de manière stalinienne. Il restera en place, réorganisé, et sans doute avec de nouveaux dirigeants, à moyen terme. On est plus proche de la restructuration que de la purge.

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