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Avec l’accord sur le Pacte migratoire européen, Nicole de Moor (cd&v) promet de réduire de deux tiers le nombre de demandeurs d’asile en Belgique, la N-VA juge cette promesse « absurde »

Avec l’accord sur le Pacte migratoire européen, Nicole de Moor (cd&v) promet de réduire de deux tiers le nombre de demandeurs d’asile en Belgique, la N-VA juge cette promesse « absurde »
Nicole de Moor (cd&v) – BENOIT DOPPAGNE/BELGA MAG/AFP via Getty Images

Alors qu’en France, Emmanuel Macron a dû trouver un accord avec le Rassemblement national pour faire passer la loi immigration et sortir de la crise, l’Union européenne se penchait sur un projet bien plus vaste, parvenant à un accord au bout de la nuit. Un accord qui pourrait avoir de grandes répercussions, selon les calculs de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration.

Dans l’actu : la Commission, le Conseil et le Parlement européen s’entendent enfin sur une réforme migratoire.

Le détail : Cet accord est accueilli très différemment en Belgique, selon qu’on s’appelle la N-VA, Ecolo ou Vooruit.

  • Après l’échec de 2016, qui a suivi la crise des réfugiés, la Commission européenne a fait une nouvelle proposition en 2020. Il a encore fallu trois longues années pour trouver un accord politique, qui devra être entériné par le Conseil et le Parlement européens. Le but est d’atterrir avant les élections de juin 2024, dans la perspective de contrer la montée de l’extrême droite partout en Europe.
  • De quoi s’agit-il exactement ?
    • Les contrôles sur l’afflux de migrants vers l’Union Européenne sont renforcés.
    • Des centres fermés seront également établis aux frontières pour faciliter le renvoi rapide des personnes ne répondant pas aux critères requis pour l’asile.
    • La règle de Dublin, qui stipule que le premier pays de l’UE dans lequel un demandeur d’asile entre est responsable de son dossier, reste en vigueur.
    • Toutefois, un mécanisme de solidarité obligatoire est introduit entre les pays membres afin d’alléger la charge des pays confrontés à une forte pression migratoire, comme l’Italie ou la Grèce.
    • Les autres pays de l’UE auront le choix soit d’accueillir davantage de réfugiés, soit de fournir une compensation financière aux pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés.
  • Très concrètement, le « filtrage » des migrants sera renforcé. Même les familles avec enfants de moins de 12 ans pourront faire l’objet d’une expulsion, après leur passage dans un centre fermé. C’était une volonté des Etats membres du Conseil européen. Le Parlement a obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière.
  • L’année 2023 aura été le retour de la question migratoire en Europe, avec pas moins de 355.000 traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17%, selon Frontex. Les demandes d’asile pourraient atteindre plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’UE pour l’asile (EUAA), rapporte l’AFP.

Les réactions : Personne ne semble réellement enthousiaste, ni à droite ni à gauche.

  • En Belgique, la députée européenne Assita Kanko (N-VA) était l’une des négociatrices. Pour elle, « cet accord apporte quelques améliorations par rapport à la situation actuelle », mais elle n’y voit aucun big bang : « Le grand changement de paradigme nécessaire en Europe ne se produit malheureusement pas pour le moment. »
  • Ce qui manque encore, selon la députée, c’est de pouvoir « externaliser la politique d’asile vers des pays tiers », à l’image de ce qu’a réalisé le Royaume-Uni avec le Rwanda. « Regardez aussi ce que la Première ministre italienne Meloni a négocié avec l’Albanie. Ces pays ont compris comment faire. Pourquoi cela ne serait-il pas possible au niveau européen ?« , s’interroge Kanko.
  • La députée espère que cette réforme minimale fera l’objet d’un accord au Conseil et Parlement, sans quoi la vague populiste se traduira dans le scrutin de juin prochain : « Si la politique européenne d’asile et de migration ne devient pas plus stricte, les États membres prendront eux-mêmes le contrôle et, par exemple, effectueront eux-mêmes les contrôles aux frontières. Nous préfèrerions ne pas voir cela, mais qui peut leur en vouloir à la fin ? L’UE doit changer de cap de toute urgence. »
  • Forcément, à gauche, du côté de chez Ecolo, on n’a pas la même vision. La députée européenne Saskia Bricmont regrette un accord « qui consolide l’Europe forteresse au mépris des droits humains et de la solidarité ». « Ce pacte permet la collecte d’empreintes digitales d’enfants dès 6 ans, en plus de données biométriques collectées par les autorités », ajoute la députée, qui y voit « des droits fondamentaux sacrifiés ».
  • Il est frappant de constater qu’on n’a pas la même approche, à gauche, au nord du pays. La présidente de Vooruit, Melisa Depraetere, se réjouit « d’une première étape pour prendre le contrôle de la migration » avec « une répartition solidaire des demandeurs d’asile ». Elle ajoute : « Si nous voulons vraiment aider les personnes dans le besoin, nous devons être plus stricts envers ceux qui n’ont pas droit à l’asile. »
  • Aucune réaction du PS, à l’heure d’écrire ces mots. Le président Paul Magnette a préféré s’attarder sur la situation en France, accusant Macron de « grave trahison ».

L’essentiel : ce pacte migratoire pourrait réduire de deux tiers le nombre de demandeurs d’asile, selon Nicole de Moor.

  • Du côté de la Vivaldi, Nicole de Moor, la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, n’a pas caché sa satisfaction. « Nous avons un accord ! », a-t-elle tweeté. « Nous effectuons une transition historique vers une Europe qui prend le contrôle des migrations. »
  • La secrétaire d’État a de quoi se réjouir. Car elle avait fait une promesse coûteuse la semaine dernière. « Si l’accord européen sur l’immigration était conclu, la Belgique devrait accueillir environ 20.000 demandeurs d’asile de moins », avait-elle promis. La Belgique devrait ainsi réduire de deux tiers le nombre de demandeurs d’asile, selon le calcul du cabinet de la ministre.
  • Selon le plan de répartition, la Belgique devrait accueillir 3,2% de tous les flux entrants. Or, 3,2% de 355.300 franchissements irréguliers, cela fait 11.370 personnes. Lors des 11 premiers mois de l’année, la Belgique a reçu 31.553 demandes d’asile. « La part équitable de notre pays représente donc environ un tiers du nombre réel de demandes d’asile », argumente le cabinet de la ministre.
  • La question de savoir si ce calcul est réaliste reste entière. On sait que certains pays d’Europe de l’Est n’accueillent presque aucun migrant, car ces derniers préfèrent tout simplement s’installer en Europe occidentale. Le pacte ne pourra pas changer cet état d’esprit dans l’immédiat. Ensuite, beaucoup de franchissements irréguliers des frontières échappent aux statistiques officielles.
  • La députée Assita Kanko (N-VA) estime qu’il est « absurde de faire une telle promesse« , car « l’accord n’a pas encore été entièrement élaboré sur le plan technique ».
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