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Le terroriste tunisien était visé par une « Red Notice » d’Interpol depuis juillet 2022, mais Verlinden résiste : « Rien à reprocher à la police »

Le terroriste tunisien était visé par une « Red Notice » d’Interpol depuis juillet 2022, mais Verlinden résiste : « Rien à reprocher à la police »
(Dirk Waem/Belga Mag/AFP via Getty Images)

Le 1er juillet 2022, Interpol a diffusé une « Red Notice » concernant le Tunisien Abdesalem Lassoued. Quand une telle alerte est lancée, elle est d’une grande importance : elle demande aux services de police du monde entier de localiser et d’arrêter provisoirement une personne sur base d’une demande d’extradition. Cela signifie que les services de police étaient également au courant de cette alerte internationale, un an avant le drame. Cela contredit les déclarations selon lesquelles « il ne figurait pas sur les radars ». Cependant, dans les cercles entourant la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (cd&v), on explique que la Red Notice n’était « pas correctement rédigée ». « Les documents ne mentionnaient qu’une ‘évasion’. La police a donc demandé aux Tunisiens de la corriger, et ils ont ensuite envoyé une demande d’extradition à la Justice. » C’est cette demande qui est restée sans réponse et qui a conduit à la démission du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne. Au sein du cd&v, on affirme que « l’Open Vld tente de faire pression avec cette affaire. » Cependant, des sources judiciaires soulignent que la police connaissait bel et bien l’adresse de Lassoued à Schaerbeek. Ainsi, cette affaire risque de continuer à diviser la Vivaldi, avec des ministres et d’anciens ministres en désaccord les uns avec les autres.

Les détails : Interpol a émis une alerte « Red Notice » il y a plus d’un an. Cependant, les Tunisiens n’ont pas été assez précis pour obtenir une action de la police belge. Étrangement, cette demande n’a pas non plus été enregistrée dans les bases de données de la police.

  • La controverse persiste dans les suites de l’attentat meurtrier à Bruxelles. Pendant toute la semaine, l’équipe fédérale a répété que « l’homme ne figurait pas sur les radars des services ». Cela a également fait basculer le débat vers la question des demandeurs d’asile déboutés, que la Belgique aurait du mal à renvoyer dans leur pays d’origine, en l’occurrence la Tunisie.
  • Il s’avère maintenant que de nombreuses questions surgissent quant à l’approche de la police et de la justice, une semaine après que le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw a déclaré à la presse « qu’aucune erreur n’avait été commise » , immédiatement après les attentats.
  • Hier, la découverte qu’il y avait en réalité bel et bien eu une demande d’extradition de la part de la Tunisie a conduit à la démission de Vincent Van Quickenborne (Open Vld), ministre de la Justice. Abdesalem Lassoued s’était échappé de prison et devait purger une peine de 26 ans d’emprisonnement.
  • La Tunisie avait demandé son extradition, le dossier était arrivé chez nous via le SPF Justice, puis il était resté sans suite sur le bureau d’un magistrat. Selon des sources, il s’agirait de Dirk Merckx. Celui-ci n’a rien fait du dossier.
  • Bien qu’il n’ait pas été concrètement accusé de faute, le ministre avait déclaré pendant toute une semaine « qu’il n’était pas sur les radars des services ». Il s’est avéré que cela était manifestement faux. De plus, le magistrat en question avait une réputation très douteuse (il avait été explicitement mentionné dans une affaire d’extorsion liée au lobbyiste Koen Blijweert, avec la carte de crédit duquel il avait payé des prostituées à Amsterdam), ce qui a compliqué l’affaire.
  • Désormais, plusieurs sources judiciaires confirment maintenant qu’Interpol a également envoyé une « Red Notice » concernant cet individu le 1er juillet 2022. Le cabinet Verlinden confirme l’existence de cette alerte.
  • Une Red Notice d’Interpol, ce n’est pas rien. Cela signifie que l’organisation internationale de police demande aux services de police du monde entier de localiser la personne en question et de l’arrêter provisoirement, sur la base d’une demande d’extradition. « Il est donc erroné de prétendre que les services de police ne le surveillaient pas. Et pire encore, ils avaient également connaissance de son adresse, située sur l’avenue Huart Hamoir à Schaerbeek », affirme une source judiciaire.
  • Il semblerait que l’affaire fasse aussi des vagues au sein de la police. Comment se fait-il qu’une telle Red Notice ait été manquée ? Ou que dans le récapitulatif détaillé du nombre de fois où le Tunisien est apparu dans les bases de données de la police belge, on faisait toujours référence à « 5 signalements » ? 

L’explication : « Ce sont les services de police eux-mêmes, en Belgique, qui ont initié cela. »

  • Dans la sphère autour de Verlinden, on ne nie pas l’existence de cette Red Notice. Cependant, on la perçoit comme une tentative de « pression » de la part d’Open Vld, dirigée vers la ministre de l’Intérieur.
  • Selon eux, fondamentalement, aucune erreur n’a été commise. En effet, la zone de police de Bruxelles-Ouest aurait reçu un tuyau l’année dernière au sujet d’Abdesalem Lassoued. On lui avait dit qu’il avait été condamné en Tunisie pour des activités terroristes. La police aurait alors contacté la Tunisie, qui lui aurait répondu par cette « Red Notice » envoyée via Interpol.
  • Cependant, il était seulement indiqué « évasion » sur cette alerte. C’est-à-dire que l’individu s’était échappé de prison en Tunisie. « Et cela n’était pas suffisant en soi pour que la police puisse l’arrêter ici. Les services de police ont donc demandé à ce que cette Red Notice soit modifiée ou complétée avec d’autres faits, pour qu’on puisse agir davantage ici », explique-t-on.
  • « Ensuite, les Tunisiens ont décidé de ne plus passer par Interpol, mais d’utiliser une demande d’extradition internationale. C’est ainsi que le dossier est arrivé au SPF Justice », précise-t-on. Ce dossier est donc resté sur le bureau d’un magistrat et a conduit, un an plus tard, à la démission de Van Quickenborne.
  • Néanmoins, pour la police et le ministère de l’Intérieur, cette affaire suscite des questions : pourquoi rien de cette Red Notice n’était-il enregistré dans les bases de données de la police ? « Il s’agit d’informations judiciaires », précise-t-on. Une constatation quelque peu inconfortable, quand on sait qu’une « totale transparence » avait été promise à la Chambre, au public et aux victimes. Or, rien n’a été révélé sur le sujet jusqu’à la démission de Van Quickenborne hier soir.
  • « Il n’y a rien de fatal à repprocher à la police, mais nous sommes encore en train de mettre en place les pièces du puzzle », selon Verlinden.

Que va-t-il se passer à présent ? Cela aura sans aucun doute des conséquences politiques graves.

  • Cette nouvelle information place tout le gouvernement dans une situation délicate. Ce qui a été affirmé tout au long de la semaine lors de conférences de presse, à la Chambre et dans des interviews semble de plus en plus reposer sur des bases fragiles. Et surtout, le fait que Van Quickenborne ait donné un exemple de « responsabilité politique » crée un précédent embarrassant. Logiquement, on se tourne maintenant vers la ministre en charge des services de police : Annelies Verlinden. Là, on renvoie la balle en direction des libéraux.
  • Le Premier ministre est très embarrassé par l’affaire et ne réagit pas non plus. Une communication devrait arriver au cours de la journée.
  • Quoi qu’il en soit, l’opposition sent l’odeur du sang. Hier déjà, tant le Vlaams Belang (via Tom Van Grieken) que la N-VA (via Theo Francken) ont mis en avant la responsabilité d’autres ministres que Van Quickenborne. Et ils ont demandé à ce qu’ils soient visés. Avec les nouveaux éléments qui émergent à présent, cette pression semble amenée à s’intensifier.
  • La Chambre se fait déjà entendre. Hier, Kristien Van Vaerenbergh (N-VA), présidente de la commission Justice, a fait savoir qu’elle souhaitait le plus rapidement possible que le gouvernement fournisse des explications au Parlement. C’était après la démission de Van Quickenborn. Et aujourd’hui, la demande ne fera que croître.
  • Si d’autres ministres devaient partir après Van Quickenborne, cela mettrait immédiatement en danger la stabilité de l’équipe gouvernementale. Car en plus du ministre de la Justice, Verlinden (cd&v) et la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor (cd&v) étaient à chaque fois présentes lors des communications et des auditions à la Chambre. Mais le plus important, bien sûr, c’est que le Premier ministre lui-même était présent.

(OD)

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