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Sans lanceur, l’Europe spatiale doit faire les yeux doux à Elon Musk et payer cash

Sans lanceur, l’Europe spatiale doit faire les yeux doux à Elon Musk et payer cash
Des satellites européens mis en orbite par Falcon 9. (Joe Marino/UPI/Shutterstock, Paul Hennessy/SOPA)

L’Europe spatiale continue à se construire, mais le chemin de l’autonomie de l’UE dans l’espace est loin d’être atteint. Et offrir un contrat à 180 millions d’euros – plus de la moitié du budget voté pour Ariane 6 – à Musk n’aide pas.

C’était une très bonne nouvelle pour l’Europe spatiale : les ministres des 22 pays impliqués dans l’ESA, l’Agence spatiale européenne, se sont mis d’accord sur le financement d’Ariane 6. Ce nouveau lanceur de moyenne à forte puissance (5 à 11,5 tonnes en orbite de transfert géostationnaire) doit remplacer sa grande sœur Ariane 5, qui a pris sa retraite après un dernier tir l’été dernier.

  • Montant de l’enveloppe : 340 millions d’euros chaque année pendant trois ans à partir de 2026. Une somme qui sera répartie entre la France (55,3 %), l’Allemagne (21 %) et l’Italie (7,6 %). Le restant étant pris en charge par les autres acteurs, dont fait d’ailleurs partie la Belgique.
  • Un accord enfin atteint, mais qui jette un voile sur de longues négociations. Car les trois principaux acteurs de l’Europe spatiale ne sont plus forcément d’accord sur la voie à suivre.
  • Sauf que pendant ce temps, l’ESA se retrouve sans lanceur propre. Et comme il n’est plus possible de collaborer avec les Russes de Roscosmos pour emprunter un Soyouz, l’UE se retrouve avec un seul interlocuteur possible pour placer ses satellites en orbite. Et c’est Elon Musk, le grand patron de SpaceX.

L’Europe spatiale et le bon vouloir du milliardaire

À défaut de fil d’Ariane, la Commission a dû signer un accord de 180 millions d’euros avec SpaceX. L’objet du contrat : mettre en orbite quatre satellites Galileo à l’aide de fusées Falcon 9 en 2024. Pour renforcer l’équivalent européen du système GPS des Américains, l’Europe spatiale doit donc faire appel à une firme américaine, faute de fusée européenne.

Étant donné qu’Ariane 6 ne sera toujours pas disponible, j’ai accepté une proposition de l’Agence spatiale européenne d’utiliser SpaceX. Nous avions un calendrier qui était promis et qui n’a pas été respecté. Il y a eu des retards encore et encore. À cause de ces retards, nous avons dû prendre certaines décisions. Nous parlons de satellites critiques, donc nous sommes toujours en négociation avec le côté américain. »

Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, auprès de Politico

180 millions pour quatre satellites

  • L’Union se retrouve en plus à traiter avec le même Musk avec lequel elle est en conflit sur la gestion des réseaux sociaux. C’est d’ailleurs Thierry Breton qui avait ferraillé le plus avec le milliardaire sud-africain.
  • En cause : Twitter, rebaptisé X. Un réseau social avec lequel Musk joue beaucoup, depuis qu’il l’a racheté pour 44 milliards. L’UE réclame qu’il mette des systèmes de modération et de suppression transparents et efficaces des « informations fausses, trompeuses et préjudiciables » sur ce qui est devenu une usine à fake news très appréciée de l’extrême-droite.
  • En réponse, Musk avait menacé de fermer entièrement X à l’Europe. Menace en l’air ? Peut-être. Mais à traiter avec lui sur le champ spatial, on lui offre de nouveaux moyens de pression.
  • Le milliardaire n’a en tout cas aucune raison de proposer un prix d’ami. La mise en orbite des satellites Galileo coutera 180 millions d’euros. Soit plus de la moitié du budget dégagé pour Ariane 6, quand même.
  • Ironiquement, ce recours au secteur privé plutôt qu’à un programme propre est défendu par certains pays membres. L’Allemagne défend ainsi une Europe spatiale qui fonctionnerait « à l’américaine. Chaque lancement serait attribué à un acteur qui remplit au mieux le cahier des charges. L’aspect réutilisable des fusées de SpaceX plait aussi beaucoup à Berlin.
  • Et ça n’est pas une mauvaise idée en soi, à condition d’avoir le choix de l’attribution finale. Avec une Ariane 6 en retard, dans les faits, l’ESA se retrouve à renforcer le monopole de Musk. Tout l’inverse de l’autonomie européenne dans l’espace qui est brandie comme étendard vers les étoiles.
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