Sur fond de la question migratoire et du drame humain qui se joue à Idleb, le président turc a rencontré le président du Conseil européen, Charles Michel, et s’apprête à faire de même avec le président russe Vladimir Poutine.
Commençons par la première rencontre. Qu’en retenir ? Charles Michel et l’exécutif européen restent sur la même ligne: prêter main-forte à la Grèce et empêcher les migrants d’arriver en masse sur le territoire de l’UE.
Le président du Conseil européen, à grand renfort de com’ critiquable et critiquée, n’entend pas mettre à la poubelle l’accord signé avec la Turquie sur la question migratoire, et remis en cause par le président Erdogan: ‘L’Europe est prête à accélérer son soutien aux Syriens en Turquie et à leurs communautés d’accueil’. En gros, l’UE est prête à payer davantage pour voir les quelque 4 millions de migrants rester sur le territoire turc, mais aussi dans la province syrienne d’Idleb.’
Ce à quoi Erdogan a répondu: ‘Si les pays européens veulent régler le problème, alors ils doivent apporter leur soutien aux solutions politiques et humanitaires turques en Syrie.’ C’est à dire s’engager sur le territoire syrien, qui est pour l’heure laissé à la Russie, sur fond d’affrontements entre les régimes syriens (Assad) et turc.
Il s’agissait d’une rencontre très diplomatique. Très polie. Qui ne pourra se mesurer qu’à hauteur des actes à venir. Aucune chance que l’Europe s’engage militairement en Syrie. Sur ce plan, elle ne parle et n’a jamais parlé d’une seule voix. On comprend entre les lignes que l’UE n’est pas disposée à accueillir davantage de migrants: la base reste l’accord signé en 2016.
Rencontre Poutine-Erdogan
Cette rencontre devait à la base s’effectuer à quatre à Istanbul: Emmanuel Macron, Angela Merkel, Vladimir Poutine et donc Erdogan. Mais depuis son annonce, le tout a été resserré en format bilatéral et finalement organisé à Moscou.
Inutile de dire que la tension est vive entre les hommes forts de la Turquie et de la Russie. Les fragiles alliés se déchirent sur le front syrien, la Russie soutenant le régime d’Assad, et la Turquie s’opposant à lui avec l’aide des rebelles syriens. L’enjeu est la maîtrise de la province d’Idlib qui longe le territoire turc. Erdogan ne veut pas que ce territoire tombe aux mains de ‘terroristes’, notamment des Kurdes, qu’Erdogan voit comme première et principale menace, et ce, depuis toujours.
Dernièrement, l’armée turque a poussé plusieurs offensives sur le territoire syrien. Mais l’espace aérien est totalement sous contrôle des Russes. Cela a mené à la mort de 33 soldats turcs. Un proche du Kremlin raconte dans la presse russe: ‘La Turquie compte sur sa carte de membre de l’Otan, elle joue sa chance, mais elle est allée beaucoup trop loin. La Russie doit réagir calmement, mais fermement. Quoi qu’il en soit, les conséquences pour la Turquie seront dramatiques.’
Il est vrai qu’Erdogan en appelle à l’Otan mais aussi aux Européens pour le soutenir. Pas écouté, il a brandi la menace de la rupture de l’accord de 2016, son arme diplomatique ultime.
Reste que la Russie n’a pas d’intérêt à affronter la Turquie de front. Une guerre coûte cher. Et ces derniers mois, Poutine lui-même a donné des signaux d’un retrait militaire dans plusieurs conflits.
L’économique
Une autre raison qui empêche un affrontement direct, c’est l’économique. Les sanctions de 2016 imposées par Moscou (suite à la destruction d’un avion russe par les Turcs) ont non seulement entrainé une perte d’emplois en Turquie, mais a aussi créé de l’inflation en Russie. Ce qui a poussé Poutine a levé ses freins en 2018 déjà.
Aujourd’hui, les liens économiques ont encore été renforcés. La Russie est le 2e partenaire commercial de la Turquie, avec un chiffre d’affaires avoisinant les 26 milliards de dollars. Inversement, la Turquie est le 7e partenaire commercial de la Russie. Les deux pays sont liés par le tourisme, les produits agricoles et le gaz principalement.
En conclusion, la diplomatie, mais surtout les risques économiques, devraient apaiser les tensions entre Russes et Turcs. Quant à la Syrie, aucune solution ne semble se dégager à long terme, le Régime d’Assad récupérant petit à petit le contrôle de son territoire.
La question sera donc reportée, quoiqu’il advienne.