L’Argentine a entamé des négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour obtenir une ligne de crédit, afin de juguler l’inflation et d’enrayer la chute de la parité de la monnaie locale, le peso. En toile de fond, le gouvernement du président Mauricio Macri veut éviter une nouvelle crise financière.
Au cours d’une conférence de presse, le ministre de l’Économie argentin, Nicolas Dujovne, a déclaré que le gouvernement ne pouvait pas encore dévoiler le montant de cet emprunt, mais selon Bloomberg, il atteindrait 30 milliards de dollars (environ 25 milliards d’euros).
Il ne s’agirait pas d’un emprunt classique, mais d’une ligne de crédit flexible, c’est à dire d’un fonds de précaution dans lequel le pays peut puiser en cas de nécessité.
Le peso argentin en chute libre
Depuis le début de l’année, le peso a perdu 18% de sa valeur, et ces derniers mois, la banque centrale argentine a injecté des milliards de dollars pour le soutenir.
La semaine dernière, on avait appris que le pays avait augmenté son taux directeur pour la 3e fois en 8 jours. La banque centrale l’avait porté de 12% au taux ahurissant de 40%, dans une nouvelle tentative pour stabiliser sa monnaie, victime du renforcement du dollar que l’on constate depuis la mi-février. Cette hausse a fait du taux directeur argentin le plus fort du monde… ce qui n’a pas empêché le peso argentin de se déprécier dès le lendemain. Jeudi dernier, le peso a perdu plus de 8 % contre le dollar. Il est alors devenu la monnaie la moins performante de toutes les économies émergentes.
L’Argentine est également confrontée à une inflation galopante qui a atteint près de 25% l’année dernière, et qui devrait atteindre la cible de 15% selon le gouvernement argentin, voire 19%, selon le pronostic du FMI.
L’Argentine : le ‘serial defaulter’
Depuis son indépendance en 1816, l’Argentine a fait défaut pas moins de 8 fois. La dernière fois, c’était en 2001. Le pays n’a pu faire son retour sur les marchés financiers qu’en 2016, soit 15 ans plus tard.
En novembre 2015, la victoire du politicien de centre-droit Mauricio Macri a mis fin à douze années de régime socialiste en Argentine, dirigée par Nestor Kirchner de 2003 à 2007, puis par son épouse Cristina Fernández de Kirchner de 2007 à 2015. Cette dernière refusait de soumettre son pays aux évaluations du FMI, lequel l’accusait de publier des statistiques économiques truquées.
Les investisseurs semblaient avoir repris confiance dans l’agenda économique du gouvernement Macri, et l’année dernière, lorsque l’Argentine a lancé un emprunt obligataire de 2,75 milliards de dollars (environ 2,31 milliards d’euros) avec une maturité de 100 ans, et au taux d’intérêt de 7,125 %, il avait été sur-souscrit quatre fois, ce qui signifie qu’il y avait quatre fois plus de demande que d’offre.
Mais récemment, cet optimisme s’est mué en défiance, et les investisseurs de plus en plus sceptiques à l’égard de sa politique économique du gouvernement Macri revendent massivement leurs titres argentins, ce qui provoque la chute de la parité du peso.
Tempête sur les économies émergentes
Les investisseurs placent de plus en plus d’argent aux États-Unis, où le dollar prend de la valeur et où l’intérêt sur les obligations a commencé à grimper. Pourquoi placer son argent dans une obligation argentine risquée pendant 100 ans alors qu’il est possible de gagner 3 % sans risque en l’investissant aux États-Unis, et gagner en plus sur la parité du dollar ?
L’Argentine n’est pas la seule à être mise en difficulté dans ce contexte. D’autres économies émergentes (un terme générique pour les pays avec une économie importante mais encore fragile – songez à l’Argentine, la Turquie, l’Indonésie, l’Inde, l’Afrique du Sud …) pâtissent également des transfert de fonds vers les États-Unis.
Le peso mexicain et le zloty polonais ont chacun chuté de plus de 4 % au cours du dernier mois. La livre turque est également en baisse de 10 % depuis janvier par rapport au dollar américain.
Les investisseurs préfèrent placer leur argent aux États-Unis
Les investisseurs ont prêté massivement des dollars américains aux pays émergents lorsque les taux d’intérêt américains étaient au plus bas, parce que ces derniers leur offraient de meilleurs rendements. Mais comme les taux d’intérêt américains ont augmenté entre-temps, il devient plus coûteux pour les pays émergents d’emprunter de l’argent pour rembourser les prêts en cours. Pour ne rien arranger, l’économie mondiale semble se ralentir. Cela renforce la perception du risque présentée par ces pays.
Tous ces pays émergents courent maintenant le risque de subir une fuite des capitaux, parce qu’il semble plus rentable et moins risqué d’investir aux États-Unis.
Selon les analystes, le «point de non-retour» a déjà été atteint. « Quand vous augmentez votre taux d’intérêt de 12 % en une semaine pour défendre votre devise, c’est qu’il est déjà trop tard », explique Guy LeBas, stratège en chef des revenus fixes chez Janney Capital Management, dans le Financial Times .