Les agriculteurs européens réalisent des bénéfices records malgré l’élargissement de l’écart de richesse


Principaux renseignements

  • Les agriculteurs européens ont réalisé des bénéfices records, mais l’écart de richesse qui se creuse au sein de l’industrie exacerbe les difficultés économiques auxquelles sont confrontées de nombreuses personnes.
  • Les progrès technologiques favorisent la production à grande échelle, obligeant les petites exploitations à s’agrandir ou à se retirer du secteur.
  • Les agriculteurs s’inquiètent des importations agricoles moins chères en provenance d’Amérique du Sud et des tensions commerciales croissantes.

Des données récentes révèlent des bénéfices records pour les agriculteurs européens, selon le réseau d’information comptable agricole de la Commission européenne et Eurostat. Toutefois, un examen plus approfondi révèle un écart de richesse croissant au sein de l’agriculture, exacerbant les difficultés économiques rencontrées par de nombreux agriculteurs sur le continent.

Cette disparité financière, qui a doublé au cours des quinze dernières années, coïncide avec un déclin significatif des petites exploitations agricoles, selon l’analyse du Guardian. Une étude publiée en octobre 2024 par un groupe de défense de l’environnement résume avec justesse la situation difficile dans laquelle se trouvent les agriculteurs : « faire de la place ou faire faillite ». Ce paysage agricole difficile s’explique par divers facteurs, notamment les progrès technologiques qui favorisent de plus en plus la production à grande échelle.

Inégalité agricole et progrès technologiques

Sebastian Lakner, économiste agricole à l’université de Rostock en Allemagne, décrit cette tendance comme un « tapis roulant technologique » de la productivité, qui oblige finalement les petites exploitations à s’agrandir ou à quitter le secteur. Il explique que celles qui ne sont pas en mesure d’investir dans des équipements modernes et des technologies innovantes sont laissées pour compte. Coen van den Bighelaar, producteur laitier néerlandais dont l’exploitation familiale s’étend sur 60 hectares, illustre ce point en soulignant les difficultés rencontrées par les petites exploitations pour adopter de nouvelles mesures de réduction des émissions.

Le rapport de l’Institut Robert Schuman de février 2024, intitulé « Les différentes causes de la crise agricole en Europe », souligne les tensions croissantes au sein du secteur pendant les années qui ont précédé la récente recrudescence des protestations. Les Pays-Bas ont connu une révolte en juin 2022 contre les plans de réduction du bétail visant à limiter les émissions d’azote, ce qui a conduit à la formation du Mouvement des agriculteurs-citoyens.

Protestations d’agriculteurs et accords commerciaux

Les agriculteurs s’alarment de l’afflux de produits agricoles moins chers en provenance d’Amérique du Sud, fabriqués avec des pesticides et des produits chimiques interdits en Europe. Cet afflux imminent menace l’agriculture française, selon Arnaud Rousseau, leader du principal syndicat agricole français, la FNSEA. Jordan Charransol, responsable des Jeunes agriculteurs du Vaucluse, qualifie l’accord de « catastrophe pour l’agriculture française ». La colère qui couve au sein de la communauté agricole française fait écho aux manifestations de janvier, où les inquiétudes concernant les importations ukrainiennes, les subventions aux carburants et l’accord du Mercosur avaient déclenché des manifestations.

Le rapport Schuman cite également l’augmentation des taxes sur le diesel, les obligations environnementales strictes imposées par le « Green Deal » de l’Union européenne et l’opposition aux accords de libre-échange avec le Mercosur, l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme autant de facteurs contribuant au mécontentement des agriculteurs. Des manifestations ont éclaté au début de l’année en Allemagne et en France, alimentées par des préoccupations concernant les prix du diesel et les importations ukrainiennes.

Capitalisation politique et politique populiste

Si certains griefs ont été pris en compte, comme la question des subventions aux carburants, les frustrations sous-jacentes persistent. Le climat actuel de mécontentement offre aux politiciens populistes l’occasion de capitaliser sur les inquiétudes des agriculteurs. Comme le sociologue Matthias Quent l’a mis en garde au début de l’année 2024, les agriculteurs doivent s’assurer que leurs manifestations ne sont pas manipulées par des agendas politiques. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) a tenté de tirer parti des manifestations du début de l’année 2024, mais a finalement essuyé d’importants revers lors des élections européennes de juin, démontrant une nette préférence des électeurs allemands pour des solutions politiques alternatives.

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