Acheter maintenant et payer plus tard n’est pas un concept nouveau. Il existe depuis plusieurs années déjà, mais cette méthode de paiement a véritablement explosé avec la crise sanitaire. Durant les confinements, les consommateurs se sont majoritairement tournés vers le shopping en ligne, boostant l’e-commerce, mais aussi les méthodes de paiement en ligne et en différé.
Profiter directement de ses achats et s’inquiéter une, deux voire quatre semaines plus tard de leur paiement a de quoi séduire. On comprend pourquoi de plus en plus de consommateurs optent pour l’option « acheter maintenant, payer plus tard » lors de leurs achats en ligne. Une tendance qui a explosé avec la pandémie et qui devrait continuer de croitre au cours des prochaines années.
En 2019, le montant total des transactions effectuées via la modalité de paiement « buy now, pay later » (BNPL) s’élevait à 353 milliards de dollars. En 2025, ce montant devrait presque doubler pour atteindre les 680 milliards de dollars. Dix pour cent des Belges ont déjà eu recours à ce mode de paiement.
Durant la Cyber Week – semaine du Black Friday –, les paiements BNPL ont augmenté de 29% par rapport à l’année dernière, à l’échelle mondiale, selon une étude de la société de logiciels Salesforce. La société de paiement PayPal a enregistré un volume de transaction 400% supérieur à celui de 2020 via son service BNPL, durant le Vendredi Noir.
Bien que pratique, le concept tendance de paiement en différé n’a pas que de bons côtés pour les consommateurs.
Aucun garde-fou
Les solutions se multiplient à mesure que le concept séduit et les premiers à s’être lancés sur ce marché ne cessent de croitre à l’échelle mondiale. C’est notamment le cas de Klarna, société suédoise lancée en 2005. Présente sur 19 marchés, à travers 250.000 magasins en ligne, elle compte pas moins de 90 millions d’utilisateurs actifs. Rien qu’en Belgique, Klarna compte plus d’un million de consommateurs (37% de croissance par rapport à novembre 2020) et travaille avec plus de 20.000 marchands (+28%).
Leurs principaux arguments pour accroitre leur clientèle est que cette méthode de paiement est plus sûre et plus accessible que les cartes de crédit traditionnelles qui, in fine, repose sur le même principe, mais impliquent des intérêts.
Cependant, les défenseurs des consommateurs mettent en garde contre ce type de paiement, car il n’y a aucun garde-fou. Les consommateurs peuvent en effet acheter plus que ce qu’ils peuvent se permettre et utiliser plusieurs services à la fois. Rien ne les protège de l’endettement, bien que certains services affirment vérifier la solvabilité de leurs clients. Le fait est que puisqu’elles n’appliquent pas d’intérêt sur les achats, mais seulement des frais en cas de retard, elles ne sont pas tenues à vérifier la solvabilité de leurs clients aussi scrupuleusement que ne le font les services de crédits traditionnels.
Elles ne communiquent pas non plus avec leurs concurrents, de sorte qu’elles ne savent pas si leurs clients sont endettés ailleurs.
La plupart du temps, il suffit de prouver que l’on est majeur, de fournir plusieurs informations personnelles, dont un numéro de téléphone vérifiable, ainsi qu’une carte bancaire valide pour profiter des services BNPL. Les personnes sans revenus ou dans l’incapacité de rembourser leurs achats peuvent donc empirer leur situation en générant de nouvelles dettes.
Incitation à dépenser plus
Le problème est en effet que l’on peut facilement se laisser submerger par le plaisir ressenti en profitant directement de nos achats, sans s’encombrer de la question du paiement puisque reportée à plus tard. Le fait qu’aucun montant ne soit débité de son compte en banque ni crédité sur sa carte de crédit peut générer un sentiment de liberté chez le consommateur qui peut alors dépenser plus puisque, pour l’instant, il ne paie rien. De plus, les services BNPL sont tellement bien intégrés sur les sites d’e-commerce que les utiliser revient à un jeu d’enfant. Commander sur Zalando ou H&M n’a jamais été aussi facile. Ce qui est évidemment d’autant plus dangereux pour les consommateurs.
La pilule sera d’autant plus difficile à avaler lorsqu’il faudra payer ses dettes. C’est à ce moment-là que certains prendront conscience de tout ce qu’ils ont commandé et des montants qu’ils devront rembourser, avec parfois des regrets. Dans certains cas, rembourser ne sera tout simplement pas possible.
Mauvaise surprise
Les sociétés de BNPL gagnent la plupart de leur argent en facturant aux détaillants un pourcentage sur les transactions effectuées via leur service. Ce qui n’est pas forcément cher payé pour les détaillants puisque leurs clients ont tendance à dépenser plus en utilisant ce mode de paiement.
Mais elles tirent également leurs revenus des frais de retard qu’elles appliquent aux consommateurs, après souvent un premier rappel gratuit. Les sociétés appliquent une pénalité de retard à leurs clients qui ne respectent pas le délai de paiement. Certains tirent également leurs revenus des intérêts qu’elles appliquent sur les montants élevés empruntés.
Or, il arrive que certains clients ne se soient pas conscients de cela, qu’ils s’arrêtent à la promesse « acheter maintenant, payer plus tard » et que donc, ils s’endettent sans en prendre conscience. Après plusieurs rappels (payants), les sociétés de paiement n’ont pas d’autre choix que de faire appel à des agences de recouvrement de créances. On se retrouve alors devant le même cas de figure que pour les cartes de crédit utilisées jusqu’à la moelle, avec tout ce que cela implique.
Des solutions semblent tout de même se profiler à l’horizon, notamment du coté de chez Klarna – leader mondial des paiements, achats et shopping – avec le lancement d’une application qui offre « plus de visibilité et de contrôle sur les achats (suivi des commandes, des paiements, des retours, budgétisation, visualisation de l’impact carbone et bien plus encore », nous indique un attaché de presse de la société.
Et il ne faut pas croire que ce sont les plus jeunes qui croulent sous les dettes, après avoir abusé des services BNPL. Aux États-Unis, 41% des adeptes de cette méthode de paiement ont entre 26 et 40 ans et 36% ont entre 21 et 25%, rapporte CNN. Le client moyen de Klarna a 36 ans, alors que le client moyen européen d’Afterpay (Clearpay) a 37 ans.