Les viandes de synthèse cultivées en laboratoire suscitent tant la fascination qu’un certain dégoût, selon à qui on s’adresse. Pour les partisans de cette nourriture un peu inclassable, celle-ci permettrait de sauvegarder notre gastronomie carnée tout en réduisant fortement notre impact sur la planète. Mais cet argument est aujourd’hui battu en brèche.
Un steak haché ou un filet américain qui n’a jamais brouté, et qui n’a jamais été trainé vers son funeste destin à l’abattoir ; de la science-fiction utopiste il y a quelques années encore, mais une réalité de plus en plus palpable, de nos jours. L’intérêt pour les viandes de laboratoire est d’ailleurs plutôt varié ; la NASA y voit une source de nourriture possible pour les futurs colons de l’espace, tandis qu’une entreprise australienne nous propose carrément de goûter à des espèces disparues, mammouth compris.
Des émissions de carbone astronomiques
Les principaux arguments derrière ce secteur restent tout de même l’opportunité de ne pas tuer d’animaux sans pour autant se priver d’un point de vue gastronomique, mais aussi la réduction de notre impact délétère sur la planète par le remplacement de l’élevage intensif, qui ruine les sols, empoisonne l’eau, et émet des quantités faramineuses de méthane. Sauf que selon une nouvelle étude (qui n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, précise IFLscience), l’impact de ce genre de culture pourrait, à grande échelle, s’avérer bien plus nocif pour l’environnement que l’élevage. L’extension du processus à l’échelle industrielle pourrait même générer entre 4 et 25 fois plus d’émissions que l’industrie mondiale de la viande bovine.
Il est vrai que la viande cultivée en laboratoire élimine les besoins en terres, en eau et en antibiotiques de l’élevage bovin, mais, selon les chercheurs, la comparaison de l’impact environnemental de ce produit a été largement sous-estimée en ne prenant pas en compte les technologies véritablement utilisées à l’heure actuelle. Le processus de culture n’est pour l’instant possible qu’en utilisant des mélanges de nutriments de qualité pharmaceutique, et en éliminant les endotoxines – libérées par les bactéries dans l’environnement – dont la moindre présence peut empêcher la prolifération des cellules cultivées.
« La culture de cellules animales se fait traditionnellement avec des composants de milieu de croissance qui ont été raffinés pour éliminer/réduire les endotoxines. L’utilisation de ces méthodes de raffinage contribue de manière significative aux coûts économiques et environnementaux associés aux produits pharmaceutiques, car elles sont à la fois gourmandes en énergie et en ressources. »
Un steak encore loin de notre assiette
Les chercheurs estiment que chaque kilogramme de viande de laboratoire produit de 246 à 1.508 kilogrammes de dioxyde de carbone, soit 4 à 25 fois plus que la viande de bœuf au détail, selon la méthode d’élevage, et ce majoritairement à cause de l’énergie dépensée pour la purification des composants du milieu de croissance. De quoi remettre en question les projets de commercialiser ce genre de produit à grande échelle – ce qui n’est pour l’instant autorisé qu’à Singapour depuis 2020.
En guise de solution, les auteurs suggèrent que le développement de lignées cellulaires capables de tolérer des niveaux plus élevés d’endotoxines pourrait réduire la nécessité de recourir à des processus de purification gourmands en énergie. Il faut en effet rappeler que ces processus ne sont qu’à leur balbutiement, et que les coûts suffisent pour l’instant pour dissuader de ne pas en produire plus de quelques burgers à la fois. En attendant, on se contentera d’un menu végétarien.