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« Poutine a perdu la guerre de l’énergie »

« Poutine a perdu la guerre de l’énergie »
Pierre Andurand – Photo by Anthony Harvey/Getty Images for The New York Times

Pierre Andurand est un ancien négociant en énergie de Goldman Sachs et Vitol. Il s’est fait un nom en annonçant plusieurs des grands mouvements du pétrole et d’autres matières premières énergétiques au cours des deux dernières décennies, y compris les prix du pétrole qui sont devenus négatifs pendant les premiers stades de la pandémie de coronavirus.

Pourquoi est-ce important ?

Après des bénéfices records, les recettes liées aux hydrocarbures russes s'effondrent. La baisse des prix de l'énergie et les sanctions occidentales jouent désormais leur rôle à plein régime. Avec la perte de son principal client (l'Europe), la Russie doit dorénavant se rabattre sur l'Asie, ce qui est beaucoup moins rémunérateur.

L’actualité : Dans une interview au Financial Times, Pierre Andurand, l’un des traders les plus performants dans le domaine de l’énergie, a déclaré que le président russe Vladimir Poutine a « perdu la guerre de l’énergie » et que « le pire de la crise européenne du gaz et de l’électricité est passé ».

  • « Je pense que Poutine a perdu la guerre de l’énergie », a déclaré M. Andurand. « Les prix très élevés du gaz naturel et de l’électricité en Europe étaient extrêmement mauvais pour l’économie mondiale, mais ils sont maintenant revenus à un niveau plus raisonnable. Si les prix du gaz restent à ce niveau, il y aura beaucoup moins d’inquiétude concernant l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Il n’y a plus de crainte d’une crise énergétique. »
  • « Je pense qu’il s’agissait d’une erreur de calcul massive de Poutine sur qui avait le levier, de la même manière qu’il a mal calculé comment l’Ukraine allait se défendre et l’Ouest s’unir », a déclaré le trader en énergie. « La Russie a perdu son plus gros client pour toujours, et il faudra au moins une décennie pour construire suffisamment de pipelines [pour rediriger ces ventes de gaz] vers l’Asie. Une fois que la Russie ne pourra vendre du gaz qu’à la Chine, Pékin sera en mesure de décider du prix. »
  • Pierre Andurand y croit tellement qu’il a annoncé avoir liquidé toutes ses positions sur les marchés du gaz naturel, car il était peu probable que la flambée des prix de l’année dernière, qui ont atteint des niveaux record, se répète, l’Europe apprenant rapidement à vivre sans le gaz russe.

Les recettes des hydrocarbures se dégradent sérieusement

Le contexte : les bénéfices records de la première partie de 2022 se tarissent.

  • Jusqu’en août 2022, où les prix du gaz ont dépassé les 300 euros le MWh sur les marchés de gros, la Russie a fait des bénéfices records avec ses hydrocarbures. Ensemble, les revenus liés au pétrole, aux produits pétroliers, au gaz et au charbon ont atteint 158 milliards d’euros entre le 24 février et le 24 août, a calculé le Centre for Research on Energy and Clean Air (Crea).
  • À l’automne, à l’approche de l’embargo sur les produits pétroliers, les prix du pétrole ont diminué, tout comme les prix du gaz ont entamé leur décrue suite aux réserves européennes remplies dans les temps. Le mois de novembre a marqué un premier pas, avec une chute estimée des revenus de 48%. La production elle-même était en recul avec -3,4% pour le pétrole et -20% pour le gaz.
  • Le mois de décembre n’a fait que renforcer cette tendance. Un hiver doux a maintenu les prix du gaz à la baisse. Et les sanctions ont joué leur rôle : la Russie a été contrainte de déverser son pétrole en Asie, où le prix est inférieur au prix plafond imposé par les Occidentaux. Le brut de l’Oural s’est négocié entre les 40 et les 50 dollars jusqu’à aujourd’hui. Bien en dessous du plafond de 60 dollars. En conséquence : les recettes de la Russie provenant des exportations d’hydrocarbures ont diminué de 17 % par rapport au mois précédent, le niveau le plus bas depuis le début de la guerre en Ukraine.
  • Le Centre for Research on Energy and Clean Air a calculé que les sanctions et l’embargo ont fait baisser les recettes russes de 160 millions d’euros par jour. Avec les coûts liés à la guerre, la Russie a déploré en décembre un déficit commercial de 53 milliards d’euros, le premier déficit en 11 mois. La Russie touche toujours 640 millions d’euros par jour pour sa vente d’hydrocarbures, mais l’embargo sur les produits pétroliers (pas uniquement le pétrole), qui est entré en vigueur le 5 février dernier, devrait baisser ces recettes de 20%.
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