Fumée blanche au 16 rue de la Loi, le budget fédéral pour 2023 et 2024 a été bouclé. Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) se rendra à la Chambre à 14 heures pour son discours de rentrée.
Les mesures de soutien sont prolongées
- On parle ici du tarif social, de la TVA à 6% sur le gaz et l’électricité, ainsi que des chèques-énergies (mazout : 225 euros, gaz et électricité : 200 euros par mois pour les contrats fixes) et de la réduction des accises sur les carburants. Ces mesures seront prolongées jusqu’au printemps. Il faut y ajouter une prime pour le pellet de 250 euros, non cumulable avec les autres aides. En tout, sur les 5 mois, le gouvernement estime qu’il s’agit d’une aide de 1000 euros par ménage. Coût total : 1,5 milliard d’euros.
Aides supplémentaires aux entreprises
- Les cotisations patronales des indexations seront neutralisées pour le 1er et le 2e trimestre 2023. Les cotisations pourront être reportées concernant le 3e et le 4e trimestre. Soit une réduction des charges à hauteur de 1 milliard d’euros pour les entreprises, sans distinction toutefois. Concrètement : -7,07% de contributions patronales pour les 6 premiers mois de l’année.
- Prolongation jusqu’au premier trimestre 2023 du chômage temporaire « énergie » et du droit passerelle pour les indépendants.
- Le plafond des flexy-jobs sera remontée à 600 heures plutôt que 475. Notamment pour permettre à l’horeca de proposer plus de jobs d’étudiants. Le système a été élargi aux secteurs de l’agriculture, des soins de santé, de la culture, de l’événementiel et du sport.
La taxation sur les surprofits rabotée
- Il ne sera pas question de 4,7 milliards d’euros, comme l’avait avancé la ministre de l’Energie, Tinne van der Straeten (Groen), mais plutôt de 3,1 milliards qu’il faut aller chercher dans le secteur de l’énergie – fournisseurs et producteurs. Il existe en fait encore une incertitude pour la période qui n’est pas couverte par la proposition de la Commission européenne. La Belgique compte taxer à 100 % les profits au-delà de 130 euros le MWh à partir de décembre 2022 et pour le reste de 2023 (l’objectif est même d’aller jusqu’en 2024). Mais on se dirigerait, selon les plans comptables, vers une taxation à 100% au-delà de 180 euros pour la période qui couvre janvier à novembre 2022.
- Les écologistes se consoleront avec une enveloppe de 3 milliards pour le rail, mais pour une période de dix ans. Il s’agit donc de 116 millions d’euros pour 2023 et de 84 millions en 2024.
Ce qui financera les mesures
- Une hausse des accises sur le tabac et une taxation des cigarettes électroniques via le droit d’accises est programmée à partir de 2024.
- L’avantage fiscal pour les résidences secondaires est supprimé.
- L’avantage fiscal des intérêts notionnels est supprimé, sauf pour les PME.
- Crédit-temps raboté : le congé parental devra être entamé avant que l’enfant ait atteint l’âge de cinq ans. La durée du crédit-temps sera également diminuée de 51 à 48 mois.
- Non-indexation des salaires des ministres.
- La taxe bancaire/assurance sera moins déductible pour les banques.
- Lutte contre la fraude sociale et fiscale sera renforcée.
- Un contrôle renforcé contre les abus des droits d’auteur.
- Une réduction de la participation de l’État dans la distribution des journaux via Bpost de 175 à 50 millions d’euros.
Ce qui est passé à la trappe
- Une réforme de grande ampleur sur la fiscalité ou le marché du travail.
- La fin de la péréquation des pensions des fonctionnaires.
- La hausse de la taxe sur les comptes-titres
- Un saut d’index et une modification de la loi de 1996.
Analyse
Comme prévu, ce budget aura été le compromis du plus petit dénominateur commun, entre les 7 partis de la Vivaldi. L’occasion de mener de grandes réformes structurelles n’aura pas été saisie. Il est juste question de planifier une grande réforme fiscale et de compléter la réforme du travail, mais le gouvernement De Croo devrait manquer de temps, d’unité et donc d’argent.
Georges-Louis Bouchez (MR) a évidemment déjà trouvé un coupable : « Il est regrettable que les réformes nécessaires n’ont pu être réalisées, mais celles relatives à la fiscalité et au marché du travail sont à l’agenda. La gauche persiste à refuser de faire travailler ceux qui le peuvent et ne le font pas. Irresponsable ! ». Le président du MR avait en effet plaider pour une limitation des allocations de chômage dans le temps et une réforme des CPAS. Le PS n’aura lui pas été écouté sur une taxation des hauts revenus, proposée par Paul Magnette (PS).
Soyons clair, personne n’y croyait vraiment, pas même eux. Il s’agissait plutôt, comme nous l’avons déjà écrit, d’un jeu à somme (presque) nulle où chaque mesure s’annulait l’une l’autre. Reste quelques ingrédients que chacun pourra revendiquer, et le minimum absolu : la prolongation des mesures de soutien, ainsi qu’une aide bienvenue pour les entreprises. Au final, De Croo a vu les vétos du PS et du MR annihiler son exercice budgétaire et en particulier l’assainissement, qui ne permettra pas de fixer le déficit à 3%, d’ici la fin de la législature.
Fait notable : la Vivaldi ne sera pas passée par une crise pour aboutir à un accord, elle pourra adresser un clin d’œil au gouvernement flamand. Mais il est de plus en plus clair que le gouvernement De Croo aura été un gouvernement de crise, et pas un gouvernement de réformes, ce qui avait pourtant été l’objectif annoncé en début de législature. Il reste moins de 2 ans à la Vivaldi pour nous contredire. Mais le budget n’en prend pas le chemin.