Alors que le débat sur l’avortement a repris de plus belle aux États-Unis, nombreuses sont les femmes du pays qui craignent de perdre l’accès à une IVG sûre, légale, et médicalisée. Ce qui a pour effet de stimuler un nouveau secteur commercial : celui des prescriptions pour des pilules abortives livrées à domicile.
Dangereux avis de tempêtes sur les droits des femmes, aux États-Unis : un nombre croissant d’Etats, des bastions conservateurs, introduisent des législations de plus en plus restrictives envers l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Texas a ainsi interdit l’avortement dès 6 semaines, tandis que le Mississippi conteste une loi actuelle qui garanti une IVG possible jusqu’à 15 semaines. Pour comparer, en Belgique comme en France l’avortement doit avoir lieu 14 semaines après les dernières règles.
Une Constitution qui ne protégerait plus les femmes
Or, ces décisions pourraient avoir des conséquences à l’échelon fédéral : le Mississipi a ainsi entrainé une remise en question de l’arrêt Roe v. Wade de 1973 alors qu’il s’agit de l’un des arrêts de la Cour suprême les plus importants politiquement, qui garantit comme constitutionnel l’accès à l’avortement, même s’il laisse une grande liberté d’actions aux États pour déterminer des circonstances dans lesquelles celui-ci est légal. L’avis final sur l’affaire devrait être finalisé et publié ce mois-ci. Mais en attendant, la résistances des femmes américaines s’organise, entre autres autour d’un business récent : celui des startup proposant soins et médicaments à domicile en vue d’un avortement.
Ces dernières années sont apparues une série d’entreprises telles que Choix, Hey Jane ou Just the Pill, qui proposent toutes des prescriptions d’avortement par télémédecine et des pilules abortives livrées par courrier. Grâce à l’assouplissement des réglementations au niveau fédéral, ces jeunes entreprises affirment que leurs services permettent de réduire les temps de déplacement, les périodes d’attente en cabinet et les coûts, rapporte CNN.
Aux États-Unis, la moitié des IVG environ se fait via la prise de médicaments selon le Guttmacher Institute, un organisme de recherche qui soutient le droit à l’avortement. Plus précisément, il s’agit de deux produits qui doivent être pris en parallèle, la mifepristone et le misoprostol. Ces médicaments abortifs ont été approuvés par la Food and Drug Administration en 2000. Or, depuis, la pandémie est passée par là, et la FDA a autorisé la prescription par des pharmacies en ligne et la livraison d’un nombre croissant de médicaments par courrier afin d’assurer que chaque Américain puisse avoir accès aux produits qui lui sont nécessaires. Les médicaments abortifs faisaient partie de la liste, ouvrant ainsi la porte d’un nouveau marché.
Neuf fois plus de clientes
Et le climat politique plutôt délétère pour le droit à l’IVG souffle comme un fort vent de poupe pour ces entreprises : le nombre de clientes augmente, et les collectes de fonds menées par certaines startups voient un succès inattendu, comme si elles étaient perçues comme d’utilité publique.
« Les gens sont en train de réfléchir et de comprendre que l’accès à l’avortement sera un problème majeur dans un avenir prévisible », a résumé Kiki Freedman, PDG de Hey Jane. La PDG de la startup a déclaré à CNN Business que Hey Jane a vu le nombre de nouveaux patients par jour multiplié par neuf par rapport à la même période de l’année dernière et a presque doublé la taille de l’équipe clinique depuis septembre. Depuis son lancement, Hey Jane a levé 3,6 millions de dollars auprès d’investisseurs et a stratégiquement placé ses antennes de soins dans des États progressistes qui représenteront probablement la majorité des avortements américains, comme New York ou la Californie, si l’arrêt Wade venait à être cassé.
Sa concurrente Choix a quant à elle connu un pic d’intérêt de 300 % en termes de trafic web et de demandes de renseignements en ligne sur les soins. La semaine dernière, l’entreprise a annoncé une levée de fonds d’un million de dollars auprès de la société de capital-risque Elevate Capital, basée à Portland, pour faire face à l’augmentation de la demande. Choix, lancé à la fin de 2020, à un modèle de premier plan virtuel qui fournit des services d’avortement et de santé sexuelle aux personnes en Californie, au Colorado et en Illinois.
« Au fur et à mesure que la compréhension des soins d’avortement via la télésanté se développe et que l’accès devient plus restreint, nous prévoyons un afflux encore plus important de demandes de soins de la part des patients », a déclaré Cindy Adam, PDG de Choix, à CNN Business. La startup espère lever 500.000 à 1 million de dollars supplémentaires pour s’étendre à d’autres États.
Plus de 500 dollars pour une IVG
Il ne faut pas perdre de vue qu’aux USA, avorter peut coûter cher : tous les États ne pratiquent pas les mêmes régimes d’assurance santé, et l’IVG en est parfois exclue. Une femme doit débourser en moyenne 504 dollars pour un avortement médicamenteux précoce, relève CNN. Si la garantie constitutionnelle du droit à l’avortement venait à tomber, le Guttmacher Institute estime que l’envoi de traitement par courrier deviendra la norme pour de nombreuses femmes, à moins de se déplacer dans un État resté plus permissif, comme la Californie ou l’Illinois. Un voyage que peu pourraient se payer.