Voici les contraintes que le Qatar impose à l’Europe pour son gaz, et pourquoi ça coince

L’Europe veut se passer du gaz russe, et espère pouvoir compter sur le gaz naturel du Qatar. Mais celui-ci ne vient pas sans conditions, et elles ne plaisent pas à l’Europe.

Parmi les pièces du puzzle que l’Europe doit résoudre pour remplacer les importations de gaz russe, le gaz naturel liquéfié (GNL) est une pièce importante. Le GNL en provenance du Qatar notamment est vu comme un des points névralgiques de la stratégie de substitution, à côté de celui acheminé depuis les Etats-Unis.

Le pays du Golfe est notamment connu pour être un grand livreur de pétrole, mais il fait également partie du top 5 mondial des producteurs de gaz naturel. En plus de cela, le pays continue également d’investir dans l’énergie fossile : sur les cinq prochaines années, le Qatar veut augmenter sa production de 64%, rappelle BFM Business. Un gros acteur donc, et comme dans toute négociation, un gros acteur peut faire entendre ses revendications à la partie demanderesse (l’Europe, dans ce cas).

A quelles conditions?

L’Europe veut donc bien se mettre le GNL qatari sous le coude. Mais pour le livrer, le Qatar a certaines exigences. Et ces exigences bloquent aujourd’hui les négociations.

  • Le Qatar exige un engagement de la part de l’Europe pour au moins dix ans. Il indique vouloir rentabiliser ses investissements.
    • L’Europe de son côté préfère s’engager pour cinq ans, rapporte BFM. Encore importer des énergies fossiles dans dix ans serait contraire à ses objectifs de réduction des émissions de CO2 (-55% pour 2030).
  • En matière de prix, les parties ne sont pas d’accord non plus. Le GNL demande plus d’infrastructures : il doit être liquéfié, transporté par bateau (ce qui nécessite en plus des navires spécifiques), et ensuite être regazéifié dans des terminaux spéciaux. Le GNL est donc plus cher que le gaz russe, qui peut juste être amené, sous forme gazeuse, à travers un gazoduc.
    • Sur la question du prix, l’Europe est déjà désavantagée, mais le Qatar demande des conditions supplémentaires : il souhaite que le prix soit indexé sur les cours du pétrole.
  • Ensuite, le principe selon lequel le marché européen fonctionne ne plait pas aux Qataris. Pour l’instant, les pays se revendent les ressources entre eux : l’Allemagne par exemple revend le gaz russe qu’elle importe à ses voisins. Le Qatar cependant veut directement livrer le gaz aux pays, et avoir une « clause de destination » dans le contrat.
    • Une condition qui pour l’heure ne passe pas du tout pour l’Europe, dont le marché ouvert a été le principe fondateur. En plus, l’Europe souhaite également mettre sur pieds des achats groupés, comme au temps des vaccins contre le covid, pour pouvoir négocier des prix moins élevés, dû à la quantité achetée, et ensuite distribuer les ressources entre les pays, selon les besoins. Mais avec les conditions qataris, cela serait impossible.

Pour l’heure, les discussions sont au point mort. De toutes les compagnies européennes, seuls les deux géants de l’énergie allemands (pays le plus dépendant du gaz russe, et qui ne compte pas encore de terminal de regazéification) RWE et Uniper discutent actuellement avec le Qatar.

D’un autre côté, l’Europe a grandement besoin de ressources en ce moment, car elle souhaite remplir les réservoirs de gaz, en vue de l’hiver prochain, où elle veut avoir réduit les importations de gaz russe de deux tiers. Avec des réservoirs vides, les prix du gaz connaîtraient une nouvelle envolée spectaculaire.

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