Pourquoi la Vivaldi n’a pas voulu fournir des casques et des gilets pare-balles à l’Ukraine ? Les Verts sont pointés du doigt : « Absurde et mesquin »

Le temps de la diplomatie est terminé pour Poutine. Finies les blagues idiotes avec le porte-parole des Affaires étrangères à Moscou: les chars russes ont pénétré le sol ukrainien dans l’Est du pays. Emmanuel Macron et Olaf Scholz, qui ont tenté jusqu’au dernier moment de faire changer d’avis les Russes, ont échoué.

Étonnant: ces dernières semaines, la Belgique a fermement rabattu la porte à une demande de l’Ukraine d’envoyer des armes et du matériel. Le 31 décembre, le kern a décidé qu’aucune arme ne serait livrée. Des gilets pare-balles et même des casques ont également été refusés en raison d’un « stock insuffisant ». Diverses sources gouvernementales parlent d’un veto des verts. Cela entraîne des tensions au sein de Vivaldi : « C’est absurde, cela a été fait par consensus, il n’y avait pas que notre objection. Personne n’a voulu cela », répondent les écologistes. Entre-temps, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) maintient l’option ouverte, et Ecolo ne dit finalement plus « non » à la fourniture de matériel. Mais les armes ? « Difficile ».

Dans l’actualité : Poutine a envoyé valser la diplomatie.

Les détails : La question est maintenant de savoir jusqu’où iront les troupes russes.

  • Le conflit en Ukraine entre dans une nouvelle phase : après des semaines de renforcement des troupes, Vladimir Poutine a envoyé des soldats russes en territoire ukrainien. Selon des images obtenues par Al Jazeera, des équipements militaires lourds pénètrent actuellement dans les zones tenues par les rebelles autour de Luhansk et de Donetsk : des véhicules blindés transportant également des systèmes de missiles traversent la frontière.
  • Cette décision intervient après que la Russie a reconnu les deux territoires sécessionnistes comme des États à part entière : une décision très controversée que l’Occident et l’Ukraine elle-même avaient décrite comme une « ligne rouge » dans les pourparlers de paix. Ces deux territoires se sont déclarés autonomes lors de précédentes violences russes contre l’Ukraine en 2014, et sont depuis occupés par des rebelles pro-russes, avec le soutien militaire de Poutine.
  • Mais en reconnaissant maintenant ces républiques et en envoyant immédiatement des soldats russes dans la région en tant que « soldats de la paix », la Russie fait un grand pas en avant. Les Américains ont immédiatement rejeté l’explication russe « du maintien de la paix », la qualifiant « d’absurde ». Ils préfèrent parler de violations flagrantes de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. L’ensemble de l’UE a suivi le mouvement.
  • Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est également réuni en session d’urgence pour discuter de la situation. Mais cela n’a rien donné, si ce n’est beaucoup de réactions indignées de la part des pays occidentaux, et la résistance de l’ambassadeur russe.
  • Les ministres des Affaires étrangères de l’UE se réuniront également cet après-midi pour discuter du train de sanctions. Ils promettent d’être sévères : l’UE s’active depuis des semaines, en coordination avec le Royaume-Uni, pour préparer un paquet de mesures. Les plans sont donc prêts, même si l’on ne s’attaque pas immédiatement au plus lourd : l’escalade du conflit n’est pas encore à son plus haut niveau. Reste à voir jusqu’où iront les sanctions et jusqu’où l’Union pourra se montrer unie: les États membres dépendent à des degrés divers du gaz russe, et les yeux sont naturellement tournés vers l’Allemagne.
  • L’économie russe, elle, risque aussi de souffrir fortement du conflit. Les premiers effets ont été immédiatement visibles. Hier, la bourse de Moscou a plongé de 10 %. Les actions des plus grandes entreprises russes ont fortement chuté, et la valeur du rouble russe a connu une baisse spectaculaire : un dollar américain coûte désormais environ 80 roubles.

Le contexte: Vladimir poutine a livré un discours agressif qui étonne même les spécialistes.

  • Hier soir, devant le Conseil de sécurité russe, Poutine a employé des mots très durs. Ils démontrent toute la rancœur du président russe, mais aussi une certaine forme de paranoïa. Il a évoqué:
    • « La folie qui entoure la création de l’Ukraine »;
    • « L’injustice de son départ de l’URSS »;
    • « La trahison de nos valeurs communes »;
    • « Le foyer terroriste qu’est devenue la Crimée »;
    • « La corruption de Kiev »;
    • « Le génocide dans le Donbass ».
  • Pour les Occidentaux, voilà comment Poutine se justifie: « Vous ne voulez pas être nos amis, très bien, mais pourquoi faire de nous des ennemis? La réponse est simple : ils ne veulent pas de ce grand pays souverain qu’est le nôtre. C’est la politique traditionnelle des États-Unis. »
  • Ces dernières semaines, tant Emmanuel Macron qu’Olaf Scholz ont continué à faire preuve de diplomatie afin de ramener le président russe à la raison. Il en a résulté une frustration de la part des Américains, mais certainement aussi de la part des États d’Europe de l’Est et de l’Ukraine, qui se sentent abandonnés, notamment parce que l’Allemagne refuse catégoriquement de fournir des équipements militaires, voire d’autoriser leur transport sur son territoire.
  • Certains experts estiment que le président Poutine s’est écarté de la raison, isolé de la réalité, voire même de son peuple. Comme l’explique Tatiana Stanovaya, membre du Conseil scientifique de l’observatoire de la Russie: « Poutine est passé du côté sombre de l’Histoire. C’est le début de la fin de son régime, à qui il ne reste plus que le recours aux baïonnettes. Poutine se trompe sur le degré de soutien potentiel à « l’opération de sauvetage russe » en Ukraine, qui va évidemment suivre. Et il surestime profondément le niveau de soutien que la population russe lui apportera. Il n’y aura pas de manifestations, comme je l’ai écrit. Mais il ne recevra pas non plus de large soutien ».

À noter : le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) critique avec véhémence la Russie.

  • Ce matin, le Premier ministre De Croo s’est rendu sur Radio 1 pour condamner fermement l’attitude russe. Il a parlé dans un langage fort, ce qui n’est pas habituel pour celui qui use souvent du discours diplomatique :
    • « Ce qui se passe là-bas est une violation très grave de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il s’agit d’une mise en scène, où la Russie essaie de construire une histoire, tout en faisant ce qu’elle veut : prendre une partie du territoire de l’Ukraine.
    • « Nous avons toujours dit qu’une telle action entraînerait un coût élevé pour la Russie. Nous allons répondre aussi rapidement que possible et de manière appropriée. »
    • « Nous devons frapper la Russie là où ça fait mal, beaucoup de choses sont sur la table. Notre ligne est claire : des mesures appropriées, qui auront un impact rapide. »

Intéressant : la question des livraisons d’armes à l’Ukraine divise clairement la Vivaldi.

  • Mais si le Premier ministre De Croo s’en prend à la Russie publiquement, le gouvernement belge n’est pas aussi uni lorsqu’il s’agit de soutenir l’Ukraine. Le mois dernier, ce pays a officiellement demandé à la Belgique de lui fournir des équipements militaires et des armes : une liste de souhaits a été envoyée à un certain nombre de pays européens. Le dossier a été rendu public ce matin par le journaliste de la VRT, Jens Fransen.
  • « Le 31 janvier, le kern s’est effectivement réuni à ce sujet : la fourniture de matériel et d’armes était alors sur la table. Le consensus était finalement le suivant : ‘Nous n’allons pas livrer des armes et des munitions’, nous explique une source gouvernementale. Cette source a pointé du doigt Groen et Ecolo, entre autres, qui ont empêché cette aide. Les Verts ripostent: « Tout le monde était contre, nous voulions tous éviter l’escalade, la prudence était le message à l’époque. »
  • Interrogée par La Libre, Ludivine Dedonder (PS), la ministre de la Défense, va dans le sens des écologistes: « Je n’ai jamais été opposée à la demande, ni un parti en particulier n’y a été opposé. Il y a eu des discussions au sein du kern, il n’y a pas eu de drame sur cette question. On a exposé les avantages et les inconvénients et on a pris une décision qui n’a pas suscité d’opposition. Et vous savez, si on avait dit oui à la demande de l’Ukraine, cela n’aurait rien changé à la situation actuelle. »
  • Mais diverses sources au sein du gouvernement indiquent que les Verts se sont également opposés à la livraison de 5 000 casques et gilets pare-balles. Et la Belgique a finalement refusé de livrer cette cargaison-là aussi.
  • Encore une fois, une source écologiste haut placée nous répond: « C’est absurde, c’est de la mesquinerie. Cela aussi a été décidé collectivement. Les provisions de l’armée belge n’étaient tout simplement pas suffisantes. Et nous étions dans une phase différente à l’époque. » Celle de l’espoir d’une désescalade.

Et maintenant ? Y aura-t-il finalement des livraisons de gilets pare-balles ? Et surtout des armes ?

  • Ce matin, le Premier ministre De Croo a également dû répondre à des questions sur ce sujet, sur Radio 1. C’est d’autant plus douloureux que le pays voisin, les Pays-Bas, avec son Premier ministre libéral Mark Rutte, a décidé de fournir des gilets pare-balles, des munitions et même des fusils de précision.
  • Les Néerlandais étaient donc beaucoup plus en phase avec le Royaume-Uni et les États-Unis, qui soutenaient l’Ukraine de manière beaucoup plus directe. Ce n’est pas un hasard si la Belgique était davantage sur la ligne franco-allemande, plus prudente : la politique étrangère de la Vivaldi est très alignée sur celle dEmmanuel Macron.
  • « Non, ce n’était pas une question de principe », De Croo a balayé la question d’un revers de main. « Toutes les questions que nous recevons sont analysées par la Défense, il y a aussi une consultation avec d’autres pays européens. Notre raisonnement était de travailler autant que possible dans un contexte coordonné par l’OTAN », a-t-il déclaré en restant vague. Mais il a répété : « Il y a une chance que la question revienne sur la table. »
  • On entend également dire dans les cercles écologistes que la fourniture de matériel tel que des casques et des gilets pare-balles à l’Ukraine est aujourd’hui possible. C’est aussi ce que sous-entend la ministre de la Défense ce matin.
  • Mais au niveau des armes, il y a toujours une certaine forme de retenue chez les Verts: une discussion interne « difficile » suivra probablement au sein de la Vivaldi.
  • La Belgique possède un fleuron de l’industrie de l’armement avec la FN-Herstal, dont les mitrailleuses sont reconnues dans le monde entier. Cette société est détenue à 100 % par le gouvernement wallon. Du côté flamand, on retrouve des producteurs de gilets pare-balles. Mais de toute façon: les fournitures doivent provenir directement des stocks de la Défense.
  • Theo Francken (N-VA) a réagi vivement du côté de l’opposition : « Il est choquant que le gouvernement Vivaldi ne réponde pas à la demande explicite d’aide de l’Ukraine comme le font presque tous les autres pays. Et pourquoi ? Parce que, une fois de plus, ils ne peuvent pas se mettre d’accord. La Russie envahit l’Ukraine, c’est la guerre et que fait la Vivaldi ? Elle se cherche des excuses. Disgracieusement. Il n’y a pas de temps pour discuter. »

Répercussion en Belgique : avec l’escalade en Ukraine, l’ombre plane plus que jamais sur le dossier énergétique national

  • Il n’est pas nécessaire d’avoir une boule de cristal pour savoir que le conflit avec la Russie, l’avalanche de sanctions et la possible guerre totale qui ne tardera pas à éclater, feront dérailler davantage la crise énergétique en Europe. L’UE dépend de la Russie pour 42 % de ses importations de gaz, mais des pays comme l’Italie, par exemple, vont jusqu’à plus de 90 %.
  • Au niveau national, le dossier est complètement lié à la guerre politique qui se joue autour de la fermeture des centrales nucléaires. Il s’agit en quelque sorte d’une « guerre culturelle », avec d’un côté les partisans de la droite comme le MR et la N-VA et de l’autre les opposants comme Groen et Ecolo.
  • Alors que le gouvernement tente de toutes ses forces de maintenir un processus décisionnel gérable et « rationnel », comme l’a répété le Premier ministre De Croo cette semaine, les partenaires de la coalition continuent de verser de l’huile sur le feu.
    • Georges-Louis Bouchez (MR) est allé crescendo : il veut faire un référendum sur la sortie du nucléaire. Il a lancé cette idée hier à Bel RTL.
    • Il a explicitement fait référence à la menace russe : « Aujourd’hui, Poutine a trop d’influence sur le marché du gaz en Europe. C’est pourquoi nous devons garder une partie du nucléaire. » « Poutine utilise ce gaz pour dicter la loi en Europe », a-t-il déclaré.
    • « Par prudence, nous devons préserver l’énergie nucléaire, et anticiper la demande croissante d’énergie. »
    • « Soyons donc concrets : laissons les citoyens décider par eux-mêmes. Qu’ils s’expriment tous sur cette question. »
  • Une telle chose n’est facile dans la pratique : le référendum contraignant n’est pas inscrit dans la constitution belge, et la tradition politique n’existe pas, ou du moins pas au niveau national. La dernière fois qu’une telle chose a été organisée, c’était en 1950, sur la question royale. Et cela ne s’est pas terminé de manière très positive.
  • Pour l’instant, le MR ne parvient pas à trouver une majorité à la Chambre pour cette idée. Ils ne peuvent compter que sur le soutien de la N-VA, qui a également fait de ce dossier son fer de lance pour attaquer Vivaldi.
  • Les présidents de parti ne sont pas les seuls à s’agiter, la vice-première ministre Petra De Sutter (Groen) le fait aussi dans Humo. Elle met explicitement en garde contre un problème de sécurité d’approvisionnement si l’on n’opte pas pour le plan A – la fermeture des centrales nucléaires. « L’Europe a approuvé nos subventions pour les nouvelles centrales à gaz à condition que nous fermions nos centrales nucléaires. Si nous revenons là-dessus, tout sera remis en question. »
  • Ce faisant, elle fait référence à la Commission européenne, qui a approuvé le système de subvention du CRM, réglementant ainsi la construction des centrales de remplacement au gaz. « Vous n’aurez pas les centrales nucléaires prêtes d’ici 2025 et les centrales à gaz pourraient ne pas être construites à temps non plus. C’est vraiment jouer avec le feu. »
  • De Sutter s’en prend une fois de plus au partenaire de la coalition de l’Open Vld. Le président Egbert Lachaert a affirmé hier que la fermeture des centrales nucléaires entraînerait une hausse des factures: « Comment Groen va expliquer ça ? », avait-il argumenté.
  • « Nos sept centrales nucléaires fonctionnent à plein régime, et pourtant nos factures énergétiques sont élevées. En France, cinq centrales nucléaires sont fermées, comme ce fut le cas chez nous il y a quelques années. Ces vieilles usines ne sont plus fiables », lui répond la ministre.
  • Dans le même temps, les Verts attendent le rapport d’Elia, le gestionnaire du réseau à haute tension. « Si Elia dit qu’il n’est pas possible de fermer les centrales, nous l’accepterons », a annoncé Jean-Marc Nollet (Ecolo). Certains y ont vu une ouverture pour le maintien des centrales, ou du moins une attitude moins fermée.
  • Mais au sein du gouvernement, on entend une autre histoire. Certains sont convaincus que le gestionnaire de réseau n’est pas entièrement dénué d’intérêt dans la discussion : « Elia gère le réseau à haute tension, et c’est une entreprise cotée en bourse qui veut faire des bénéfices. Et comment garantissez-vous que beaucoup d’énergie sera transportée sur ce réseau Elia dans les années à venir ? Exactement, en faisant venir le pouvoir de l’étranger. »
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