Le rover Curiosity a découvert des éléments organiques inconnus sur Mars

Le robot continue sa mission à la recherche d’indices d’une vie ancienne. Suite à un problème technique, il a sacrifié une de ses précieuses fioles de solvant sur un échantillon qui ne devait pas forcément être examiné avec tant d’attention. Il a fallu plusieurs années pour le confirmer avec certitude : il a bien trouvé des composés organiques jusqu’alors inconnus sur la planète rouge. Ce n’est pas la vie, mais c’est déjà une belle surprise.

Depuis 2012, il roule sa bosse sur la planète rouge, ce petit robot qui emporte avec lui quand même 75 kg de matériel scientifique. Le rover de la mission Curiosity arpente Mars depuis près de 10 ans maintenant, avec pour objectif de collecter des données sur la météorologie et les radiations qui atteignent le sol de la planète, mais aussi et surtout de rechercher si un environnement favorable à l’apparition de la vie a existé dans le passé martien. C’est d’ailleurs pour faciliter cette tâche que le rover a été largué dans le cratère Gale, dont les formations rocheuses permettent d’observer toutes les strates de l’histoire de Mars, jusqu’au Noachien, un âge auquel les scientifiques estiment que l’astre accueillait des conditions propices à l’apparition de formes de vie, il y a 3,7 milliards d’années.

Panne de foreuse et chimie complexe

Et donc, sans relâche, Curiosity continue sa tâche et creuse dans le sol martien avec sa petite foreuse. Une mission plus complexe qu’il n’y parait, car fin 2016, sur les premiers contreforts du mont Sharp, l’outil en question s’est arrêté de fonctionner, et ce au pire moment possible : Curiosity devait justement passer à l’étape supérieure et utiliser une dose de solvant sur son échantillon de roche afin de vérifier, à des dizaine de millions de kilomètres de scientifiques chargés de l’expérience, si celui-ci contenait des composés organiques qui pouvaient indiquer la présence de vie passée. Une expérience qui ne peut pas être renouvelée autant de fois que la science l’espérerait : si Curiosity peut collecter et analyser à sec des échantillon rocheux aisément afin de détailler leur composition, la recherche de molécules organiques demande plus de précision. Ceux-ci se décomposent en molécules plus simples qui ne peuvent offrir de résultats clairs. Il faut donc d’abord que ces composés organiques réagissent avec d’autres produits chimiques afin de former un échantillon gazeux plus apte à être analysé. Pour cela, Curiosity peut utiliser un solvant spécial. Mais il n’en possède que neuf doses, soigneusement stockées dans des fioles étanches. Choisir d’en sacrifier une pour mener une analyse en profondeur n’est donc pas un choix à prendre à la légère.

Or la NASA considérait justement que Curiosity était face à un échantillon digne d’intérêt, quand sa foreuse est tombé en panne. Il a fallu prendre une décision. Et plutôt que de perdre du temps et de l’énergie à mener des réparations qui n’allaient peut-être pas aboutir, les chercheurs ont décidé d’ouvrir une fiole pour tenter l’expérience sur un échantillon collecté précédemment, sur l’ancienne plage d’Ogunquit, suspectée d’avoir été un fond marin il y a de cela fort longtemps.

Quelques bribes d’un ancien fond marin

Et surprise : cet échantillon qui n’était pas forcément plus prometteur qu’un autre a permis à Curiosity de déceler plusieurs composés organiques, dont de l’ammoniac et de l’acide benzoïque. Certains de ces composés organiques n’avaient jamais été identifiés sur Mars auparavant. A tel point que, malgré le fait que ces résultats datent de 2016, ils n’ont été confirmés et révélés dans une étude que maintenant.

Qu’est ce que ça change à la question d’une possible vie sur Mars disparue depuis ? Et bien pas grand-chose, car aucune des molécules découvertes n’est une signature incontestable du vivant. Mais cette péripétie et cette analyse imprévue assurent deux choses : d’abord, cette méthode fonctionne, et Curiosity est bien capable de détecter ces molécules à l’aide d’un solvant. Cela n’avait jamais été tenté auparavant. Ensuite, cela signifie que l’ancienne plage d’Ogunquit est un milieu propice à ce genre de recherche, et qu’elle pourrait receler bien des trésors martiens.

« Cette expérience a permis d’élargir l’inventaire des molécules présentes dans les échantillons martiens et de démontrer l’existence d’un outil puissant pour faciliter la recherche de molécules organiques polaires d’intérêt biotique ou prébiotique », a écrit l’équipe de recherche de la NASA, dirigée par l’astrobiologiste Maëva Millan du Goddard Space Flight Center de la NASA et de l’université de Georgetown.

Il a fallu plus d’un an avant que les ingénieurs sur Terre soient en mesure de réparer la foreuse de Curiosity. En 2019, une deuxième dose de solvant était utilisée pour un échantillon de roche argileuse provenant d’un peu plus haut sur le mont Sharp. D’autres analyses vont bientôt suivre, non seulement sur Mars mais aussi sur Terre : la NASA prévoit de mener une mission dans les années 2030 pour collecter le reste des échantillons de Curiosity, afin qu’ils puissent être analysés plus soigneusement de retour sur notre propre planète.

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