Il faudra sans doute s’y habituer. La Vivaldi est un terrain de jeu politique de tous les instants. Façon Squid Game, la question reste de savoir qui en ressortira vivant. Quel accord budgétaire ? Il n’empêchera pas le président du MR d’affirmer ses couleurs, car tous les détails n’ont pas encore été réglés.
Dans l’actu: la double sortie de GLB ce weekend dans Sudpresse et dans l’émission dominicale de la VRT, De Zevende Dag. Le libéral met la pression sur les socialistes du nord et du sud du pays.
L’essentiel: comme pour l’accord de la Vivaldi, l’accord issu du conclave budgétaire de la semaine dernière laisse de la place à de l’interprétation.
- « Le ministre Dermagne doit envisager de punir les chômeurs » : un titre que tout le monde a pu lire ce dimanche matin en allant cherche les croissants, l’interview parue samedi dans Sudpresse étant republiée dans l’hebdomaire gratuit 7 Dimanche.
- La réforme du marché du travail du ministre Pierre-Yves Dermagne (PS) n’a pas fini de faire parler d’elle. Outre la carotte, GLB souhaiterait que le PS active le bâton: ajouter un volet « sanctions » au volet « incitants ».
- Paul Magnette (PS) et consorts ont répété ces dernières semaines qu’activer les chômeurs par les sanctions était contreproductif. D’ailleurs, rien n’indiquait une telle direction dans l’accord de la semaine dernière: « Si le PS ne l’a pas compris comme ça, il faudra qu’il amène autre chose dans cet accord permettant d’arriver au même résultat », rétorque Bouchez.
- Le président du MR revient une nouvelle fois avec sa marotte: exclure du chômage les personnes qui refusent deux métiers en pénurie ou deux formations dans ces métiers. Ou une sanction de 10% du revenu d’intégration des personnes issues des CPAS. « Les politiques et les syndicats de gauche doivent arrêter de faire croire aux gens que l’on peut rester toute sa vie sans travailler. »
- Ce que les libéraux ont pu obtenir dans le cadre des malades de longue durée – sanction de 2,5% des revenus si le malade ne répond pas à un questionnaire après un certain temps et ne se présente pas devant un médecin – auprès du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit), les libéraux espèrent pouvoir l’obtenir des socialistes francophones.
- Cette sortie sur le marché du travail a immédiatement faire réagir le vice-Premier ministre socialiste : « Une fois encore, cette obsession étrange de Georges-Louis Bouchez à vouloir refaire le match. Les sanctions ne figurent pas dans l’accord. »
Ce à quoi George-Louis a répondu: « Le vice-premier ministre réécrit l’histoire, une nouvelle fois. Comme lorsqu’il dit qu’il n’y a pas d’accord quand il y a un accord. Vous devez obtenir un accord de coopération sur les métiers en pénurie. Nous attendons le contenu et vous rappelons l’objectif de 80% de taux d’emploi. »
Le détail: GLB évoque un point clé de ces négociations chaotiques. Comme pour l’accord de gouvernement de la Vivaldi, les dossiers compliqués ont été renvoyés à plus tard sans régler les détails. Dans ce cadre-ci: vers un accord de coopération avec les Régions ou via les partenaires sociaux.
- Dans cet accord budgétaire, une part importante dépend de la coopération avec les Régions. C’est d’autant plus vrai pour le marché du travail, une compétence largement partagée. Un accord de coopération doit encore être trouvé avec la Wallonie par exemple, alors que MR et PS sont tous deux aux manettes.
- D’autres dossiers qui n’ont pu être réglés durant le conclave budgétaire ont été renvoyés aux partenaires sociaux: patrons et syndicats. C’est le cas par exemple du travail de nuit et dominical ainsi que de la semaine de 4 jours.
- Pour le travail de nuit dans l’e-commerce: « Il y a des gens qui veulent travailler de nuit ou le dimanche. C’est anti-social de les en empêcher », plaide Bouchez. Le libéral ajoute: « Si les partenaires sociaux ne s’entendent pas, le gouvernement décidera. » Retour à la case départ.
- Dans la pratique, il est très difficile d’organiser ce type de travail en Belgique, car les coûts de la main-d’œuvre sont très élevés : les syndicats belges ont traditionnellement toujours protégé leurs membres contre ce type de travail plus pénible.
- Dans les pays voisins, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, les gens sont beaucoup plus ouverts à un travail le week-end et de nuit. La réalité, c’est qu’au cours de la dernière décennie, des dizaines de milliers d’emplois dans ce commerce électronique ont été créés dans les pays voisins, dont la plupart approvisionnent la Belgique : il y a de fortes chances que votre colis, s’il a été livré en 24 heures, ait été traité aux Pays-Bas ou en Allemagne.
- Rendre l’e-commerce électronique plus flexible est aussi un vieux rêve du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) : déjà dans le gouvernement Michel, c’était un sujet sans fin. Mais à chaque fois, le CD&V et son vice-premier ministre Kris Peeters s’y sont fermement opposés : le CD&V jouait la « conscience sociale » de la Suédoise et y formait alors le parti le plus à gauche.
- Le soir où l’accord a été conclu la semaine dernière, c’est le PS qui a freiné. Le périmètre pour eux était clair : il pouvait être question de travailler jusqu’à minuit, mais pas plus. Même pas pour le travail du week-end. Et en plus : rien n’a été décidé, le dossier a été transmis aux partenaires sociaux (syndicats et patronat) qui devront trouver un accord. Avec ce périmètre de travail jusqu’à minuit, selon le PS.
- Le soir où l’accord a été conclu la semaine dernière, c’est le PS qui a freiné. Le périmètre pour eux était clair : il pouvait être question de travailler jusqu’à minuit, mais pas plus. Idem pour le travail dominical. Mais rien n’avait été décidé: le dossier a été transmis aux partenaires sociaux (syndicats et patronat) qui devront trouver un accord. Avec ce périmètre de travail jusqu’à minuit, selon le PS.
- Ce n’est pas exactement ainsi que l’Open Vld a défendu l’accord ce soir-là devant les caméras de Terzake: « Ce gouvernement adopte une approche différente, qui n’est plus sans engagement. Nous allons présenter des propositions concrètes. Si un jeune travailleur, qui débute, est prêt à gagner plus et donc à travailler selon des horaires flexibles, ou à travailler quatre jours au lieu de cinq, alors nous allons soumettre cela aux partenaires sociaux », a déclaré le vice-premier ministre de l’Open Vld, Vincent Van Quickeborne.
- Et, comme Georges-Louis Bouchez, il a été catégorique sur le fait qu’il y aurait un changement, même si le syndicat faisait obstacle à la consultation sociale : « Nous avons convenu de cela autour de la table. Si le dossier revient au gouvernement et qu’il y a division, alors nous consulterons à nouveau le gouvernement pour faire quelque chose. (…) Les principes sont connus, l’orientation est connue. »
- « Ce qu’a dit Van Quickenborne à Terzake ne tient pas la route », avait réagi le PS, en voulant rassurer les syndicats.
- Sur la semaine de 4 jours, la FGTB a déjà fait savoir que ce sera « non » si le temps de travail effectif n’est pas réduit. Le patron du MR y voit lui un moyen de renforcer le bien-être de l’employé « dans un monde du travail trop rigide » et de permettre à chacun de choisir comment organiser vie privée et vie professionnelle. « De quel droit les syndicats interdisent-ils cela aux gens ? » Comme pour l’e-commerce, si les partenaires sociaux n’ont pas trouvé d’accord dans les 3 mois, « le gouvernement tranchera », poursuit Bouchez.
- Sur ces deux dossiers, c’est un coup direct contre la consultation sociale. Ce qui ne va évidemment pas plaire au PS coincé entre le marteau (PTB) et l’enclume (FGTB).
Le détail: qui fait donc partie de la classe moyenne ?
- En Flandre, un autre sujet anime les débats: l’avantage fiscal pour une deuxième (voire troisième et quatrième) résidence. Le président des socialistes flamands, Conner Rousseau (Vooruit) poursuit son combat pour supprimer cette mesure.
- La lasagne institutionnelle fait que l’avantage a été supprimé pour la première habitation en Flandre et n’est pas supprimé pour la 2e au niveau fédéral.
- Mais selon GLB, une seconde résidence n’est pas forcément signe de grande richesse. La classe moyenne en bénéficie aussi. En fait, le président du MR en a marre que l’on « presse comme des citrons » la classe moyenne qui gagne « 2.000, 3.000 voire 5.000 et même 6.000 euros. On n’est pas riche dans ces cas-là (…). Arrêtons de culpabiliser les gens. »
- Mais comme le fait remarquer Wim Van Lancker, professeur-assistant en politique sociale à l’université de Leuven, 17% des hauts revenus bénéficient d’une résidence secondaire contre 4% de la classe moyenne. En réalité, il faut s’entendre sur la définition de « riches » et de « classe moyenne », ce qui reste éminemment politique.
- Mais ça alimente la confrontation entre libéraux et socialistes: « Si vous devez négocier pendant très longtemps pour trouver un gouvernement et que vous voulez vous attaquer ensemble à la crise liée à la pandémie, à la crise climatique et à d’autres choses, vous devez parfois inclure des personnalités et des partis qui ont certaines exigences particulières », a déclaré à Zevende Dag le jeune président socialiste, visiblement pas du tout d’accord avec son homologue libéral.
L’enjeu: la méthode De Croo a créé la situation actuelle et laisse place à l’interprétation.
- Un vrai coup de bluff. Nous vous expliquions mercredi dernier comment le discours du Premier ministre ne représentait absolument pas le sentiment du conclave budgétaire, où PS et MR se sont violemment affrontés, menant jusqu’au départ de la vice-première ministre libérale, Sophie Wimès. L’accord qui est en ressorti de justesse est fragile, à l’image des nombreuses heures de flou total qui l’ont précédé.
- Ce matin, le Premier ministre De Croo a réuni un Kern qui s’annonçait copieux, avec cette fois tous les partenaires autour de la table. Car tous les détails n’ont pas été réglés, où pas avec tout le monde. C’est le résultat d’un conclave budgétaire qui a volé en éclat, et après lequel De Croo a dû faire fonctionner son téléphone et procéder à des bilatérales.
- Sur l’e-commerce, une source nous dit néanmoins espérer un accord: « Cela ne va pas être facile. Mais nous allons nous en sortir, la Vivaldi ne va pas trébucher sur ce point. Mais il est quand même très préjudiciable de ne pas avoir fait un accord 100 % transparent, avec tous les partenaires autour de la table. »
- Une chose est sûre: l’accord issu du conclave budgétaire n’a pas pu apaiser les tensions entre libéraux et socialistes. La Vivaldi est destinée à vivre dans cette confrontation de tous les instants, et tant pis si l’opposition s’en frotte les mains.