Depuis quelques années, Rome voit de plus en plus de sangliers envahir ses routes, parcs et jardins privés. Si le phénomène prêtait initialement à rire, la situation devient intenable. La maire de la ville n’en peut plus: elle poursuit le gouvernement régional du Latium en justice.
Une simple petite recherche sur YouTube vous suffira à prendre mesure de l’ampleur du phénomène. En tapant « cinghiale Roma » dans la barre de recherche, vous tomberez sur de nombreuses vidéos de sangliers qui se promènent dans la Ville éternelle. Certaines datent d’il y a quelques années, mais depuis quelques mois, la situation est en train de devenir réellement problématique.
Au printemps dernier, une vidéo d’un groupe de sangliers s’en prenant à une femme qui rangeait ses courses dans sa voiture avait fait le buzz, et provoqué l’hilarité des internautes. Il y a quelques jours, d’autres clichés ont circulé sur la toile, nettement moins drôles. On y voit un cadavre de sanglier gisant sur un trottoir d’un quartier du nord-ouest de la capitale italienne. De nombreux élus ont eu tôt fait de tirer la sonnette d’alarme sur les réseaux sociaux.
« Il n’y a aucune discussion sur l’urgence du sanglier, qui met tout le monde en danger, avec des situations de dégradation qui ne devraient pas être l’expression d’une capitale. Ce qui s’est passé à Via Igea, dans le Municipio XIV, laisse même sans voix les habitants habitués aux incursions des sangliers. Cela vous semble-t-il normal ? », a notamment dénoncé une conseillère régionale du Latium.
« Ville et campagnes unies contre le sanglier »
Ce tragique épisode illustre la gravité de la situation. En ville, les sangliers retournent des jardins, fouillent dans les ordures et provoquent des accidents de voiture, et des embouteillages. Dans les campagnes avoisinantes, ils font des ravages dans les terres, désespérant les agriculteurs.
Cet été, les agriculteurs italiens ont même manifesté dans les rues de Rome pour demander aux autorités de solutionner le problème. Ils se plaignent du fait que les sangliers détruisent leur culture et tuent leur bétail. Les pancartes qu’ils ont déployées devant le parlement étaient sans équivoque: « Après le Covid, le fléau du sanglier », « Défendons nos terres », « Ville et campagne unies contre le sanglier ».
Un rapport de la Coldiretti, la plus grande association d’agriculteurs du pays, indique qu’il y a un incident avec un sanglier tous les deux jours environ.
En Italie, la législation relative à la chasse est du ressort des régions. Mais celles-ci ont l’habitude de gérer le problème en collaboration – et dans le cas de Rome, ça ne marche pas du tout – avec les villes. L’organisation des agriculteurs demandait dès lors la promulgation d’une loi nationale pour élargir le champ légal de la chasse aux sangliers. Ce à quoi les organisations de protection des animaux avaient répondu que le problème se situait du côté de la gestion des déchets et du mauvais entretien des espaces verts.
La maire dépose plainte
Depuis plusieurs mois, la région du Latium et la ville de Rome se renvoient la balle. Chacune estimant l’autre responsable de la prolifération des sangliers dans la ville. Évidemment, il s’agit aussi d’une guerre de partis. Le gouvernement régional est dirigé par le Parti démocrate, la mairie par le Mouvement 5 étoiles.
Cette semaine, on vient de passer à un stade supérieur. La maire de Rome, Virginia Raggi, a déposé plainte contre la région. « La présence massive et incontrôlée de sangliers dans la ville est la conséquence de l’incapacité de la région du Latium à fournir et/ou à mettre en œuvre des plans de gestion efficaces », a-t-elle expliqué.
« Selon la loi nationale, ce sont les Régions qui doivent prévoir le contrôle des espèces de faune sauvage même dans les zones interdites à la chasse. En outre, « la région du Latium ne respecterait pas le protocole d’accord signé avec la ville métropolitaine de Rome et Rome-Capitale, qui stipule que c’est précisément la région qui est tenue d’élaborer des plans de gestion dans les zones relevant du territoire de Rome-Capitale et d’identifier les structures régionales capables d’accueillir les animaux vivants capturés dans le cadre des activités de contrôle numérique », a également avancé Mme Raggi.
Stratégie électorale ?
Comme le précise l’agence de presse AGI, il y a quelques semaines, la région du Latium a pourtant donné son feu vert à un décret permettant de chasser davantage le sanglier. Alors, pourquoi Mme Raggi s’en prend quand même aux autorités régionales ?
Probablement, car Nicola Zingaretti, président de la région du Latium, a été l’auteur il y a quelques jours d’une déclaration qui n’a pas du tout plu à la maire. Il a ainsi vilipendé la saleté de Rome, regrettant le fait que la municipalité « ne ramasse pas les ordures dans les rues » et qu’il y ait « des souris et les sangliers » dans la ville. « Une honte qui doit cesser », a-t-il ponctué.
Et, aussi, car les élections municipales approchent, note Il Tempo. Devenue maire de Rome en 2016, Mme Raggi briguera un second mandat consécutif lors des élections qui se tiendront dans un mois. Le quotidien estime que ce n’est pas un hasard si elle a déposé sa plainte « le matin suivant le dîner électoral pro-Virginia (Raggi, ndlr) à Ostie ».
Outre la bataille rangée autour des sangliers, les débats de ces élections municipales se concentrent autour d’un fastueux – et, selon certains, trop cher – feu d’artifice prévu pour célébrer la fin de l’été… et qui aurait été mis à profit par Mme Raggi pour faire de l’autopromotion.
« Le sanglier et le feu d’artifice. Est-ce vraiment là la teneur d’une campagne électorale que l’on doit vivre dans une capitale dévastée par les ordures, les nids de poule, les magasins fermés, les cimetières réduits à l’état d’entrepôts, les bus qui prennent feu ? Peut-être que les Romains méritent quelque chose de plus », conclut Il Tempo.
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