Si le gouvernement Wilmès II bénéficie encore de la confiance jusqu’en septembre, sans pouvoirs spéciaux, il est pieds et poings liés. Mais les différentes sorties de ce week-end empoisonnent encore un peu plus les négociations. Pourtant, les défis qui font face à la Belgique n’attendront pas tout un été. Les lignes doivent bouger.
Le trio Bouchez-Lachaert-Coens joue son va-tout pour former une coalition sans le PS, qui a perdu son statut d’incontournable, et avec la N-VA. Avec un certain paradoxe: car gouverner avec le PS dans un gouvernement minoritaire reste leur ‘plan B’.
C’est dans ce contexte que les trois présidents des partis de la suédoise ont reçu Paul Magnette (PS) ce dimanche matin. Il en ressort une discussion que nos interlocuteurs qualifient timidement de ‘correcte et constructive’. Personne ne veut s’enfermer dans un scénario. Mais cette rencontre était nécessaire pour passer à l’étape suivante, la rédaction d’une note qui sera proposée aux concernés : la N-VA, le cdH, le sp.a et même le PS, qui se retrouvera alors face à un choix, dont l’issue fait peu de doutes.
Complications
Deux événements ce week-end sont venus compliquer le scénario envisagé par le trio d’explorateurs autoproclamé. La sortie de l’ancienne présidente de l’Open VLD, qui a accusé la N-VA, dans De Afspraak, d’avoir voulu à l’époque proposer une coalition avec le Vlaams Belang au nord du pays contre ‘une belle récompense’ à son parti et au CD&V. Depuis, les réactions s’enchaînent pour déterminer la véracité des propos de l’ex-présidente des libéraux. Rappelons qu’à cette époque, l’Open VLD était provisoirement exclu des discussions au profit du CD&V. Dans les faits, toutefois, rien de vraiment neuf sous le soleil. La N-VA n’a pas caché négocier l’été dernier avec le parti d’extrême droite. Selon la formule de l’époque, répétée par Theo Francken ce week-end sur VTM: ‘Nous sommes dans une démocratie et nous discutons avec tous les partis. Le Vlaams Belang a remporté les élections, il était donc normal de discuter avec lui.’ Un deal a-t-il été proposé ? ‘Je ne sais pas’, a botté en touche le désormais député de la N-VA.
Pour le PS, évidemment, cette sortie de Rutten est une occasion idéale pour réaffirmer sa crainte de négocier avec les nationalistes. Di Rupo dans la presse flamande et Ahmed Laaouej sur Bel RTL ce matin n’ont pas manqué ‘ce cadeau’ venu du ciel, le député socialiste demandant aux partis concernés de former ‘un front démocratique’ contre une potentielle alliance des deux partis flamands.
L’autre sortie marquante est celle du président du sp.a, Conner Rousseau, dans De Morgen ce samedi. Dans une longue interview, ce dernier a reproché une certaine attitude dédaigneuse du président du MR, Georges-Louis Bouchez. Au-delà des relations interpersonnelles parfois difficiles, il a également répété son envie de discuter programme, sa ligne depuis plusieurs semaines. Va-t-il lâcher le PS ? ‘Pourquoi un programme qui nous satisfait ne pourrait pas satisfaire le PS’, a-t-il réagi. Fera, fera pas, selon GLB, Conner Rousseau n’a toujours pas apposé un ‘non’ formel à la proposition du trio suédois. Une proposition qui donnerait une courte majorité de 76 sièges sur 150. Une majorité qui laisserait les partis francophones dans une minorité encore plus importante que sous le gouvernement Michel.
Le plan B
À bonnes sources, il nous revient que le MR est prêt à retourner dans une aventure minoritaire au fédéral, alors que cela ne lui avait pas été favorable lors du dernier scrutin. Mais les libéraux ne veulent pas se retrouver dos au mur, d’où la discussion avec le PS hier matin.
Les démocrates-chrétiens souhaitent eux la coalition la plus large qui rassemble si possible les deux partis socialistes.
Tout dépendra donc de cette fameuse note. Peu probable, voire impossible qu’elle soit acceptée par le PS. La pression est du coup sur les épaules du jeune président du sp.a, qui a récemment fait grimper son parti dans les sondages et qui se retrouve au centre du jeu (depuis un certain temps déjà). Avec un enjeu inchangé, inhérent aux négociations fédérales, quelles que soient les propositions : sera-t-il celui qui dira ‘non’ ?
Restera une seule possibilité avant de potentielles élections : le retour à la proposition de Paul Magnette, soit la tripartite composée des socialistes, des libéraux et des démocrates-chrétiens, une coalition minoritaire mais plus équilibrée, qui devra nécessairement trouvé des appuis dans l’opposition au parlement, côté vert ou nationaliste. Là aussi, avec son lot de difficultés : l’Open VLD est plus divisé que jamais, et le CD&V n’a donné aucun signe en faveur d’une coalition sans la N-VA.
Si une pression telle que la crise sanitaire et la crise économique qui a suivi n’arrive pas à faire bouger les lignes, quoi ou qui le pourra ? De nouvelles élections ? Sans doute une fuite en avant vers un scénario au bout du compte inéluctable: assembler les contraires.