La Commission Européenne est sur le point d’activer une « option nucléaire » contre la Pologne en raison des réformes judiciaires que le pays a adoptées au début de cette année, et qui posent une menace pour sa démocratie. En effet, ce mercredi, la Commission a annoncé qu’elle avait déclenché l’article 7 du traité de l’UE. Cet article, parfois qualifié « d’arme nucléaire », vise à garantir que tous les pays membres respectent « la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et les droits humains ». Jusqu’alors, il n’avait jamais été mis en branle, et il pourrait aboutir à une suspension des droits de vote de la Pologne au conseil de l’Union.
2 réformes problématiques
Plus tôt ce mois-ci, les 2 chambres du Parlement polonais ont adopté une vague de réformes du système judiciaire. Celles-ci avaient fait l’objet de contestations de la part de Bruxelles, et provoqué des manifestations dans les rues du pays.Les lois en question permettront au gouvernement d’exercer un contrôle sur les juges polonais. En effet, désormais, il incombera au législateur de choisir les juges des chambres basses. Auparavant, les juges étaient cooptés par leurs pairs. En outre, la cour suprême s’est vue donner la possibilité de casser rétroactivement des décisions de justice. Elle peut ainsi remonter jusqu’à l’année 1997. Enfin, la loi impose également un âge de prise de pension plus précoce pour les juges. Ceux-ci pourront désormais partir en retraite à 65 ans, contre 70 aujourd’hui. Cette seule décision implique de facto la mises en retraite et le renouvellement de 40 % des effectifs de juges de la cour suprême.En Pologne, beaucoup considèrent que ces mesures visent à garantir au parti polonais au pouvoir Loi et Justice la collaboration de juges partisans. Ils espéraient que le président Andrzej Duda s’abstiendrait de signer ces 2 réformes judiciaires. Mais dans la journée, le président a fait savoir qu’il avait accepté leur adoption dans la loi polonaise.Frans Timmermans, le vice-président de la commission européenne, a expliqué la décision de Bruxelles en ces termes :« Au cours d’une période de 2 ans, un nombre significatif de lois ont été adoptées–13 au total–qui pose un risque sérieux pour l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. (…) Les réformes judiciaires en Pologne signifient que la justice du pays est maintenant placée sous le contrôle politique de la majorité au pouvoir. En l’absence d’indépendance judiciaire, cela soulève des questions graves concernant l’application efficace de la loi européenne. »
Quelles conséquences ?
Pour le moment, c’est la première phase de cet article qui a été initiée par la Commission, et qui a pour objectif de « constater l’existence d’un risque clair de violation grave » de l’État de droit dans un pays membre.En théorie, des sanctions – dont la privation du droit de vote de la Pologne pour la prise de décisions – pourraient être décidées au cours d’une seconde étape, au terme d’un vote à l’unanimité des pays membres, et dont la Pologne serait exclue. En pratique, il est peu probable que ce vote recueille la majorité. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déjà indiqué qu’il s’opposerait à cette mesure.