Ant Financial, la branche des paiements et des services financiers du géant chinois du e-commerce, Alibaba, a noué un partenariat avec une agence des Nations unies pour développer l’inclusion financière en Afrique. L’idée est de donner accès à des outils et produits financiers à une population et des entreprises qui étaient jusqu’ici exclues du système bancaire traditionnel.
Selon Alibaba, le partenariat, conclu avec la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA) et la Société Financière Internationale, membre du Groupe de la Banque Mondiale, vise à permettre aux particuliers et aux entreprises africaines d’accéder à des investissements et à une assistance technique. Ant Financial ciblera plus particulièrement les clients potentiels actuellement coupés du système bancaire traditionnel, et notamment les réfugiés, les personnes déplacées et les personnes qui ne sont pas en mesure de présenter des documents officiels d’identité.
L’accord entre dans le cadre de l’African Agenda 2063, un programme de la CEA dont le but est d’encadrer le développement de l’Afrique, et qui s’est donné pour objectif d’éradiquer la pauvreté et d’améliorer l’existence des populations sur les plans économique, social, et du progrès technologique.
Ant Financial est actuellement la 9e société web du monde
Ant Financial est valorisée 150 milliards de dollars (131 milliards d’euros), ce qui fait d’elle la neuvième société web du monde. En Chine, elle exploite 3 des plus grandes entreprises de services financiers :
– Alipay, une application mobile de paiements pour les magasins et les restaurants ;
– Yu’e Bao, un fonds du marché monétaire qui est devenu le plus gros fonds monétaire du marché mondial, avec une capitalisation qui atteignait 268 milliards de dollars (environ 234 milliards d’euros) à la fin du mois de mars ;
– Et Zhima Credit, une plateforme de crédit privée.
Alipay compte actuellement plus de 870 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 300 millions hors de Chine. L’application est utilisée dans plus de 40 pays du monde, et très récemment, son usage s’est fortement développé en Asie du Sud-Est, grâce à la stratégie agressive d’expansion d’Ant Financial.
En juin, elle a étendu ses activités au marché mondial des transferts de fonds en lançant un service de virements internationaux exploitant la technologie de la blockchain.
Un marché de 1,2 milliard de personnes avec un potentiel énorme
L’Afrique et la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC), un projet qui vise à regrouper 55 nations africaines dans une zone de libre-échange, représentent un marché potentiel de plus de 1,2 milliard de personnes, de 2500 milliards de dollars (2190 milliards d’euros), très largement négligé jusqu’ici.
Même si de nombreuses startups des fintech ont vu le jour en Afrique, aucune n’est encore parvenue à dépasser les frontières de plus d’une dizaine de pays, et à s’imposer comme une réelle société panafricaine, offrant ses services à tout le continent.
De plus, de larges pans de populations à faibles revenus demeurent exclus du système bancaire traditionnel. Le graphique ci-dessous montre que l’on ne comptait que 5 agences bancaires pour 100 000 habitants en Afrique, contre 32 pour 100 000 en Amérique du Nord, par exemple.
Beaucoup de citoyens africains pauvres ne peuvent se permettre de payer les commissions bancaires ou frais financiers des banques locales conventionnelles. En général, ces populations ont aussi une préférence pour l’argent liquide, plutôt que pour les applications numériques. Néanmoins, cet état de choses évolue graduellement, grâce à la diffusion d’applications mobiles.
Cela signifie rien de moins qu’Ant Financial vient de se mettre en bonne position pour devenir la plus grande firme de services financiers au monde.
Jack Ma croit en l’Afrique
Son fondateur, Jack Ma, a effectué son premier voyage en Afrique l’année dernière, lorsqu’il s’est rendu au Kenya et au Rwanda, accompagné d’une délégation d’une dizaine d’investisseurs et de chefs d’entreprises chinois. Son objectif était de rechercher des opportunités d’investissement et de conclure des partenariats avec des entreprises locales. Ma est aussi Conseiller spécial de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), qui oeuvre pour l’entreprenariat des jeunes et les petites entreprises.
Parallèlement, il a annoncé la création d’un fonds de 10 milliards de dollars (environ 8,7 millions d’euros), financé avec son propre argent, pour soutenir les jeunes entrepreneurs africains de la tech.
La Chine intensifie son influence en Afrique
Toutes ces initiatives coïncident avec le renforcement de l’influence de la Chine en Afrique. En l’espace de 2 décennies, l’Empire du Milieu est devenu le premier partenaire commercial de l’Afrique, y multipliant ses investissements directs, et ses implications dans les grands chantiers d’infrastructure. Les échanges entre la Chine et l’Afrique ont atteint 188 milliards de dollars en 2015, le triple du chiffre que l’Afrique réalise avec l’Inde, la France et les Etats-Unis réunis.
« Ces liens ne sont pas seulement économiques, Pékin s’est imposé dans tous les compartiments du jeu de l’influence, qu’ils soient stratégiques, politiques ou culturels. (…) Un passage en Afrique devient une étape obligée dans les carrières à l’intérieur des grands groupes chinois. Aucun autre pays ne peut rivaliser avec la profondeur et l’étendue de cet engagement, insiste le [cabinet de conseil] McKinsey », écrivait récemment le journal économique français Les Echos.