Tous les indicateurs de l’économie américaine sont au vert. Mais les chiffres qui témoignent d’une croissance qui semble inébranlable de prime abord sont l’arbre qui cache la forêt : cette croissance est en fait largement alimentée par le recours au crédit, et l’érosion de l’épargne des citoyens les plus modestes.
Une majorité croissante d’Américains se déclarent à l’aise financièrement, indique le Report on the Economic Well-Being of U.S. Households in 2017 de la Réserve fédérale, basé sur une enquête de 2017, et publié ce mois de mai.
Des consommateurs qui vivent au dessus de leurs moyens
Mais en épluchant ces données en fonction des différentes tranches de revenus, Reuters a trouvé une image totalement différente. L’augmentation des dépenses médianes a dépassé le revenu avant impôt pour les 40 % de salariés ayant les revenus les plus faibles au cours des cinq années précédant la mi-2017. D’un autre côté, la moitié dotée des meilleurs revenus a vu son assise financière se conforter, ce qui implique que les disparités de revenus se sont accentuées. Autrement dit, les plus pauvres ont tendance à vivre de plus en plus au dessus de leurs moyens, tandis que le coussin financier sur lequel les plus aisés sont assis s’est rembourré pendant la même période.
Les salaires ont quasi-stagné pour la classe moyenne
“Un marché du travail dynamique et d’autres signes de santé économique encouragent les riches et les pauvres à dépenser plus, mais la croissance molle des salaires de nombreux Américains de la classe moyenne et de faible revenu signifie qu’ils doivent puiser dans leur épargne et emprunter plus pour cela”, résume Reuters.
De fait, les dépenses ont augmenté d’environ 8 % entre avril 2016 et mars 2017, alors que les salaires horaires des travailleurs à revenu faible et moyen n’ont augmenté que d’un peu plus de 2 %, contre près de 4 % pour ceux des autres tranches.
Ce sont maintenant les Américains les plus pauvres qui soutiennent la croissance
Jusqu’alors, au cours des dernières décennies, c’étaient les 40 % d’Américains les plus aisés qui alimentaient le gros de la croissance de la consommation. Mais depuis 2016, la hausse des dépenses de consommation a été principalement alimentée par une ponction dans l’épargne de ménages, émanant pour la plus grande partie des 60 % de salariés les plus pauvres, selon Oxford Economics. Cette classe de citoyens a désormais plus facilement accès au crédit. “Il est généralement très difficile pour les gens de réduire leurs dépenses ou d’adopter un certain style de vie, surtout lorsque le contexte économique est vraiment positif”, explique Gregory Daco, Économiste en chef chez Oxford Economics.
Des signes de stress financier de plus en plus évidents
En conséquence, les signes de stress financier se font de plus en plus sentir : les défaillances sur les remboursements de crédit sont à la hausse, et l’épargne est à son plus bas niveau depuis 2005. L’enquête de la Fed a également révélé qu’un adulte sur 4 craignait de ne pas pouvoir être en mesure de faire face à une dépense urgente de 400 $ (environ 342 euros) et qu’un adulte sur 5 avait du mal à joindre les deux bouts tous les mois.
Cela vulnérabilise l’économie, car en cas de hausse des intérêts sur les crédits, de reprise de l’inflation, et d’affaiblissement de l’impact des cadeaux fiscaux accordés par le président Trump, le moindre choc négatif, tel qu’une hausse des prix de l’essence ou des biens importés en raison de l’augmentation des droits de douane, pourrait entraîner “une réduction assez spectaculaire de la consommation”, explique Stephen Gallagher, un Économiste de Société Générale.