Après avoir été durement touchée par la crise financière, l’aviation privée est à nouveau en plein essor. Cette croissance s’explique par la mutualisation des avions, qui permet d’en alléger les coûts. Mais elle est aussi la conséquence de crédits d’impôts encore plus importants que ceux qui sont accordés aux compagnies aériennes.
En Europe, il est possible d’esquiver la TVA sur le prix de l’appareil en effectuant cette acquisition à l’île de Man. Ce système a permis à des contribuables européens fortunés d’importer au moins deux cents jets privés dans l’Union européenne depuis le début de cette décennie. Le total des gains fiscaux cumulés correspondants se monte à près d’un milliard de dollars.
Des exonérations ou crédits d’impôts contestables
Aux Etats-Unis, le fisc est encore plus généreux. La réforme fiscale de Donald Trump a permis aux particuliers et aux entreprises du marché américain de déduire le coût d’acquisition d’un jet privé, qu’il soit neuf ou usagé, du montant de leurs impôts fédéraux. Cette mesure a permis aux acheteurs de réduire leur note fiscale pour l’année de façon très importante, voire, d’annuler totalement leurs impôts.
L’achat d’un jet privé est particulièrement intéressant pour les chefs d’entreprise dont le temps est précieux. Dans ce cas, l’entreprise peut déduire les frais d’utilisation de l’avion de leurs impôts sur les sociétés. Dans certains pays, l’utilisation d’un jet privé est même non imposable.
Les actionnaires sont les dindons de la farce du jet privé
Toutefois, un jet privé se solde souvent par des gaspillages au détriment des actionnaires. Des recherches menées par ICF International montrent que les patrons profitent souvent des jets privés pour leurs déplacements… privés également.
Une étude de l’Université de New York a même démontré que les rendements des entreprises utilisant des jets privés était inférieur de 4 % par rapport à la moyenne de leur secteur. Les chercheurs ont également observé que les utilisateurs de ces avions témoignent d’une attitude plus désinvolte à l’égard de l’argent des actionnaires, et qu’ils seraient également plus susceptibles de commettre des fraudes.
Des appareils affreusement polluants
Enfin, outre les allègements fiscaux dicutables dont ils bénéficient, les jets privés ont une autre bonne raison de susciter la désapprobation : ils sont extrêmement polluants. La société Terrapass a calculé qu’un vol Londres-Paris d’un jet privé à moitié plein émet dix fois plus de dioxyde de carbone par passager qu’un avion effectuant un vol régulier. Les nouveaux jets d’affaires supersoniques augmenteront considérablement cette empreinte écologique, et selon des estimations, leurs émissions pourraient être 5 à 7 fois supérieures à celles des avions privés d’aujourd’hui.
« De façon étonnante, ces émissions échappent largement à la règlementation », note The Economist. Les accords de Paris sur le climat n’abordent pas l’aviation, et la plupart des jets privés sont également exemptés du programme de compensation et de réduction des émissions de dioxyde de carbone dans l’aviation internationale (Corsia), auquel participent la plupart des compagnies aériennes.
« Les émissions de carbone devraient être taxées, pas subbventionnées »
Et ce n’est pas anodin : les experts estiment que les jets privés seront responsables de 4 % des émissions totales aux Etats-Unis d’ici 2050, contre 0,9 % actuellement.
Le transport aérien nuit à l’environnement, et sans surprise, la classe affaires est bien plus nuisible que la classe économique, parce qu’elle implique une combustion de carburant plus importante par passager. Mais les jets privés polluent encore davantage.
Les avantages fiscaux dont ils bénéficient sont donc indéfendables, conclut le magazine, et devraient être supprimés. « Les émissions de carbone devraient être taxées, et non subventionnées par les masses de la classe économique qui ne parviennent pas à dormir et les personnes encore moins fortunées qui ne prennent jamais l’avion ».