La fin du capitalisme a sonné lorsque la pauvreté devient le produit final d’un monde d’abondance, disait Karl Marx.
C’est ce qui se produit lorsque trop de richesses sont concentrées dans les mains de trop peu de personnes. Le magazine libéral The Economist publie un dossier consacré à cette problématique cette semaine. Le titre ne laisse planer aucun doute : « La prochaine révolution capitaliste ».
Comment notre capitalisme est devenu un oligopole
Le magazine énumère une série d’exemples qui pour nous convaincre que le capitalisme est devenu un modèle oligopolistique. Un terme compliqué qui signifie que certains produits et/ou services ne sont proposés que par quelques grands fournisseurs :
- Depuis 1997, la concentration du marché a augmenté pour atteindre les deux tiers dans l’industrie américaine.
- Un dixième de l’économie est caractérisé par des secteurs dans lesquels quatre entreprises occupent plus des deux tiers du marché.
- Dans une économie en bonne santé, la concurrence réduit les bénéfices, mais le cash-flow libre (bénéfice net après déduction des coûts et des investissements) des entreprises est aujourd’hui supérieur de 76 % à la moyenne des 50 dernières années.
- En Europe, la même tendance est observée, bien que de manière moins extrême. La part de marché des quatre plus grandes entreprises de chaque secteur a augmenté de 3 % depuis 2000.
- Aux États-Unis et en Europe, il est de plus en plus difficile de détrôner le leader du marché. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs où il n’ya pratiquement pas de concurrence (songez à Facebook et Google). Le magazine estime à 660 milliards de dollars le montant mondial des « profits anormaux », dont les deux tiers sont réalisés aux États-Unis, et un tiers dans des entreprises de technologie.
Le capitalisme s’éloigne de plus en plus de sa source
Le capitalisme s’éloigne donc de plus en plus de la source qui doit justifier son efficacité économique et sociale : la compétitivité. C’est surtout dans le secteur de la technologie que ce problème est le plus sensible. Facebook et Google peuvent bien être des services gratuits : du fait de leur quasi-monopole sur la publicité en ligne, les autres entreprises ont de plus en plus de difficultés.
Si nous voulons sauver le système capitaliste (comme aurait pu dire Winston Churchill, « le pire système économique … à l’exclusion de tous les autres »), nous devons donc rétablir d’urgence ses règles et les l’adapter à la réalité numérique, écrit The Economist. Ce n’est qu’alors que l’on obtiendra une répartition plus acceptable et plus rentable des bénéfices des entreprises et des rémunérations des employés.
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Selon Marx, la révolution est imminente
L’économiste français Patrick Artus a écrit plus tôt cette année que la dynamique du capitalisme est maintenant telle que Karl Marx l’avait prédite :
« Nous trouvons sans équivoque la dynamique du capitalisme telle que décrite par Karl Marx dans les récents développements:
– Un déclin de la rentabilité des entreprises, qui pourrait réduire le retour sur capital ;
– Une réaction à la chute du retour sur capital par la distorsion de la distribution de revenus en faveur des profits et au détriment de ceux qui perçoivent des salaires ;
– Lorsque cette distorsion aura atteint sa limite, l’emploi d’opérations spéculatives pour augmenter le retour sur capital.
Cette dynamique mène inévitablement non seulement à des inégalités de revenus grandissantes, mais aussi à des crises financières ».
Marx concluait également que tout ceci ne pouvait aboutir qu’à une révolution
Nous aimons penser que le capitalisme génère de la générosité. Ce n’est pas le cas
Nous aimons penser que le capitalisme génère de la générosité et que, par conséquent, la compassion et une forme d’éthique sont créées pour les moins fortunés. Ce n’est pas le cas. Aux États-Unis, 500 000 personnes vivent dans la rue, tandis que 18 millions de logements sont également vacants. L’impact d’entreprises telles que Facebook et Amazon soulève de plus en plus de questions sur le capitalisme contemporain et sur la façon dont nous fonctionnons en tant que société. Pourtant, cela peut se résumer en quelques mots :
« Jamais auparavant un si petit groupe de personnes n’avait gagné autant d’argent en faisant autant de dégâts . »
Selon Chamath Palihapitiya , ancien vice-président de Facebook, cette entreprise est celle « qui a créé les outils qui permettent de détruire le tissu social de la société ».
Conclusion
The Economist : « L’ajustement des règles existantes ne résoudra pas tous les problèmes. Mais s’il permettait aux bénéfices aux États-Unis de retrouver leurs niveaux historiquement normaux et si les employés en bénéficiaient, les salaires nets augmenteraient de 6 %, les consommateurs auraient plus de choix et la productivité augmenterait. Cela ne mettrait pas nécessairement un terme à la montée en puissance du populisme. Mais une révolution de la concurrence contribuerait largement à restaurer la confiance dans le capitalisme. »