Il existe des centaines de fausses cryptomonnaies et voici comment les repérer

Avec la popularisation des cryptomonnaies, de nombreuses arnaques ont vu le jour. Certaines impliquaient des sommes considérables. Voici comment repérer ces escroqueries.

En avril 2018, une manifestation au Vietnam a révélé une escroquerie d’une taille gigantesque: environ 650 millions de dollars avaient disparu, emportés par une mystérieuse entreprise du nom de Modern Tech. Lors de cette manifestation, les investisseurs floutés par cette entreprise basée à Hô-Chi-Minh-Ville réclamaient d’être remboursés. Selon le journal local Tuoi Tre News, ces 32.000 investisseurs n’ont jamais revu leur argent.

Modern Tech chapeautait deux monnaies cryptées qui promettaient moult merveilles. Pincoin s’engageait à gonfler le portefeuille des investisseurs avec des slogans comme « la meilleure façon de prédire le futur est de le créer ». iFan faisait rêver les investisseurs en leur donnant l’illusion qu’il participait à l’édification du meilleur réseau social du monde, une plateforme à la croisée des intelligences artificielles et du Big Data. Ces deux monnaies n’ont jamais décollé, même si leurs sites sont encore en ligne en toute impunité.

Le cas Modern Tech est l’exemple le plus frappant d’escroquerie liée aux cryptomonnaies: aucune autre entreprise n’a réussi à disparaître avec des sommes aussi grandes. Mais d’autres arnaques ont eu lieu et continuent d’exister aujourd’hui. Et leurs méthodes sont souvent les mêmes que celles employées par Modern Tech: aveugler les investisseurs avec un fabuleux écran de fumée puis disparaître avec les fonds une fois l’ICO terminée.

Comment procèdent les escrocs?

Pour arnaquer les investisseurs, les arnaqueurs procèdent à des levées de fonds appelées en anglais ICO, pour Initial Coin Offering (Offre initiale de pièce). Tout le travail des escrocs se passe avant l’ICO. Leur méthode consiste à faire croire aux gestionnaires de fonds et aux investisseurs que les sommes qu’ils vont placer dans la nouvelle monnaie en échange de tokens (jetons) auront une valeur décuplée une fois que la monnaie aura trouvé son marché.

Pour ce travail en amont de l’ICO, les arnaqueurs vont créer un site au design convaincant et bien léché qui donne l’illusion d’avoir affaire à des professionnels. Les arnaqueurs instillent la confiance en employant une foule d’expressions typiques du milieu. Ils associent des termes techniques à de grands noms de la finance et des cryptomonnaies. Leur site, généralement d’aspect futuro-tech, recèle de petites vidéos expliquant pourquoi posséder des jetons de la future cryptomonnaie changera la face de la planète.

Si l’investisseur décide de creuser un peu plus loin en s’attardant sur le descriptif détaillé du projet, le « white-paper », il tombera généralement sur un plan argumenté et qui semble tenir la route. Une fois que l’investisseur est convaincu, il ne reste plus qu’à lancer l’ICO. Les fraudeurs vendent les jetons prometteurs en échange d’une certaine somme puis ils disparaissent dans la nature. Les investisseurs se retrouvent avec des tokens n’ayant aucune valeur.

© ifan

Ponzi pour mieux convaincre

Pincoin, la monnaie de Modern tech, a utilisé une technique supplémentaire pour convaincre les investisseurs d’acheter des tokens: une pyramide de Ponzi. Pincoin offrait des bonus à ceux qui parvenait à convaincre d’autres individus d’investir dans son projet. Les arnaqueurs ont payé les bonus en espèces jusqu’au mois de janvier 2018, le mois où ils ont commencé à émettre des jetons. Puis, au mois d’avril, l’équipe a abandonné ses bureaux, ne laissant qu’un site web étrange, encore incomplet, mais qui lui donnait une certaine légitimité. 

Avec des formules comme « le projet Pincoin consiste à créer une plate-forme de consommation collaborative en ligne pour la communauté mondiale, basée sur les principes de l’économie de partage, de la technologie Blockchain et de Crypto Devise », le site semblait honnête. Ce sentiment était renforcé par les bonus qui avaient momentanément enrichi certains. Jusqu’au jour où les investisseurs ont réalisé que les jetons n’avaient aucune valeur et n’étaient reconnus sur aucune bourse.

Attention aux baleines (whales)

Les baleines (ou whales en anglais) sont des institutions ou des individus avec des fonds importants qui cherchent à provoquer l’illusion que la valeur d’une monnaie est en train d’augmenter à toute vitesse. Cette manipulation du marché peut convaincre plus facilement les investisseurs de placer d’importantes sommes dans le lancement d’une devise cryptée.

La stratégie habituelle de ces crypto whales est appelée le « pump and dump » (pompe et décharge). La baleine achète des jetons jusqu’à ce que le prix commence à augmenter rapidement. C’est la phase de pompe. Les investisseurs vont observer le phénomène de hausse des prix et vont vouloir profiter de cette augmentation de la valeur. La baleine va alors « décharger » ses avoirs en revendant ses jetons à un prix plus élevé que celui auquel il les avait achetés. Un prix gonflé artificiellement, donc, dans le but de profiter de la crédulité des acheteurs.

Comment repérer ces fraudes?

La meilleure méthode pour repérer les fraudes est de s’informer. Une nouvelle monnaie prometteuse a des aspects très séduisants pour celui qui espère obtenir des gains monétaires rapidement. Acheter des quantités importantes d’une monnaie à bas prix peut rapporter gros si la valeur de cette monnaie s’envole. Mais encore faut-il que cette monnaie soit sur le marché.

Pour ne pas se faire berner, il faut scruter avec attention les détails constitutifs de la monnaie. Derrière la vitrine scintillante que constituent généralement le site et ses vidéos, se trouvent des informations moins « sexy » mais plus instructives. Le « white-paper » ou livre blanc contient toutes les informations objectives et factuelles de la monnaie. Si, à ce stade, le projet semble déjà incertain, c’est mauvais signe. Mais attention, certains white-papers peuvent être très convaincants car ils peuvent aussi parfois être un simple copier-coller d’un texte existant.

Il faut donc aller plus loin et regarder les noms présents dans l’organisation. Dans son livre blanc, la fausse monnaie iFan cite par exemple Clément Jeanneau, le co-fondateur de blockchainpartner.fr. Un simple coup d’oeil sur le Twitter de cet expert des cryptomonnaies permet de voir que ce dernier n’a jamais cité cette nouvelle devise. Ce qui serait le minimum pour un membre de l’équipe technique. Ce détail peut suffire à mettre la puce à l’oreille. Effectivement, iFan a utilisé le nom de Jeanneau pour essayer de se donner une crédibilité.

Avant d’investir, il ne faut pas hésiter à contacter les professionnels du milieu, lire les articles sur les sites spécialisés, observer les tendances sur les réseaux sociaux et poser des questions sur les forums. Sur Reddit, les onglets r/CryptoScamr/Coinjudge et r/CryptoScamAlert recensent toutes les arnaques avec les cryptodevises. Le site doiownashitcoin donne une réponse rapide mais très subjective de la valeur des monnaies.

Si la monnaie a déjà été lancée, il faut alors vérifier sa valeur sur coinmarketcap, le site qui tient un registre en temps réel des monnaies cryptées sur le marché et de leur valeur. « Si le volume de transactions d’une monnaie est toujours faible, il s’agit probablement d’un investissement risqué », écrit Robin Bloor, CEO d’une entreprise de blockchain.

Quelques exemples de monnaies frauduleuses

  • Bitconnect
  • Veritaseum
  • Regalcoin
  • Pincoin
  • iFan
  • OneCoin
  • Plexcoin
  • Centratech
  • Bridgecoin
  • Pos
  • Ethereumdark
  • Edgarcoin
  • Darkmatter
  • Vsync
  • Gokucoin
  • Eprcoin
  • Dfscoin
  • Brazil
  • SkullEvollution
  • Playwincoin
  • Nelsonmandela

Les organismes de lutte

Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) est l’organisme chargé de surveiller les marchés financiers. Cette organisation a déjà fait la lumière sur de nombreuses arnaques aux cryptomonnaies et tentent de poursuivre les entreprises qui font de fausses ICO.

Pour illustrer le danger des fausses ICO, la SEC a créé une fausse cryptomonnaie, le HoweyCoin. Cette monnaie se présente sur son site comme la devise des réseaux de voyageurs. Sa plateforme a tout pour convaincre, avec des photos de paysages, des citations de personnes qui ont l’air célèbres, des liens pour des discounts, un white-paper et un descriptif du conseil d’administration. Mais les liens pour acheter la monnaie envoient en réalité sur une page d’un site de la SEC sur laquelle figure une mise en garde contre les ICO frauduleuses.

En Chine, le National Committee of Experts on the Internet Financial Security Technology (IFCERT), un organisme de surveillance des marchés dépendant du gouvernement, a révélé l’existence de 421 fausses cryptodevises. Parmi celles-ci, 60% avaient leurs serveurs basés en Chine.

En Europe, c’est l’ESMA, l’Autorité européenne des marchés financiers, qui tente de surveiller les escroqueries aux monnaies cryptées. Ces organismes tentent avec leurs moyens d’empêcher les investisseurs de tomber dans des arnaques. Mais le plus simple reste encore de savoir les repérer soi-même.

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