L’Etat Islamique (EI) a perdu son califat au Moyen-Orient, mais l’organisation terroriste a germé ailleurs. Au sud des Philippines, les militants djihadistes se tournent vers l’île de Mindanao, la deuxième île de l’archipel en surface et en population.
L’île de Mindanao est depuis des décennies le théâtre d’un conflit terriblement long, une lutte de pouvoir entre la majorité chrétienne qui détient le pouvoir dans le pays et la minorité musulmane qui ne représente qu’environ 5 % de la population. Presque tous les musulmans des Philippines vivent sur l’île de Mindanao, un territoire qui était avant l’arrivée des colons chrétiens gouverné par de puissants sultanats.
Un nouveau califat en projet à Marawi
En 2017, l’Etat islamque a cherché à établir sur l’île de Mindanao le siège de son « califat » en Asie du sud-est avec Marawi, la plus grande ville musulmane des Philippines, pour capitale. Entre mai et octobre, quelques centaines de combattants avaient réussi à occuper le centre de la vieille ville, tuant des chrétiens et prenant des otages. Il aura fallu à l’armée plusieurs semaines d’intenses combats pour reprendre la ville de Marawi aux mains des terroristes retranchés dans les mosquées. Au final, ce sont les raids aériens permanents combinés au soutien massif de l’armée américaine qui ont décidé de l’issue du combat. Plus de 1200 personnes ont trouvé la mort dans ces affrontements.
Aujourd’hui, Marawi est toujours en ruines (notre photo), et la reconstruction promise peine à avancer. Des dizaines de milliers de personnes déplacées vivent toujours dans des centres d’hébergement d’urgence, et les combattants de l’EI sont passés dans la clandestinité. Le président Rodrigo Duterte a toujours catégoriquement refusé de négocier avec eux.
Le Front Moro islamique de libération
Toutefois, le gouvernement traite avec un autre groupe, le Front Moro islamique de libération, la principale guérilla musulmane de Mindanao, qui se bat depuis des décennies pour la création d’un état islamique indépendant au sud des Philippines. Après des années de négociations, le groupe a modéré ses demandes et œuvre maintenant pour une région musulmane autonome au sein des Philippines. En échange de leur aide pour combattre la terreur islamiste, le gouvernement a accepté cette demande et a promis aux musulmans de Mindanao la mise en place d’une région autonome, le Bangsamoro, avec son propre parlement, budget et lois.
Cela devrait être réalisé dans les trois prochaines années, si rien ne vient détraquer le processus.
Le mandat du président arrive à terme en 2021, et il n’est pas assuré que son successeur continue sur la même voie. Il est aussi possible que des conflits éclatent au sein du Front Moro islamique de libération, ou bien entre ce dernier et des groupes musulmans rebelles rivaux. Mindanao pourrait aussi attirer des combattants étrangers, voyant là leur chance de rédemption après la chute du califat EI en Syrie et Irak. La région où vivent les musulmans de Mindanao est la plus pauvre et la moins développée des Philippines. Que se passera-t-il si l’autonomie n’arrive pas, ou trop lentement ? Pour l’instant, beaucoup de questions demeurent sans réponse…