Le Japon est un pays paradoxal. C’est un pays dont certaines traditions ancestrales sont encore très vivaces, tout en étant en même temps le royaume de la technologie de pointe. Mais parfois, une technologie s’impose plus durablement qu’on aurait pu le penser. Et c’est ainsi que dans les bureaux japonais, on trouve un appareil relégué aux oubliettes de l’obsolescence depuis plusieurs années dans les autres pays riches : le fax. Les commandes, les ordres de banques, et même les invitations à des soirées sont toujours envoyées par fax au Japon, et les télécopies remplacent bien souvent les emails. D’ailleurs, 59% des foyers japonais ont un fax.
Pour Chico Harlan, du Washington Post, le maintien du fax est peut-être le symptôme de l’incapacité du pays à changer pour s’adapter aux nouveaux standards internationaux. « Cela revient à la théorie selon laquelle il y aurait 2 Japons », explique Serkan Toto, un consultant de l’internet tokyoïte. « L’un est très efficace, et hautement productif. L’autre est celui où les choses se font lentement, et où il n’y a quasiment aucune innovation. La technologie de l’information est dans ce second cas ».
Les Japonais aiment le papier et le manuscrit, ce qui a motivé le maintien de l’analogique. Les ordinateurs n’ont jamais été vraiment bien intégrés au Japon, en partie en raison de la complexité de la langue japonaise, qui comprend des milliers de signes, difficiles à programmer. Jusqu’au début des années 1990, il était impossible de taper un texte en japonais, et encore aujourd’hui, les personnes âgées trouvent plus facile d’écrire un texte à la main plutôt que de le taper avec un clavier normal. Le papier est encore omniprésent, dans les ministères comme dans les salles de réunions des entreprises. Il inspire confiance, parce qu’il est fiable. De plus, les Japonais utilisent encore beaucoup les sceaux appelés « hanko » pour certifier les documents officiels.
Une seconde raison provient du monopole d’Etat sur les lignes téléphoniques. Les prix de l’internet haut débit sont restés relativement élevés, ce qui a motivé les Japonais à préférer surfer sur leur téléphone portable, et beaucoup de foyers ne sont pas connectés à internet.
Mais les choses sont peut-être en train de changer. Softbank, le géant de la téléphonie mobile, a décidé de se débarrasser du papier, pour des raisons environnementales et économiques. D’autres sociétés ont déjà manifesté le désir de débrancher leur télécopieur une bonne fois pour toutes, et attendent que leurs clients le leur permettent.