“Aujourd’hui, je me rends compte qu’Amazon va tuer les distributeurs. Oh, pas demain, pas dans dix ans, mais à terme, tous les grands groupes qui aujourd’hui font de la distribution classique, vont mourir”.
Selon Granjon, cette menace est incarnée par une entreprise : Amazon, qu’il qualifie de “plus belle entreprise de dumping commercial jamais organisée au monde”. Le Français souligne qu’Amazon réalise des pertes avec la vente en ligne, mais que celles-ci sont de plus en plus compensées avec les recettes liées aux services de “Cloud”. “Si une entreprise de la distribution veut faire du dumping contre Amazon, ils ont 5% ou 6% de marge, ils ne peuvent pas le faire très longtemps”, analyse-t-il. Il souligne qu’Amazon a déjà 20 ans d’existence, et que Jeff Bezos, le CEO de la firme américaine, qu’il a déjà rencontré, a une “vision à long terme, à 50 ans”. Granjon admet qu’il a lui-même changé d’avis concernant la stratégie d’Amazon: “Ils sont capables de vous vendre les produits les moins chers tout en vous offrant quasiment le transport. Et cela leur coûte énormément d’argent”. Il observe en outre que les jeunes ne veulent plus “passer leur après-midi faire des courses pour acheter des produits basiques”. Quant aux sites de vente en ligne, ou de la livraison “en drive” que beaucoup de chaînes de supermarchés proposent désormais, ils ne suffiront pas à les sauver, car de plus en plus de consommateurs en viennent à préférer Amazon en raison de ce dumping, et des frais de transport quasi-gratuits. “Amazon va faire ce dumping commercial très très longtemps. Petit à petit, ils vont éroder les parts de tous les distributeurs dans le monde”.“Amazon peut faire son dumping pendant 20, 30, 40 ans, jusqu’à la mort complète de tous les distributeurs”, conclut-il.Granjon sait de quoi il parle, Vente-privée a réalisé un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros en 2014 avec son offre de produits de marque soldés de 50 à 70% sur le net, et elle emploie 1800 personnes.L’opinion de Granjon diffère totalement de celle de Jef Colruyt, le PDG de la société de distribution éponyme. Le mois dernier, il avait estimé que le modèle Amazon était intenable dans le journal De Tijd. “Je doute de ce modèle. Surtout en ce qui concerne le commerce de détail. S’il y a l’argent à faire, cela va être ailleurs, mais pas dans le commerce de détail . Faites-moi une faveur et trouvez-moi quelqu’un qui réussit à gagner son pain avec ce modèle dans la distribution alimentaire. Je le lirai volontiers”.