Une attaque de drone ukrainien contre un pétrolier russe pourrait-elle aussi toucher la Belgique et les Pays-Bas ? La menace s’accroît pour la mer du Nord et les ports tels que Rotterdam, Anvers et Zeebrugge


Principaux renseignements

  • L’Ukraine a frappé pour la première fois un pétrolier russe de la « flotte fantôme » en Méditerranée à plus de 2 000 km de distance, ce qui constitue une escalade évidente au-delà de la mer Noire.
  • De nombreux pétroliers de la flotte fantôme chargent du pétrole dans des ports de la Baltique tels que Ust-Luga ou Primorsk, puis passent par la mer du Nord, souvent à proximité des côtes néerlandaises et belges.
  • Les experts mettent en garde contre les risques accrus en mer du Nord, mais les ports eux-mêmes ne sont pas une cible privilégiée.

L’Ukraine intensifie sa campagne contre les exportations d’énergie russe. Le 19 décembre 2025, le service de sécurité ukrainien SBU a revendiqué une attaque de drone contre le pétrolier Qendil, qui bat pavillon omanais et fait partie de la “flotte fantôme” russe. Cette flotte aide la Russie à contourner les sanctions en transportant du pétrole vers des pays tels que l’Inde et la Chine.

Le pétrolier était vide et a subi de lourds dommages dans les eaux neutres, loin de l’Ukraine. Il s’agit de la première attaque en dehors de la mer Noire. La Russie a réagi avec colère, le président Poutine mettant en garde contre de « nouvelles menaces », tout en minimisant l’impact sur les exportations.

Cette opération montre que les drones ukrainiens à longue portée peuvent frapper des navires dans le monde entier. Auparavant, Kiev se concentrait principalement sur des cibles en mer Noire et sur des raffineries en Russie.

Pourquoi la mer du Nord est-elle désormais dans le collimateur ?

De nombreux pétroliers de la flotte fantôme chargent du pétrole dans des ports de la Baltique tels que Ust-Luga ou Primorsk, puis traversent la mer du Nord. Ils longent fréquemment les côtes néerlandaises (près de Rotterdam) et belges (vers Zeebrugge et Anvers), avant d’entrer dans la Manche ou de poursuivre leur route vers l’Asie. Les données de suivi de navires tels que le Boracay ou le Krasnodar montrent cet itinéraire standard : traversée de la mer Baltique, passage du Danemark, traversée de la mer du Nord et de la Manche.

Les experts maritimes avertissent que ces itinéraires sont désormais plus risqués. Les pétroliers de l’ombre naviguent plusieurs fois par jour le long des côtes néerlandaises et belges, souvent avec des systèmes AIS désactivés. Une attaque perturberait gravement les voies de navigation.

Nuance importante : en raison des sanctions imposées par l’UE depuis 2022, les importations directes de pétrole brut russe dans des ports tels que Rotterdam et Anvers ont fortement chuté pour atteindre moins de 3 pour cent. Ces pétroliers fantômes ne déchargent donc pas dans nos ports – ils sont en transit vers des pays non membres de l’UE. Le risque réside principalement dans une éventuelle perturbation du transport maritime en mer du Nord, et non dans l’approvisionnement direct des raffineries belges ou néerlandaises en pétrole russe.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) russe constitue toutefois un cas à part : la Belgique figurait parmi les plus grands importateurs de GNL russe de l’UE en 2024. Zeebrugge est une plaque tournante majeure pour le GNL russe, avec des importations record en 2025 malgré la pression des sanctions. Une attaque contre des méthaniers pourrait nuire à l’approvisionnement de notre région.

Des précédents, comme les attaques des Houthis en mer Rouge ou le sabotage des pipelines Nord Stream en mer Baltique en 2022, montrent à quel point l’infrastructure maritime dans les eaux européennes est vulnérable. Pour la Belgique et les Pays-Bas, c’est important : Rotterdam est le plus grand port d’Europe, Anvers le deuxième, et Zeebrugge est crucial pour l’énergie, y compris le GNL.

De nouvelles mesures de sécurité ont été prises autour de la mer du Nord et des ports, mais dans quelle mesure nos ports sont-ils vraiment sûrs ?

Les ports belges et néerlandais prennent au sérieux les drones et les menaces asymétriques. En Belgique, le port d’Anvers-Bruges dispose d’un réseau de systèmes autonomes de drones intégrés pour une surveillance continue, et il existe la plate-forme de sécurité Port 2 Port pour la coopération contre les cybermenaces, la contrebande et l’utilisation abusive des drones.

Aux Pays-Bas, le port de Rotterdam travaille avec Anvers et Hambourg sur l’innovation en matière de drones pour la sécurité et l’efficacité (DroneHorizon 2025). Les vols de drones sont strictement réglementés et le ministère néerlandais de la défense investit des milliards dans des systèmes anti-drones, tels que les canons mobiles Skyranger, spécifiquement pour protéger les infrastructures critiques comme le port de Rotterdam.

Les ports eux-mêmes ne sont pas des cibles directes pour les exportations de pétrole russe en raison des sanctions, mais restent vulnérables. Il n’est pas possible de surveiller en permanence tous les navires qui passent. Après le Nord Stream et les récents incidents de la flotte fantôme, les deux pays appellent à une défense plus avancée et à une coopération internationale.

L’attaque du Qendil montre que la guerre des drones peut perturber le transport maritime mondial, y compris en mer du Nord. Pour des ports comme Rotterdam, Anvers et Zeebrugge, qui sont au cœur des flux européens d’énergie et de marchandises, il s’agit d’un sérieux signal d’alarme, en particulier pour les approvisionnements en gaz naturel liquéfié via Zeebrugge. Bien que les importations directes de pétrole russe soient minimes, l’escalade pourrait perturber les routes maritimes et causer des dommages économiques.

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