« Il est temps d’envoyer Saint-Nicolas à la retraite fiscale »

Saint-Nicolas fait son retour dans les entreprises, avec ses lots de chocolats, de mandarines et
de chèques-cadeaux. Non pas parce que les collaborateurs en expriment le souhait – de
nouvelles données montrent même qu’ils ne l’attendent pas vraiment – mais parce que le
régime fiscal y est particulièrement favorable. Aucune fête n’est aussi attrayante fiscalement
que la Saint-Nicolas. C’est même le seul moment où les employeurs peuvent gâter fiscalement les enfants de leurs collaborateurs en toute sérénité.

Mais que dit de notre culture d’entreprise le fait qu’une tradition issue de la maternelle et du
primaire détermine encore aujourd’hui un moment clé de reconnaissance ? Et surtout : ce rituel
correspond-il encore à la réalité des équipes actuelles ? Ou comment une loi de 1969 continue
de dicter ce qui se passe sur nos lieux de travail.

La règle sur les cadeaux date de plus de cinquante ans. À l’époque, les équipes étaient
homogènes. Les fêtes étaient largement partagées, Saint-Nicolas allait de soi, et les attentions
de l’employeur suivaient ce cadre. Aujourd’hui, le terrain de travail a changé. Plus international,
plus divers, avec des parcours et traditions variés. Pour un collaborateur, le 6 décembre évoque
un souvenir chaleureux ; pour un autre, c’est un jour comme les autres.

Saint-Nicolas s’impose encore, non pas par choix RH, mais par pure logique fiscale

Impossible d’y échapper : Saint-Nicolas s’impose, non par choix RH, mais parce qu’il maximise
l’avantage fiscal. Personne ne dit non à une chaussure bien remplie… mais l’exercice devient
gênant lorsque cette chaussure est surtout posée là par la réglementation.

Voilà où cette logique atteint ses limites. L’article 19, §2, 14° de l’Arrêté royal du 28 novembre
1969 (!) stipule que seuls Saint-Nicolas, Noël et Nouvel An sont reconnus fiscalement comme
moments autorisés pour offrir des cadeaux au personnel. Les employeurs peuvent y offrir
jusqu’à 40 euros par collaborateur et 40 euros par enfant à charge – mais uniquement à ces
trois dates. Un geste identique, offert à un moment réellement pertinent pour une équipe, n’est
tout simplement pas soutenu fiscalement.

Une tradition qui freine la reconnaissance

Sur le papier, cela paraît anodin. En pratique, c’est une occasion manquée. Aujourd’hui, la
reconnaissance est un véritable levier stratégique RH. Sur un marché de l’emploi tendu, tout se
joue autour de l’engagement, de la rétention et d’une culture où chacun se sent reconnu. Cela
nécessite de la flexibilité : exprimer la reconnaissance quand elle a du sens, pas quand le
calendrier fiscal le prescrit.

La question n’est donc pas de savoir s’il faut abolir Saint-Nicolas. Les traditions ont de la valeur – mais seulement lorsqu’elles sont réellement partagées. Ce qui est plus difficile à défendre,

c’est qu’un cadeau offert le 6 décembre soit encouragé fiscalement, tandis qu’un remerciement
équivalent, offert au moment qui convient à une équipe, un projet, un collaborateur ou même à
la culture d’entreprise, ne le soit pas.

La réalité de 2025 mérite une politique de reconnaissance plus inclusive qu’un personnage
muni d’une crosse et d’une hotte bien remplie. Offrons aux entreprises la liberté de lier la
reconnaissance à ce qui compte vraiment : l’engagement, la collaboration, les jalons franchis, le
sentiment d’appartenance.

Et qui sait ? Peut-être que Saint-Nicolas passera plus discrètement l’an prochain — non parce
que la tradition est mauvaise, mais parce que la reconnaissance vaut mieux qu’un simple calcul
fiscal.


Jelle Van Roosbroeck – Cofondateur de Kadonation 


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