Après plus d’une semaine de spéculations et propositions en tout genre, les négociations budgétaires entrent progressivement dans la dernière ligne droite. Normalement, le budget devrait être réglé pour mardi (14 octobre), mais il semble que ce délai ne sera pas respecté. En tout état de cause, les prochains jours verront un nouveau cycle de négociations nocturnes (désormais quasi traditionnelles). Pour être clair, ce n’est pas une façon sérieuse de faire les choses. L’élaboration du budget mérite beaucoup plus de sérieux. Voici cinq autres réserves sur les négociations budgétaires :
1. Sans intervention, notre État-providence s’effondre
Au début de la semaine dernière, lors d’une présentation aux étudiants de l’UGent, le Premier ministre De Wever a fait la déclaration suivante : « si nous n’intervenons pas maintenant, notre État-providence s’effondrera, même de votre vivant ». Cela a fait du bruit, mais il n’y a malheureusement pas grand-chose à discuter. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une croissance économique trop faible, à une hausse des taux d’intérêt du marché, à un déficit budgétaire beaucoup trop important et à une facture du vieillissement qui ne cesse de s’alourdir (même avec la réforme des pensions de ce gouvernement). Si nous ne faisons rien pour réduire de manière significative ce déficit budgétaire et si la croissance économique ne s’accélère pas de manière soudaine et miraculeuse, notre dette publique continuera d’augmenter au cours des prochaines décennies. Même si les taux d’intérêt du marché restent stables à leur niveau actuel, la dette publique dépassera 300 pour cent du PIB d’ici 2070 (et donc pendant la durée de vie des étudiants actuels). Si les taux d’intérêt devaient augmenter légèrement (un scénario normal pour l’augmentation de la dette publique), disons jusqu’à 4,7 pour cent (le niveau de taux d’intérêt auquel le Royaume-Uni se trouve déjà aujourd’hui), elle atteindrait 450 pour cent du PIB. En pratique, elle n’atteindrait pas ce niveau, car nous aurions des problèmes financiers avant. Sans intervention, notre État-providence s’effondrera effectivement dans les décennies à venir. Il ne s’agit pas d’alarmisme, mais plutôt d’une indication qu’une intervention sérieuse est nécessaire de toute urgence.
2. 10 milliards d’euros ne suffiront pas
Il semble que le gouvernement vise un effort budgétaire de 8 à 10 milliards. S’il réussit ces 10 milliards, nos gouvernements se retrouveront avec un déficit budgétaire collectif de 4,6 pour cent du PIB à la fin de cette législature (2029). C’est plus qu’à la fin du gouvernement précédent, et surtout cela reste beaucoup trop élevé pour parler de finances publiques durables. Un effort de 10 milliards n’est pas suffisant pour redresser les finances publiques. Même avec un tel effort, la dette publique, et donc la charge d’intérêt, continuera à augmenter. L’essentiel de l’effort sera alors reporté sur le prochain gouvernement.
3. Augmentation de la facture d’intérêts
En euros d’aujourd’hui, le total des intérêts payés par notre gouvernement était de 10 milliards en 2022. Mais depuis lors, la dette publique a augmenté et, surtout, les taux d’intérêt du marché ont fortement progressé, passant d’environ 0 pour cent à 3,3 pour cent aujourd’hui (taux d’intérêt à 10 ans des obligations belges). En conséquence, la facture d’intérêts s’élève déjà à 15 milliards aujourd’hui. Selon les dernières projections du Bureau du Plan, elle atteindra 21 milliards en euros d’aujourd’hui en 2030. Et ce, dans l’hypothèse d’une stabilisation des taux d’intérêt autour de 3 pour cent. Entre-temps, les finances publiques chancelantes de pays tels que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni exercent une pression à la hausse sur les taux d’intérêt des marchés obligataires internationaux. Il existe un risque réel que les taux d’intérêt du marché augmentent encore dans les années à venir, ce qui aurait évidemment pour effet d’alourdir la facture des taux d’intérêt belges. Il va sans dire que les nombreux milliards supplémentaires que nous devons dépenser en intérêts ne peuvent pas être déployés de manière significative dans l’économie.
4. Toute augmentation de la TVA devrait être liée à un saut d’index
La hausse de l’indice a été l’un des points les plus remarquables de la discussion budgétaire de cette semaine. Proposée par le Premier ministre De Wever, elle a été presque immédiatement rejetée par les autres partis. En soi, un saut d’index n’apporte pas grand-chose au budget. Mais cette proposition devrait être liée aux propositions d’augmentation de la TVA. Du côté des recettes, le tableau est assez clair : nous avons aujourd’hui la charge fiscale la plus lourde (au monde) sur le travail et sur le capital. La charge fiscale sur la consommation en Belgique est plus proche de la moyenne internationale. Par conséquent, si le gouvernement veut faire quelque chose du côté des recettes, il ferait mieux de s’intéresser à la TVA. Mais toute augmentation de la TVA dans notre pays est répercutée sur les entreprises par le biais de l’indexation automatique des salaires. Ainsi, cette augmentation ne ferait que miner davantage la compétitivité déjà chancelante de nos entreprises. En ce sens, une augmentation de la TVA devrait être liée à un saut d’index.
5. Impôt marginal de 70 pour cent
La semaine dernière a également vu le lancement de divers ballons pour s’attaquer aux régimes fiscaux spéciaux. Il s’agit notamment des emplois flexibles, des emplois étudiants, des sociétés de gestion, du travail de nuit et du travail posté. Il s’agit dans tous les cas de régimes spécifiques dans lesquels les cotisations sociales ne sont pas versées dans leur intégralité. Toutefois, ce débat ne tient pas compte de la raison sous-jacente de ces régimes spécifiques. Celle-ci réside dans la lourdeur de la charge fiscale pesant sur le travail, en particulier la charge fiscale marginale (c’est-à-dire la charge fiscale sur un euro supplémentaire de revenu du travail). Pour un célibataire percevant un salaire supérieur à la moyenne, cette charge fiscale marginale s’élève à 68 pour cent dans notre pays, soit la plus élevée d’Europe. Cela signifie que sur une augmentation de salaire dont le coût salarial total pour l’employeur s’élève à 100 euros, seuls 32 euros parviennent en fin de compte au salarié. À titre de comparaison, dans les pays voisins, ce montant est en moyenne de 47 euros (soit une charge fiscale marginale de 53 pour cent). Un système fiscal avec des taux d’imposition très élevés combinés à une multitude d’exceptions et de régimes spécifiques n’est certainement pas optimal. Mais toute réforme de ce système fiscal devrait porter sur les deux aspects de la question. Aujourd’hui, l’accent est mis uniquement sur la réduction des régimes spécifiques visant à générer des recettes fiscales supplémentaires. L’examen de tous ces régimes spécifiques doit s’inscrire dans le cadre d’une vaste réforme fiscale, notamment en ce qui concerne la charge fiscale marginale excessive. Il ne s’inscrit pas dans un exercice fiscal rapide et unilatéral.
Bart Van Craeynest
Économiste en chef chez Voka et auteur de « België kan beter »
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