Web Analytics

Et si les marchés s’étaient emballés trop vite ? C’est en tout cas ce qu’essayent de vous faire croire les banquiers centraux

Et si les marchés s’étaient emballés trop vite ? C’est en tout cas ce qu’essayent de vous faire croire les banquiers centraux
Christine Lagarde, Jerome Powell – Getty Images

La perspective de voir les taux baisser plus rapidement que prévu a enjoué les marchés. Mais ce rallye boursier de fin d’année est-il surfait ? Les gouverneurs des banques centrales ont tenté de calmer les ardeurs des investisseurs.

Mercredi dernier, analystes et observateurs attentifs étaient suspendus aux lèvres de Jerome Powell, le président de la Banque centrale américaine (la Fed), sans doute l’homme qui a la plus grande influence aux États-Unis, après le président américain. Et pour la première fois, une ouverture a été faite sur une baisse des taux, dès l’année prochaine.

De son côté, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, s’est montrée, comme souvent, plus prudente, dès le lendemain. Elle ne prononcera pas le mot magique. Mais peu importe, c’est le grand frère américain qui donne le ton. Fin de semaine, le Dow Jones tape un record historique, tout comme le CAC40. Après des mois de hausses des taux d’intérêt en vue de juguler l’inflation, voilà la perspective d’un pic, du fameux pivot, et donc d’une baisse.

A-t-on bien entendu Jerome Powell ?

C’est la question que nous posent plusieurs gouverneurs, en ce début de semaine. Certains banquiers centraux de la Fed ont tenté de tempérer les attentes du marché, constate Bernard Keppenne, économiste en chef chez CBC.

  • Austan Goolsbee, président de la FED de Chicago, constate que les investisseurs « entendent ce qu’ils veulent entendre, mais pas ce qu’on dit ou ce que dit le président de la Fed ». Et d’ajouter : « Je trouve qu’il y a une certaine confusion sur le fonctionnement même de la FOMC (la réunion de la Fed, ndlr.). Nous ne débattons pas de politiques spécifiques en spéculant sur l’avenir. »
  • Du côté de la présidente de Cleveland, Loretta Mester, on appuie les propos du collègue : « La prochaine phase n’est pas de savoir quand réduire les taux, même si c’est là où en sont les marchés. Il s’agit de savoir combien de temps la politique monétaire doit rester restrictive afin de garantir que l’inflation est sur la voie durable et opportune d’un retour à 2 %. Les marchés sont un peu en avance. Ils ont sauté sur la dernière partie, qui est ‘nous allons normaliser rapidement’, et je ne vois pas cela arriver tout de suite. »
  • Du côté de l’Europe, Yannis Stournaras, gouverneur de la Banque centrale de Grèce, a rappelé que « nous devons voir l’inflation durablement inférieure à 3 % d’ici le milieu de l’année avant de réduire les taux ». Et que « les coûts unitaires de main-d’œuvre, les profits unitaires et les attentes en matière d’inflation doivent tous indiquer un retour de l’inflation à 2 % ».

A-t-on bien entendu les économistes ?

L’inflation justement. Elle est retombée à 3,1% aux États-Unis et à 2,4% en zone euro au mois de novembre. Les deux pôles occidentaux sont donc proches de l’objectif de 2%. Une baisse aussi rapide a été une surprise pour beaucoup d’économistes.

Désormais, certains pensent que l’inflation va baisser plus rapidement que ne le pense la BCE. L’institution financière a elle-même revu ses prévisions à la baisse, estimant l’inflation à 2,7% en 2024, contre une estimation de 3,2% précédemment. L’inflation retomberait ensuite à 2,1% en 2025.

Pour la première baisse des taux, les spéculations vont bon train sur le deuxième trimestre 2024. C’est le pari des experts d’ING mais aussi des stratèges boursiers d’Ethenea et d’ABN Amro. Ils ont tous coché juin 2024 comme la date la plus probable pour le « pivot » de la BCE.

En fin de compte, c’est le consultant financier Stefan Duchateau (Argenta) qui a le mieux résumé la situation, en préface des réunions de la Fed et de la BCE, la semaine dernière. Dans un post sur LinkedIn, il a évoqué le jeu d’ombres classique entre les banquiers centraux et les marchés. En adoptant des termes « peu clairs », Powell et Lagarde tentent de « limiter tous mouvements frénétiques des marchés ». Car cela pourrait amoindrir les effets de leur politique monétaire.

En suivant ce raisonnement, le signal de la Fed sur une baisse des taux l’année prochaine montre qu’elle est plutôt sûre de son coup : l’inflation a été jugulée.

Plus d'articles Premium
Plus