À Dubaï, la Belgique intègre une alliance qui va faire entrer l’hydrogène dans une nouvelle ère : l’enjeu des normes est colossal

À Dubaï, la Belgique intègre une alliance qui va faire entrer l’hydrogène dans une nouvelle ère : l’enjeu des normes est colossal
L’élaboration de normes internationales autour de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone englobe de gros enjeux. (Angel Garcia/Bloomberg via Getty Images, KARIM SAHIB/AFP via Getty Images, GIUSEPPE CACACE/AFP via Getty Images)

Ce mardi, 39 pays ont signé une déclaration d’intention autour de l’hydrogène. Ils veulent collaborer pour élaborer des normes autour de l’hydrogène vert. Mais aussi de l’hydrogène bleu. Et ce second produit est particulièrement sujet aux critiques.

Dans l’actu : l’hydrogène reçoit une belle lettre d’amour.

  • Ce mardi, lors de la COP28, 39 pays ont signé une déclaration d’intention intitulée « Reconnaissance mutuelle des systèmes de certification pour l’hydrogène et les dérivés de l’hydrogène renouvelables et faibles en carbone ».
  • Cette annonce doit donner le coup d’envoi à l’élaboration de normes internationales autour de l’hydrogène vert et bleu. En dépit des critiques, visiblement.

D’abord : qui sont les signataires ?

  • Parmi les signataires, on retrouve de tout. Tant des pays désireux d’importer et d’utiliser beaucoup d’hydrogène à l’avenir que des nations potentiellement grandes productrices. On peut par exemple citer l’Allemagne d’un côté et la Namibie de l’autre. Ensemble, ces nations devraient représenter plus de 80% du futur marché mondial de l’hydrogène.
  • L’initiative compte ainsi des participants aux quatre coins du monde. Du Brésil à l’Australie en passant par les USA, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, l’Inde ou encore le Japon.
  • On notera tout de même quelques absents notables. La Chine, mais aussi pas mal de pays de l’Union européenne (Espagne, Suède, Danemark et Irlande notamment). Les gros bras (France, et Allemagne) sont là, au même titre que la Belgique et les Pays-Bas. Mais il n’y a en fait que 7 pays de l’UE parmi les participants.

Des normes pour l’hydrogène fixées auprès de l’ISO

Les détails : que veulent-ils ?

  • Ces 39 pays considèrent tous l’hydrogène renouvelable et bas-carbone comme une des solutions à la transition énergétique. Et ils soulignent que la création d’un véritable marché mondial nécessite des normes internationales, partagées tant par les producteurs que les acheteurs.
  • Pour ce faire, ils ont notamment décidé de collaborer avec l’International Standard Organisation (ISO). Cela devra permettre de déterminer les standards internationaux permettant de définir ce à quoi les termes « hydrogène renouvelable » et « hydrogène bas-carbone » font référence, notamment en matière de gaz à effet de serre. Un gage de qualité, de fiabilité et de durabilité, a priori.
  • « Il s’agit d’une méthodologie véritablement internationale pour évaluer l’empreinte GES de l’hydrogène depuis le puits jusqu’à la porte de consommation, y compris chaque porte de livraison, sur la base d’une analyse du cycle de vie », a précisé Ulrika Francke, présidente de l’ISO. « Cela nous aide à créer un langage international commun autour de l’hydrogène et permet aux solutions les moins émettrices de carbone de briller. »

« C’est une avancée majeure. La norme permettrait les flux transfrontaliers d’hydrogène renouvelable et à faible teneur en carbone sur de longues distances pour la première fois dans l’histoire », a-t-elle déclaré.

Sigrid Kaag, vice-Première ministre néerlandaise, citée par Euractiv.

Quelles normes pour l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu ?

Les explications : de l’hydrogène vert, mais aussi du bleu.

  • Les couleurs ne sont pas directement citées dans la lettre d’intention, mais les participants évoquent en réalité tant l’hydrogène vert (« renouvelable ») que l’hydrogène bleu (« bas-carbone »).
  • L’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau, avec une électricité issue d’une source d’énergie renouvelable, comme l’électricité solaire ou éolienne. C’est ce qui est généralement considéré comme l’hydrogène le plus durable, étant donné que sa production ne génère pas de gaz à effet de serre.
  • L’hydrogène bleu, lui, est produit à partir de gaz naturel ou de biométhane, par vaporeformage du méthane. Le procédé libère du dioxyde de carbone, mais celui-ci est censé être capté.
    • C’est en fait le même procédé que celui utilisé pour l’hydrogène gris, actuellement le plus produit et le plus utilisé à travers le monde. Sauf que le gris n’est pas accompagné d’un dispositif CCS (Carbon Capture and Storage). Et qu’il est donc considéré comme à proscrire pour mener à bien la transition.
    • L’hydrogène bleu paraît ainsi plus vertueux, mais il est lui aussi beaucoup critiqué. Certains considèrent qu’il ne serait qu’un leurre utilisé par les grands producteurs d’hydrogène gris pour maintenir les installations actuelles, auxquelles on adjoindrait des dispositifs de captage du CO2. Or, ces dispositifs sont très décriés, les industriels leur attribuant un potentiel jugé irréaliste.
      • L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a elle-même récemment tapé du poing sur la table. Les ambitions nourries autour du CCS seraient « tout à fait inconcevables ». « Une illusion que l’industrie doit abandonner », a résumé Fatih Birol.
  • Notons que l’hydrogène « bas-carbone » peut aussi désigner l’hydrogène rose ou jaune (la couleur utilisée n’est pas la même partout). C’est-à-dire l’hydrogène produit par électrolyse via de l’électricité d’origine nucléaire.

Il y aura des déçus

Conclusion : les enjeux sont énormes.

  • Quelle quantité maximale de CO2 pourra encore être libérée pour bénéficier de cette appellation ?
  • La dernière proposition de l’UE évoque une limite à 3,38 kg d’équivalent CO2 par kilo d’hydrogène. Or, alors que ce critère est déjà considéré comme trop laxiste par certaines ONG, d’autres pays (en dehors de l’UE) aimeraient fixer la barre encore plus haut.
  • Aussi, il s’agira de déterminer si l’hydrogène « bas-carbone » peut être produit via le nucléaire. La France est parvenue à faire passer cette acceptation à l’échelle de l’UE, reste à voir ce qu’il en sera au niveau mondial.

La norme autour de l’hydrogène vert sera, elle aussi, passée au peigne fin. Car si sa production est considérée comme non-émettrice de CO2, le produit n’est pas totalement neutre si l’on tient compte de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. La fabrication des éoliennes permettant d’en produire et des infrastructures facilitant leur transport est par exemple loin d’être « verte ».

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