Ce lundi, devant la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen, Christine Lagarde a parfaitement joué son rôle pour calmer l’emballement des investisseurs : « Ce n’est pas le moment de commencer à déclarer victoire » contre l’inflation, a lancé la présidente de la BCE. Alors que les taux devraient rester inchangés « suffisamment longtemps », la Banque centrale européenne réfléchit à amplifier son 2e outil pour lutter contre la hausse des prix : le resserrement quantitatif.
La BCE va-t-elle dégainer sa deuxième arme pour lutter contre l’inflation ?

Pourquoi est-ce important ?
Pour stimuler l'économie, les banques centrales utilisent une technique appelée "assouplissement quantitatif". Elles achètent des obligations d'État, injectant ainsi des liquidités dans l'économie. Si l'inflation demeure supérieure à l'objectif de 2 %, et que les banques centrales ne souhaitent pas augmenter davantage les taux, elles envisagent la démarche inverse : le "resserrement quantitatif". Les banques centrales vendent leurs actifs pour réduire la masse monétaire dans l'économie, dans l'espoir de freiner l'inflation.Dans l’actu : Christine Lagarde devant le Parlement européen.
- Il ne faut pas crier victoire trop vite, tel est le message que Christine Lagarde a adressé aux députés. Selon la présidente de la BCE, l’inflation reste entourée « d’une incertitude considérable ». « Nous devons rester attentifs aux différentes forces affectant l’inflation et fermement concentrés sur notre mandat de stabilité des prix », a-t-elle ajouté, dans des propos rassemblés par Reuters.
- Si l’inflation s’est affichée à 2,9% dans la zone euro en octobre, son point le plus bas depuis plus de deux ans, et qu’elle devrait poursuivre sa baisse en novembre, Lagarde n’exclut pas un reflux au premier semestre 2024. En Belgique, par exemple, l’inflation est attendue à 4% l’année prochaine, après avoir affiché 0,36% en octobre.
- La baisse de l’inflation est due en grande partie à la chute des prix de l’énergie. Mais la Française a cité la situation au Proche-Orient qui pourrait entrainer « des chocs liés à l’offre d’énergie », avec « des conséquences négatives à la fois sur la croissance et sur l’inflation à l’échelle mondiale ».
- En attendant, la première évaluation de l’inflation en zone euro pour le mois de novembre sera publiée ce jeudi.
Un jeu d’influence
L’essentiel : les taux devraient rester inchangés, place au resserrement quantitatif.
- Les derniers messages des gouverneurs des banques centrales sont pour le moins contradictoires. Début novembre, le Français François Villeroy de Galhau se montrait résolument optimiste, insistant sur le fait que « la hausse des taux, c’est fini ». Les investisseurs spéculaient déjà sur une baisse des taux qui, selon eux, pourrait intervenir au premier semestre 2024.
- Ce message a été tempéré par le président de la Bundesbank Joachim Nagel qui a prévenu que parler de cette baisse des taux était trop précoce. La « faucon » Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a même demandé à ne pas « fermer la porte à une nouvelle hausse » des taux d’intérêt.
- Dans ce jeu d’influence, l’intervention la plus intéressante est venue du président de la Banque centrale de Belgique, Pierre Wunsch, qui estime que la BCE doit resserrer davantage sa politique, non pas via une hausse des taux, mais par le resserrement quantitatif.
- Il veut mettre fin plus tôt que prévu aux achats d’obligations dans le cadre du programme d’achat d’urgence face à la pandémie (PEPP) de 1.700 milliards d’euros.
- Une suggestion à laquelle la présidente de la BCE s’est montrée ouverte lundi : « Il s’agit d’une question qui sera probablement discutée et examinée au sein du Conseil des gouverneurs dans un avenir assez proche, et nous réexaminerons éventuellement cette proposition. »
Un bilan à 7.000 milliards d’euros
Le contexte : rappelons que la BCE a fait grimper ses taux directeurs entre 4 et 4,75%. Le taux de dépôts, qui fait référence pour le crédit en zone euro, est lui passé de -0,5% à 4%, le plus haut taux depuis la création de la monnaie unique. Ce taux est vu comme suffisant pour refroidir l’économie et donc l’inflation. C’est Christine Lagarde en personne qui l’a déclaré, le 13 novembre dernier. En cas de reflux de l’inflation, la Banque centrale pourrait donc amplifier sa deuxième arme, en réduisant son bilan.
- Le total des actifs détenus par l’institution a déjà diminué de près de 2.000 milliards d’euros depuis son pic, et atteint désormais 7.000 milliards d’euros. Cela reste toutefois près de trois fois plus que le bilan total de départ, au début de l’existence de la BCE.