Paul Magnette et Georges-Louis Bouchez feront tout pour éviter une Vivaldi II, la question est de savoir s’ils auront le choix

Paul Magnette et Georges-Louis Bouchez feront tout pour éviter une Vivaldi II, la question est de savoir s’ils auront le choix
Paul Magnette -Georges-Louis Bouchez – Getty Images

Débat animé mais sans cacophonie cette fois, sur la RTBF, lors de l’émission Jeudi en Prime. Les deux présidents de parti s’opposent sur tout, aussi bien dans le style que dans la vision de la société. Un débat d’une trentaine de minutes qui explique pourquoi la Vivaldi a dû être un enfer pour le Premier ministre ces trois dernières années.

Dans l’actu : le premier débat pré-électoral entre les présidents des deux plus grands partis francophones.

Le détail : pourquoi avoir besoin d’une opposition, quand tout oppose déjà les deux plus importants protagonistes de la majorité ?

  • « Tout ce que j’ai entendu ce soir me donne encore davantage l’envie, si c’est possible, de faire un gouvernement sans le MR », a conclu Paul Magnette, président du PS, en fin de débat. Le président du MR, Georges Louis Bouchez, n’a certainement pas décliné cette offre : « Eh bien, pour une fois, je suis d’accord. Si on peut avoir le gouvernement le plus de centre-droit possible, ce sera mon premier choix. Je pense qu’il est plus sain d’avoir des gouvernements qui sont plus homogènes sur le plan philosophique, pour justement éviter les blocages. »
  • Pour le reste, tout oppose les deux présidents de parti. Au niveau de la sécurité, le MR plaide pour mieux utiliser l’argent, au lieu d’en « dépenser toujours plus ». Bouchez veut mettre l’accent sur les réformes, notamment de la magistrature, là où Paul Magnette tacle « le désinvestissement dans la police et la justice du gouvernement précédent, celui du MR-N-VA ». « L’austérité que pratiquent les gouvernements de droite, la première victime, ce sont souvent les politiques de sécurité », a ajouté le socialiste.
  • Sur la politique migratoire et en particulier les OQT (ordre de quitter le territoire), Bouchez estime « que c’est systématiquement le PS et Ecolo qui bloquent tout durcissement du droit pénal. »
    • « Ce n’est pas vrai. Je suis Bourgmestre de Charleroi, ma police arrête tous les jours des vendeurs de drogue dans la rue. Parmi eux, il y a un très grand nombre de personnes qui sont en séjour illégal. On les arrête, mais trop souvent, on les retrouve dans la rue le lendemain. Il faut donc mieux exercer les OQT. Quand Maggie De Block (Open VLD) était secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, j’ai très bien travaillé avec elle. Ensuite, cela a été beaucoup plus compliqué de travailler avec Theo Francken (N-VA). Mais je pense qu’il faut renforcer les OQT », a répondu Magnette.
    • Bouchez a réagi avec une pointe d’ironie : « C’est magnifique ce qui est en train de se passer ici. D’ailleurs, les OQT n’ont jamais été autant exécutés que sous Theo Francken et le gouvernement MR-N-VA. »
    • Et d’ajouter sur les moyens supplémentaires alloués à la justice et à la police par la Vivaldi, en début de législature : « Ce n’est pas la preuve qu’il y avait un manque de moyens. C’est la preuve que c’est la réponse facile en politique. Dès qu’on a un problème, on remet de l’argent, et on estime que ça ira mieux. On ne veut pas regarder les vrais problèmes. Le problème est que la police arrête 15 fois la même personne, le problème est qu’il y a 120.000 personnes en situation irrégulière que vous souhaitez, vous, Paul Magnette, régulariser. »
    • Pourquoi ne pas avoir agi précédemment ? « Quand Theo Francken a voulu durcir la législation, nous avons eu toutes les associations de gauche bienpensantes contre nous. Dois-je rappeler les épisodes en 2015, 2016 et 2017, où à chaque fois, Francken était comparé à un nazi. Mais si on avait appliqué les mesures du gouvernement de Charles Michel, nous aurions peut-être pu éviter certains problèmes de sécurité. »
  • Les dépenses publiques ont ensuite ressurgi dans le débat : Bouchez a rappelé que « 55% du PIB belge était destiné aux politiques publiques. 300 milliards d’euros. Et pourtant, quand vous demandez aux citoyens, ils vous disent que les routes sont au mauvais état, que les écoles ne sont pas du tout performantes, que la justice est trop lente, que les policiers sont trop peu nombreux… il part où l’argent ? Est-ce que vous ne croyez pas qu’à un moment donné, cet État est trop inefficace ? L’argent ne règle pas tout, monsieur Magnette. Finalement, vous êtes plus capitaliste que moi.« 
  • Magnette embraye sur un refrain bien connu : « Vous me demandez où va l’argent. Le problème en Belgique est que nous avons une fraude fiscale monumentale. On fait des cadeaux monumentaux en cotisations sociales aux entreprises qui ne produisent aucun emploi. Ça, ce sont des dépenses extrêmement inefficaces. Celles-là, je veux bien les réformer. »
  • Sur la réforme fiscale, justement, l’un des plus grands échecs de la Vivaldi, les deux présidents ont usé des poncifs habituels. Magnette accuse le MR d’avoir défendu « les grandes entreprises et les grands détenteurs du capital » au détriment des petits et moyens salaires.
  • Bouchez a reconnu volontiers avoir bloqué cette réforme fiscale qui était selon lui « un tax shift » et pas « un tax down » : une baisse de l’assiette fiscale « compensée par un taux d’emploi plus élevé ». Et de conclure : « En Belgique, il n’y a que l’air qui n’est pas taxé. »

L’essentiel : PS et MR ne veulent pas gouverner ensemble, mais auront-ils le choix ?

  • Sur la forme, le débat a été très tendu. On sent une animosité entre deux présidents partis que tout oppose. Ce débat a été toutefois de meilleure tenue que la confrontation précédente, totalement inaudible. Il faut reconnaître, malgré tous les reproches qui lui sont faits, y compris au sein de sa formation politique, que Georges-Louis Bouchez est un excellent débatteur. C’est un exercice dans lequel le Montois est très à l’aise. Il aura sans doute recouvré auprès de ses électeurs du crédit pour mener campagne.
  • Paul Magnette, plus théoricien que gladiateur, a semblé par moment plus nerveux, multipliant les attaques directes. Il a été particulièrement sur la défensive sur la partie liée au conflit au Proche-Orient. Il faut dire que plusieurs mandataires étiquetés socialistes ont fait des sorties à tout le moins maladroites sur Israël. Cette situation a mené Paul Magnette à commettre la gaffe de ne pas reconnaitre Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, comme membre de son parti.
  • Sur le fond, Paul Magnette fera donc tout pour éviter une coalition avec le MR. Au fédéral, il restera à voir si PS et MR auront le choix. Car même si l’arithmétique le permet, et que le MR et la N-VA ont beaucoup de points communs (nucléaire, politique migratoire, dépenses publiques…), il reste un obstacle, et il semble infranchissable : les réformes institutionnelles. Il n’y a pas plus belgicain que Bouchez. Tout l’opposé de Bart De Wever, qui préfèrerait s’entendre avec les socialistes sur ce volet. Car dans la tête du président de la N-VA, le PS est le parti dominant qui peut lui faire atteindre son plus grand objectif : un État confédéral. Il semble peu probable, à ce stade, que la N-VA s’embarque dans une nouvelle aventure gouvernementale, en laissant de côté son programme institutionnel.
  • De l’autre côté, il est frappant de voir à quel point tout le monde refuse ouvertement la reconduction de la Vivaldi, mis à part le Premier ministre Alexander De Croo. Aucun président flamand de la majorité ne privilégie plus cette option. Cela en dit long sur le taux de popularité de cette coalition.
  • Le rêve de Paul Magnette serait de prendre la tête d’un gouvernement similaire, mais en remplaçant le MR par le cdH. Au vu des derniers sondages, cette option reste exclue au niveau comptable. La montée des extrêmes ne fait que rapprocher les meilleurs ennemis du monde.
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07:00