Dans le secteur photovoltaïque, l’Europe dépend beaucoup de la Chine. Et si elle n’arrive pas à empêcher les panneaux solaires chinois d’inonder son marché, elle pourrait au moins espérer que ces entreprises viennent les fabriquer chez elle. Mais même cela semble impossible : « Les USA ont battu l’Europe 5-0 ».
« On va s’implanter aux USA, mais pas en Europe » : les géants chinois du photovoltaïque expliquent pourquoi l’UE est à la ramasse

Pourquoi est-ce important ?
Quelle que soit la matière, être dépendant d'une puissance étrangère est risqué. L'Europe l'a vécu à ses dépens avec le gaz russe. Or, au niveau du photovoltaïque, censé être un des piliers de sa transition verte, l'UE se repose en majeure partie sur la Chine. Un problème insoluble ?Dans l’actu : les géants chinois du solaire torpillent l’UE.
- À l’occasion d’un forum sur l’énergie solaire organisé en Espagne, des représentants de plusieurs leaders chinois (et donc mondiaux) du photovoltaïque ont dézingué la politique européenne.
Les intervenants : du lourd.
- Avant de relayer leurs propos, brève présentation de quelques-uns des protagonistes du forum.
- Le premier se nomme Gonzalo de la Viña. Il gère les intérêts de la firme chinoise Trina Solar en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. L’entreprise fabrique principalement ses modules solaires en Chine avant de les expédier partout dans le monde, y compris en Europe.
- La deuxième est Luz Ma. Elle est à la tête de Chint-Astronergy. Basée elle aussi en Chine, cette société fabrique ses panneaux sur son territoire et dans quelques pays d’Asie du Sud-est. Elle les expédie ensuite aux quatre coins du globe.
- Le troisième est Christopher Atassi. Il est l’un des principaux dirigeants de Gonvarri Solar Steel. Cette entreprise espagnole est surtout connue pour ses trackers solaires. Elle a des usines en Europe, mais aussi en Chine.
« Fabriquer des panneaux en Europe n’est pas du tout rentable »
En détail : qu’ont-ils dit ?
- Interrogé sur la possibilité de voir les entreprises chinoises ouvrir des usines sur le sol européen, de la Viña a répondu que ce n’était « pas faisable », relaie Energias Renovables. Selon lui, ce n’est « pas du tout rentable ». « Nous ne connaissons aucun projet commercial ici – et nous en connaissons quelques-uns – qui soit viable à l’heure actuelle », a ajouté le représentant de Trina Solar.
- De la Viña a expliqué avoir rencontré le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck. Ce dernier voulait pousser Trina Solar à s’implanter en Allemagne. Mais « il a pris peur lorsqu’il a vu le besoin d’espace qu’impliquerait la construction d’une nouvelle usine ».
- Les différents intervenants ont pointé plusieurs problèmes européens du doigt, rapporte Reuters : la main-d’œuvre, les coûts de l’énergie et le manque de chaines d’approvisionnement compétitives.
- Mis bout à bout, ces obstacles rendent les panneaux fabriqués en Europe au moins un tiers plus chers que ceux produits en Chine, selon un calcul réalisé cet été par la société de recherche norvégienne Rystad.
Pourquoi les panneaux solaires chinois sont-ils si attractifs ?
Et maintenant : que peut faire l’Europe ?
- On comprend que le chemin que doit parcourir l’Europe pour rattraper son retard est long. Parmi les options évoquées, il y a les aides financières que l’on pourrait apporter aux acteurs produisant sur le sol européen. Insuffisant, assurent les géants chinois.
- « Les aides, les subventions, ne suffisent pas », a commenté Luz Ma. « Car après avoir créé une usine, les entreprises doivent vendre les produits que nous fabriquons. »
- Des propos corroborés par Atassi : « Il doit y avoir une incitation pour que le client final achète des produits européens ». « Sans demande pour les produits européens, il est difficile de planifier des investissements », a-t-il ajouté.
- Car selon eux, rendre les produits made in Europe plus attractifs ne passera pas que par une baisse des coûts. Il s’agirait en fait surtout d’améliorer leur qualité.
- « La Chine a fait ce que l’Europe ne voulait pas faire. Il y a 15 ans, nous fabriquions pour un problème fondamental : une main-d’œuvre bon marché. Mais aujourd’hui, nous sommes connus pour notre propre technologie et notre capacité de production », a avancé Luz Ma.
- « L’Europe ne gagnera la bataille que si elle fait des choses que les autres ne font pas », a-t-elle expliqué. « Parce qu’elle n’a pas perdu sur le plan de la capacité industrielle, mais au niveau de la R&D, de l’ingénierie et de la formation. »
- Miser sur le pérovskite serait une bonne idée, par exemple.
« Les USA ont battu l’Europe 5-0 »
L’autre défi : lutter face aux États-Unis.
- De son côté, l’UE songe avant tout à imposer des frais de douane sur les importations de matériaux utilisés dans la production d’énergie solaire. Critiquée par le groupe industriel SolarPower Europe il y a quelques jours, l’idée a également été rejetée (forcément) par les intervenants du forum.
- « Ce que nous devons faire, c’est rechercher des moyens de collaboration internationale », a proposé Luz Ma. Osé.
- En plus de devoir se coltiner une concurrence chinoise qui semble irrattrapable, l’Europe doit à présent aussi se battre face aux USA. Selon de la Viña, ce sont d’ailleurs désormais eux les principaux rivaux du Vieux continent. En déployant l’Inflation Reduction Act (IRA), Joe Biden a marqué un grand coup.
- « Leurs incitations fiscales et leurs aides y sont bien plus importantes qu’en Europe », a noté le représentant de Trina Solar.
- Et Atassi d’ajouter : « Le modèle américain a battu l’Europe de cinq à zéro ».
- Leurs propos se confirment par certaines décisions récentes. Ainsi, Trina Solar prévoit d’investir 200 millions de dollars dans une usine de panneaux solaires au Texas. C’est la première fois qu’elle s’implantera hors d’Asie. À cause de l’IRA, ce ne sera donc pas en Europe.