Aucune entreprise n’est éternelle, pas même les plus célèbres. Voici 8 grandes marques qui ont cessé leurs activités ou qui vont bientôt disparaître.
Mauvaise gestion, produits obsolètes, virage manqué, concurrence agressive… Autant de raisons qui peuvent expliquer le déclin d’une grande marque. Elles ont dominé leur secteur pendant des années voire des décennies mais ont fini par trembler, puis s’écrouler. Voici dix cas emblématiques dans le monde et chez nous.
Ces marques qui ont complètement disparu
1. Rover
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Rover était une marque automobile britannique, fondée en 1877 par James Starley et Josiah Turner. Deux partenaires qui ont commencé leur activité avec les premières bicyclettes dites « à sécurité », c’est-à-dire avec deux roues de diamètre identique et une chaîne qui fait tourner la roue arrière. Un tournant s’opère au sein de l’entreprise au tout début du 20e siècle: Rover va se tourner définitivement vers l’automobile; dont la production explose avec le Fordisme.
Rapidement, l’entreprise s’est spécialisée dans la création de voitures de luxe ou de grosses berlines. Si, pendant la Seconde Guerre mondiale, Rover donne un petit coup de main au gouvernement en transformant temporairement ses usines en usines d’armement, c’est en 1947 que la marque réussit son plus beau coup: le lancement de la gamme Land Rover.
Mais pour le reste, les chiffres ne sont pas bons. Seul sursaut, le rachat de la gamme Mini qui appartenait auparavant à la marque Austin (1906-1988). Mais BMW, dans sa volonté de devenir une marque plus généraliste, rachète Rover et ses acquisitions pour développer la Rover 75 qui sort en 1998. Après six années infructueuses, BMW jette l’éponge et revend la société à quatre industriels, tout en gardant sous son contrôle les droits de la Mini. Un nouveau modèle sortira d’ailleurs en 2001. L’année précédente, la gamme tout-terrain Land Rover et les modèles de Range Rover sont cédées à Ford. Le groupe est petit à petit vidé de sa substance.
Aujourd’hui, c’est la toute puissante société indienne Tata Motors qui possède les droits de la marque Rover, nom qu’elle n’a pas encore remis au goût du jour. Le géant automobile a toutefois maintenu la production des Land Rover après un rachat à BMW en 2008.
2. Compaq
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La société Compaq est née aux États-Unis en 1982. Elle est la création de trois anciens ingénieurs de chez Texas Instruments (spécialisée dans les calculettes). Très vite, l’entreprise spécialisée dans le commerce d’ordinateurs bat des records. Dès 1984, Compaq annonce un chiffre d’affaires de 111,2 millions de dollars, un record dans l’industrie américaine. Le Deskpro est leur fer-de-lance. En 1986, le 500.000e micro-ordinateur est produit. L’année suivante, ils doublent carrément ce chiffre.
Quand apparaissent les premiers PC (personnal computer) et les premiers portables à prix réduit, Compaq ne manque pas ce virage. En novembre 1994, l’entreprise devient respectivement leader sur le marché européen et n°1 mondial quelques mois plus tard en termes de vente de PC. C’est aussi la première marque à proposer Windows 95, ce qui constitue aussi un tournant chez Microsoft. En parallèle, Compaq développe de puissants serveurs.
Mais à partir de la seconde partie des années 90, Compaq souffre de la concurrence de Dell. La bulle internet aura fait le reste. Lorsqu’elle explose à la fin des années 90, elle touchera tous les secteurs mais avec des conséquences inégales.
En 2001, son concurrent Hewlett-Packard rachète l’entreprise pour 25 milliards de dollars (21 milliards d’euros). Compaq n’est plus. Mais ce n’est que le début des ennuis. La fusion provoque une réduction d’effectif de 15.000 employés à travers le monde. Après plusieurs rachats pour tenter de se diversifier, HP doit procéder à la suppression de 9.000 autres postes en 2010. En 2012, l’entreprise annonce une autre réduction de 27.000 employés et une perte de 12,6 milliards de dollars. Lenovo lui pique sa place en tête des ventes de PC.
La saignée continue: en 2014, ce sont entre 11.000 et 16.000 personnes qui s’ajoutent aux 34.000 licenciements déjà annoncés. En 2015: 25 à 30.000 postes sont annoncés. Le géant n’est plus. L’entreprise annonce sa scission en deux groupes: HP Inc. pour les impressions et Hewlett-Packard Enterprise pour le reste des activités (fabrication PC, serveurs, Wi-Fi). Si dans le secteur informatique HP reste classé au 2e rang derrière Apple en 2017 (Lenovo, 3e), la chute est plus importante au niveau des produits électroniques grand public (9e rang mondial).
3. Sabena
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La Sabena, ou Société Anonyme Belge d’Exploitation de la Navigation Aérienne, était la compagnie aérienne nationale belge. Née en 1927, elle paraissait éternelle. On connaît la suite. La compagnie dépose le bilan en 2001.
Reste que la Sabena était une des plus vieilles compagnies aériennes au monde derrière KLM et Avianca (1919). Dès le début, elle fait des vols vers l’Afrique sa spécialité. Vers le Congo d’abord, ancienne colonie belge, mais aussi vers Paris et Londres. Mais petit à petit, la compagnie aérienne s’élargit à d’autres continents. Seul le continent asiatique est quelque peu délaissé avec des liaisons vers Tokyo et l’Inde. La Sabena décide de renforcer son encrage en Afrique vers Léopoldville, Dakar, Entebbe, Douala ou encore Kano. La compagnie se rend même jusqu’à Madagascar.
Reste que la compagnie n’a jamais été une entreprise réellement rentable. En 1995, sous la houlette du ministre des Transports de l’époque, Elio Di Rupo (PS), l’État belge cède 49,5% du capital à un actionnaire privé.
S’en suivent coupes budgétaires et licenciements, afin de redresser la barre. Mais rien n’y fait: l’entreprise est incapable de payer ses dettes. La compagnie tombe en faillite le 7 novembre 2001. De ses cendres renaît la compagnie SN Brussels Airlines, mise en place en 2002, puis Brussels Airlines suite à sa fusion avec le groupe Virgin. La compagnie dessert aujourd’hui 90 destinations sur quatre continents.
Mais tout n’est pas rose pour autant: Lufthansa rachète 45% de la compagnie en 2009 puis l’entièreté des parts en septembre 2016. S’en suivent plusieurs grèves, l’avenir de la compagnie et son identité sont remises en cause. Une partie importante des pilotes francophones décident de postuler dans d’autres compagnies, chez Air France principalement. Ils ont peur que leur compagnie se transforme en une compagnie low cost.
Bamboula/Banania
- 4. Bamboula
Bamboula et Banana sont deux marques au même parcours. On ne doit pas leur fin pour cause de mauvaises ventes ou d’un quelconque rachat par une autre entreprise, mais bien pour leur conation raciste. Ce qui était accepté par la société des années 80 ne l’est plus aujourd’hui, et heureusement dans ces deux cas-ci. Les deux produits véhiculant bon nombre de clichés.
Commençons par la marque Bamboula, de la biscuiterie Saint Michel. Il s’agit de biscuits sablés nappés de chocolat. Ils débarquent en 1987 sur des millions d’écrans de télévision. On y voit un petit personnage avec une tenue léopard et un anneau à l’oreille. L’artiste derrière le dessin a créé tout un imaginaire autour du petit Bamboula bourré de clichés et à découvrir à l’intérieur des boîtes. Bamboula a même eu droit à un 45 tours et à un jeu de société, un véritable phénomène qui s’est immiscé dans la jeunesse française et belge.
Autocollants, pin’s, magnets, habits, réveil, montre… il y en avait pour tous les goûts. On pensait avoir tout vu quand Saint Michel a décidé d’investir dans un parc à thème zoologique nommé « Safari Parc », et situé à 30km de Nantes. Dans le « village de Bamboula », son nouveau petit nom, on pouvait observer 25 hommes, femmes et enfants venus tout droit de Côte d’Ivoire. Artisanat, danse et art de vivre… tout un programme. Et si les températures le permettaient, ils étaient dans l’obligation de se mettre torse nu, femmes comprises.
Ce fut (enfin) le début de la polémique. De nombreuses plaintes furent déposées, contraignant Saint Michel à fermer son parc sept mois après son ouverture. Ce parc aux relents colonialistes a été la goutte qui a fait déborder le vase. Un « scandale Bambula plus tard », Saint Michel a été d’enlever ses biscuits du marché. On les retrouve maintenant sous le nom de Sablé de Retz, mais sans chocolat cette fois.
- 5. Banania
Avant Bamboula, il y avait les pubs Banania et son personnage emblématique L’ami Y’a bon. Dessiné en 1915, il a traversé les époques portant avec lui son lot de clichés sur l’Afrique et les Antilles françaises. Banania était une marque de chocolat en poudre. Son personnage a disparu des emballages définitivement en 2011. Entre temps, de nombreuses plaintes et polémiques ont jonché son existence.Ce personnage était reconnaissable grâce à son fez rouge et son pompon bleu, librement inspiré des tirailleurs sénégalais.
Son corps disparaît petit à petit des emballages, pour ne laisser que la tête et la main, le corps n’étant plus que l’assemblage de deux bananes. Banania a traversé le temps: en 1950, l’entreprise vendait 5.000 tonnes de Banania par an. En 1970, la production atteint 10.000 tonnes mais elle perd du terrain par rapport à ses nouveaux concurrents Nesquik et Poulain.
La marque est successivement rachetée par le groupe pharmaceutique Midy, la marque Bestfoods et ensuite Unilever. C’est le début de la fin pour le chocolat en poudre. Ces grands groupes internationaux ne font pas du produit une priorité car trop concentrés sur le marché français. C’est aussi l’heure des procès contre une marque qui renvoie au contexte colonialiste français, à la représentation des Noirs et au passé militaire.
Finalement en 2006, un accord tombe et le slogan (Y’a bon) de la marque est retiré de tous les produits Banania. En 2011, on n’en retrouvera plus aucune trace sur les emballages. Aujourd’hui, le produit existe toujours mais le slogan semble mieux adapté: « Le bon petit déjeuner équilibré ». Quoique, c’est encore à prouver!
- Ces marques sont sur le point de disparaître
6. Kodak
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Fondée en 1881 par George Eastman aux États-Unis, la société Kodak a dominé le marché de la photographie pendant des décennies avant de tomber en faillite. Si l’entreprise n’a pas totalement disparu, cela pourrait devenir une réalité dans les prochains jours. Une action Kodak vaut aujourd’hui moins de 1 dollar. La marque a perdu vendredi 90% de sa valeur.
Au milieu des années 60, Kodak employait pas moins de 80.000 personnes das le monde. Mais la transition vers le numérique est difficile. Les marques étrangères, notamment japonaises (Nikon, Canon…), débarquent en masse sur le marché. Le développement de photo appartient au passé. La marque tente un virage vers la photographie et le cinéma numérique, sans grand succès. En 2012, Kodak est menacé de faillite.
Le 19 janvier 2012, Kodak dépose effectivement le bilan. L’entreprise ne compte plus que 17.000 salariés. Pour s’en sortir le groupe vend des brevets, notamment à Google et Apple. Fin 2013, Kodak prend un nouveau statut et change de conseil d’administration. La compagnie est de nouveau cotée en bourse. Après un regain à 35 dollars l’action, elle retombe à 3 dollars en 2017.
En janvier 2018, on croit l’entreprise repartie sur de bons rails. Kodak surprend tout le monde en lançant sa propre cryptomonnaie, le KodakCoin. La nouvelle suscite l’enthousiasme des marchés financiers qui portent le titre aux nues, la valeur triple en trois jours. Avant de connaître la chute de ces derniers jours. Ce n’est qu’une question de temps avant que Kodak ne disparaisse complètement.
7. Nokia
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Nokia est une très vieille entreprise fondée en 1865 par Frerik Idestam en Finlande. À l’origine, productrice de papiers, l’entreprise s’est très vite diversifiée dans différents secteurs: le caoutchouc, l’industrie des câbles, et plus tard, les téléviseurs et les micro-ordinateurs.
Ce n’est qu’en 1992, que Nokia se débarrasse de toutes ses activités pour se recentrer uniquement sur la téléphonie mobile, qui n’est qu’au début de son ère. En cassant les prix pour donner la possibilité à chacun de posséder un téléphone portable, Nokia devient le premier constructeur mondial. On est en 1998.Le 3210 et le 3310 sont deux énormes succès: ils sont vendus respectivement à 160 et 126 millions d’exemplaires à travers le monde. C’est l’apogée du groupe Nokia mais aussi le début de la fin. Ses concurrents s’adaptent et font une entrée fracassante sur le marché.
À commencer par Apple qui lance son iPhone en 2007. Plutôt que de suivre la tendance des smartphones haut de gamme, Nokia manque le virage et continue à proposer des téléphones portables low cost. Une stratégie perdante sur le long terme. Si en 2008, Nokia reste le principal producteur de téléphones en nombre, ses chiffres sont de moins en moins bons. Le coréen Samsung aura vite fait de dépasser son concurrent.
Après avoir racheté Siemens, Nokia rachète Motorola (2010), mais c’est une autre association qui inquiète les marchés. Un haut responsable de Microsoft débarque en tant que PDG de l’entreprise. « Un cheval de Troie » pour les investisseurs. L’entreprise mise sur le système d’exploitation Windows Phone plutôt que l’Android de Google, encore un mauvais choix. En 2011, Nokia se sépare de 4.000 personnes et de 3.000 sous-traitants. Mais pour la 14e année consécutive, Nokia est toujours le leader mondial de la téléphonie mobile.
Si le déclin a déjà débuté, il est effectif à partir de 2012. Nokia perd d’abord 19,9% de parts de marché puis 14% en 2013. En 2016, malgré des tentatives de rachat tous azimuts (Alcatel, Panasonic, Here), Nokia doit se séparer de près de 15.000 personnes.
Mais le groupe y croit toujours. Il relance plusieurs smartphones dont le 3310 et espère réussir un grand coup aux allures de nostalgie. C’est un flop. Depuis, le groupe connaît les pires difficultés à remonter la pente. Qui possède encore un Nokia aujourd’hui en dehors d’un collectionneur?
La disparition du groupe paraît de plus en plus inévitable.
8. Yahoo
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Au départ, Yahoo! est un simple annuaire Web créé en 1994. En l’espace de dix ans, cette société américaine va dominer Internet pour devenir le site le plus visité au monde. En octobre 2004, le réseau des sites Yahoo! a servi plus de 3 milliards de pages par jour. L’entreprise était sur tous les terrains: à la fois moteur de recherche, boîte de courriers électroniques, messagerie instantanée et plate-forme d’hébergement.
En 1996, Yahoo! débarque en France et devient en l’espace d’un mois la destination préférée des internautes français, dépassant son concurrent, l’annuaire Nomade. À la fin des années 90, Yahoo! fait partie de ses jeunes startups devenues célèbres grâce à une capitalisation boursière fulgurante, en compagnie d’Amazon, EBay ou encore AOL. Cette ascension créée par la bulle spéculative Internet, sans équivalent dans l’histoire, va finir en krach, un phénomène qui touche aussi des petites sociétés de biotechnologie.
Yahoo! survit et se transforme en véritable portail. Outre sa boîte mail et son moteur de recherche, Yahoo! fait place aussi à l’info provenant de la presse traditionnelle. Bientôt, la domination deviendra mondiale. Yahoo! étend ses activités à toute l’Europe mais aussi à l’Asie et l’Amérique du Sud.
En 2005, une nouvelle étape est franchie quand Yahoo! décide de s’associer à Microsoft dans le cadre de la messagerie instantanée Messenger. En appétit, Microsoft propose 44 milliards pour racheter son nouveau partenaire. Yahoo! refuse. L’offre est jugée insuffisante. Les deux entreprises continuent toutefois à entretenir des partenariats.
Yahoo! à son tour décide de diversifier ses activités. Après un échec du rachat de la plate-forme vidéo Dailymotion, l’entreprise se rue sur Trumblr, plate-forme de microblogage. Yahoo vise un public jeune (15-24 ans).
S’en suit une période très difficile pour le groupe. Plusieurs têtes tombent au sommet de la hiérarchie. Les chiffres ne sont pas bons. En 2014, Yahoo! France réalise un chiffre d’affaires de 28 millions d’euros, soit 51,37% de moins qu’en 2013. Sur l’année 2015, le groupe dans son entièreté accuse une perte nette de 4,4 milliards de dollars (3,77 milliards d’euros), contre un bénéfice de 7 milliards en 2014. L’action perd presque la moitié de sa valeur entre 2015 et 2016.
La suite est inévitable: Yahoo! annonce la suppression de 1.700 postes en février 2016. Elle s’ajoute aux 1.800 suppressions de 2015. Plusieurs plans de restructuration se succèdent, sans réelle avancée. C’est l’heure de la vente du groupe. Yahoo passe chez Verizon pour 4,8 milliards de dollars. À cette crise s’ajoute le piratage de la plate-forme: quelque 500 millions de comptes sont piratés, soit la moitié de ses utilisateurs. Adresse électronique, nom, numéro de téléphone et date de naissance sont ainsi dérobés.
2017, le navigateur Firefox, qui avait fait du moteur de recherche Yahoo sa page par défaut, annonce une rupture de partenariat. Alors que l’accord courait jusque 2019. La dégringolade se poursuit en 2018, Yahoo dit stop à son application Messenger. WhatsApp, Facebook Messenger et autre Snapchat ont pris le dessus. Ou quand une startup en remplace une autre au sommet de la hiérarchie. Si bien qu’aujourd’hui, de nombreux observateurs se demandent quand Yahoo va disparaître.