Unity change les règles du jeu et provoque la panique (et la colère) chez les développeurs de jeux vidéo : qu’est-ce qu’il s’est passé ?

La nouvelle est quelque peu passée inaperçue auprès des non-initiées ou simplement de ceux et celles qui étaient déjà occupés à suivre la keynote d’Apple et l’annonce de l’iPhone 15, mais la décision qu’a prise la société à l’origine du moteur de jeu Unity a provoqué, ce mardi 12 septembre, une véritable vague de panique chez les créateurs de jeux vidéo.

L’actualité : Unity Technologies a modifié les conditions d’utilisation de son moteur de jeu. À compter du 1er janvier 2024, chaque installation d’un jeu reposant sur son outil sera facturée aux développeurs.

  • Une modification qui n’a pas l’air comme ça, mais qui signifiera la faillite pour la plupart des studios concernés.
  • Et bien que la société a fait une légère marche arrière face à la levée de boucliers, le mal est déjà fait.

Contexte : Unity est l’un des moteurs de jeu vidéo les plus populaires au monde. Même si vous n’êtes pas un « gamer » pur et dur, vous avez certainement déjà joué à des jeux créés avec Unity. Il n’y a qu’à citer Pokémon Go, mais aussi Among Us, Cuphead, Hollow Knight ou encore The Blind Forest.

  • De « petits » jeux en comparaison de titres tels que The Last of Us, Final Fantasy ou encore Diablo, mais qui ont connu d’importants succès.
  • Ce ne sont évidemment pas les seuls. Pléthore de jeux indépendants créés à l’aide d’Unity se retrouvent entre les mains de milliers voire de millions de joueurs à travers le monde.
  • Le fait est que l’outil de création qu’est Unity est facile à prendre en main, il est donc très populaire auprès des développeurs indépendants et amateurs.

Concrètement : les développeurs dont les jeux ont été créés avec Unity et qui ont passé un certain seuil de téléchargement et de rentabilité devront payer des « frais d’installation ».

  • Un studio qui a utilisé Unity Personal ou Plus devra payer 0,20 $ pour chaque nouvelle installation à compter du moment où son jeu a généré plus de 200.000 $ au cours des 12 derniers mois et qu’il a été téléchargé plus de 200.000 fois depuis son lancement.
  • Les paliers augmentent avec Unity Pro et Entreprise.

Ainsi, comme l’a calculé le développeur indépendant Rune Skovbo Johansen, si un jeu développé avec Unity atteint 4 millions et plus de téléchargements, son créateur devra reverser la totalité de son chiffre d’affaires – voire plus – à Unity Technologies.

La société Unity Technologies se défend

Derrière ce changement de politique se cache une volonté à peine voilée de profiter du succès des jeux qui ont vu le jour grâce à ses outils. Pourtant, sur Twitter (X), l’entreprise se défend :

  • « Cette taxe n’affectera pas la majorité de nos développeurs. Les studios concernés sont ceux qui ont des jeux à succès et génèrent des revenus bien au-delà des paliers que nous avons établis. Cela signifie que les développeurs qui sont toujours en train de construire leur business et de bâtir leur communauté ne payeront rien », assure Unity Technologies.

La société a réévalué ses conditions et a décrit au site Axios dans quelles proportions :

  • Ainsi, seules les premières installations seront finalement comptabilisées. Au préalable, il était question de prendre également en compte les réinstallations par les joueurs.
    • À noter que s’ils réinstallent le jeu sur une autre machine, cela sera considéré comme une première installation.
    • Dans sa FAQ, la première version est toujours visible au moment d’écrire ces lignes.
  • Unity Technologies a finalement décidé d’exclure des comptes les démos et jeux disponibles dans les bundles de charités.
  • Concernant les jeux téléchargés via les systèmes d’abonnement tels que le Xbox Game Pass, la société a précisé que la taxe sera facturée aux fournisseurs du service.

Il faut dire que la société s’est retrouvée face à un retour de flamme qu’elle n’avait sans doute pas anticipé, du moins pas dans ces proportions :

  • Le fait est qu’Unity n’est pas le seul moteur de jeu. Il en existe plein d’autres, dont Unreal Engine, Godot ou GameMaker.
  • Et plusieurs développeurs ont déjà annoncé vouloir passer à la concurrence, quitte à retarder la sortie de leur jeu en développement.
  • D’autres ont menacé de retirer purement et simplement leurs jeux du commerce à compter de la date d’entrée en vigueur des nouvelles conditions.

Le mal est fait

Si Unity s’est ravisé sur certains aspects, la claque que se sont prise les développeurs indépendants fait encore mal. D’ailleurs beaucoup de problèmes persistent.

  • Notamment concernant la manière dont Unity prévoit de comptabiliser les installations. Comment peut-elle assurer qu’elle respectera la confidentialité de tous ?
  • Et vis-à-vis des jeux partagés ou piratés ? Les développeurs seront-ils aussi facturés dans ces cas-là ?
  • Comment va-t-elle faire la différence entre un jeu téléchargé dans un cadre exempté (bundle caritatif) d’un autre ?
  • Le pompon est certainement le fait que la société veut également comptabiliser chaque accès par utilisateur à un jeu en ligne tournant sur un navigateur comme une installation…

Au-delà de tous ces problèmes, la philosophie même d’Unity va à l’encontre de ce vers quoi l’industrie tend à se diriger, à savoir des jeux vidéo gratuits ou intégrés à un système d’abonnement. Dans tous les cas, la confiance est irrémédiablement rompue entre les développeurs et le moteur de jeu.

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