Un village philippin interdit les commérages

Aux Philippines, la municipalité du village Binalonan a décidé d’interdire la diffusion de commérages, rapporte James Hoockway, correspondant pour l’Asie du Wall Street Journal. Pour Ramon Guico, le maire de la localité, cette mesure est censée garantir une vie commune harmonieuse dans le village.

Selon le maire, c’est surtout en été que les commérages ont lieu. « La chaleur pousse les personnes à s’installer sous les branches des acacias centenaires. C’est comme cela que ça commence.”

Addiction au jeu et dettes

« Les ragots ont principalement pour objet les addictions au jeu ou les dettes », affirme Guico. « Les commérages sont une perte de temps. La population pourrait quand même faire quelque chose de plus intéressant. »

A Binalonan, le quartier de Moreno a été le premier à mettre en place en 2017 un arrêté anti-commérages. La responsable de quartier Jovelyn Manaois traite les plaintes des habitants. En collaboration avec le conseil du quartier, elle détermine la sanction à appliquer pour la diffusion de rumeurs en public.

La première infraction est sanctionnée par une amende de 500 pesos (environ 10 dollars). Les personnes coupables d’avoir propagé des rumeurs doivent également collecter les poubelles durant une matinée. Selon Manaois, le conseil n’a jamais dû faire comparaître quelqu’un une deuxième fois. Personne ne veut en effet être considéré comme un colporteur des commérages, souligne-t-elle.

Lutter contre les rumeurs n’est cependant pas si simple. Il y a sept ans, un collège privé d’Atlanta a mis en place un programme anti-commérages. Selon la direction, les rumeurs affectent la productivité, le moral et le bien-être de tous.

Un employé n’ayant pas respecté cette interdiction a décidé de poursuivre le collège en justice. L’employé avait alors expliqué qu’il n’avait fait que des commentaires sur la politique de l’établissement en matière d’embauches et de licenciements. Le juge s’était prononcé en faveur du plaignant.

Liberté d’expression

Les représentants municipaux de Binalonan tiennent cependant bon. Selon les autorités provinciales, cette interdiction ne va pas à l’encontre de la liberté d’expression. En outre, les autorités estiment que cette interdiction protège la population contre la calomnie. Le conseil de quartier a expliqué qu’il suivait l’exemple de pays tels que la Grande-Bretagne, l’Allemagne, Singapour et la Malaisie qui prennent des mesures afin de supprimer les fake news et la désinformation sur Internet.

Cependant, selon les critiques, les personnes inculpées ne se rendent pas forcément compte qu’elles diffusent des ragots. « Ces personnes pensent sans doute que les informations qu’elles entendent sont vraies. Certaines personnes affirment également que ce ne sont pas elles qui ont commencé à diffuser des informations malveillantes. »

Selon Manaois, la propagation de rumeurs est cependant suffisante pour entraîner une sanction.

Le maire Guico souligne que cette interdiction fait partie d’un projet plus large destiné à améliorer la qualité de vie de la ville. Après 22 heures, les karaokés sont désormais également interdits.

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