Thomas Piketty face aux députés belges: ‘La taxe sur les comptes-titres ne va pas rapporter grand-chose’

Le célèbre économiste français Thomas Piketty, professeur à l’École d’économie de Paris, s’est exprimé, à distance, devant la commission des Finances de la Chambre, mardi. Parmi les sujets abordés: le projet de taxe sur les comptes-titres du gouvernement. Il lui préfère la proposition de ‘taxe Corona de solidarité sur les multimillionnaires’ portée par le PTB, avec en toile de fond la justice fiscale.

Dans le cadre de l’examen de la fameuse taxe sur les comptes-titres par la commission Finances et Budget de la Chambre, l’économiste Thomas Piketty, auteur du ‘Capital au XXIe siècle’, a été invité à venir s’exprimer.

Taxe sur les comptes-titres

‘Objectivement, cela ne va pas rapporter grand-chose’, a déclaré Thomas Piketty. ‘0,15% (des montants dépassant le million d’euros, ndlr) c’est un taux très faible par rapport aux types de taux discutés concrètement dans d’autres pays.’ La majorité Vivaldi table sur des recettes de 429 millions d’euros pour cette future nouvelle taxe portée principalement par le PS. Le projet de loi passera prochainement en séance plénière de la Chambre. Il a par ailleurs jugé que la base de calcul belge – taxer 1% à 2% de la population détenant 20% du patrimoine total – était très raisonnable.

Selon l’économiste, un système de fiscalité équitable devrait reposer sur un impôt progressif, sur le patrimoine mobilier et immobilier, ainsi que sur le revenu.

L’exception belge

Au passage, Thomas Piketty a souligné l’exception belge sur l’absence de taxation des plus-values. Il a rappelé que même aux États-Unis par exemple, les plus-values sont taxées.

Au sujet des différents niveaux de pouvoir qui cohabitent en Belgique, le Français a rappelé que ‘tous les pays sont amenés dans l’histoire à modifier leur Constitution sur toutes sortes de points’. ‘Parce que là, cette séparation complète entre l’immobilier au niveau régional et le mobilier au niveau fédéral, est quand même très compliquée pour pouvoir tout simplement arriver à une notion de justice fiscale’, a-t-il déploré.

‘Tout cela est très regrettable pour développer un impôt qui puisse être perçu comme juste sur le patrimoine’, a poursuivi l’économiste. ‘Il faudrait normalement à patrimoine égal, impôt égal, quel que soit la forme de détention du patrimoine sinon on se met au-devant de critiques évidentes, un sentiment d’iniquité extrêmement fort’.

Taxe Corona de solidarité sur les multimillionnaires

La proposition de loi du PTB visant à introduire une ‘Taxe Corona de solidarité sur les multimillionnaires, que le parti de gauche qualifie de déclinaison ‘one-shot’ de sa taxe des millionnaires, a également été abordée. Le PTB envisage ainsi un impôt exceptionnel de 5% sur les patrimoines de plus de 3 millions d’euros.

Des modalités qui ne semblent pas exagérées aux yeux de l’économiste français qui a rappelé que l’Allemagne d’après-guerre avait appliqué en 1952 un prélèvement de 50% sur les patrimoines. Plus récemment, le candidat à l’investiture démocrate Bernie Sanders en vue de la présidentielle américaine proposait lui une taxe allant jusqu’à un taux de 8% pour les super-riches.

Enfin, Thomas Piketty a abordé le sujet l’Impôt Sur la Fortune (ISF), une taxe souvent décriée chez nos voisins Français. Même si l’ISF aurait pu rapporter bien plus, au cours de son histoire, son rendement a été multiplié par cinq, a-t-il affirmé, ajoutant que prétendre que l’ISF a été une hémorragie fiscale était donc faux.

‘Il y a une vertu civique à montrer que tout le monde est mis à contribution’

‘Je comprends qu’on peut avancer progressivement d’une taxe sur les comptes-titres à 0,15% vers une taxe plus ambitieuse à 5% ou plus’, a encore ajouté Thomas Piketty. ‘Je pense que c’est important, dans la transition, d’être extrêmement transparent, en particulier sur le nombre de contribuables qui vont être imposés pour montrer aussi à l’opinion publique que l’administration est en place pour taxer non seulement les classes moyennes mais aussi les personnes les plus fortunées.’

Et de conclure: ‘Je pense qu’il y a vraiment une vertu civique à montrer que tout le monde est mis à contribution.’

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