Oubliez la baisse de la dotation des partis : les présidents francophones ne veulent toucher à rien, à l’exception des dépenses sur les réseaux sociaux

Va-t-on toucher aux généreuses dotations des partis qui font déborder les caisses des formations politiques ? Tout indique qu’il y a un veto catégorique du côté francophone : tant le PS que le MR, mais aussi Ecolo, DéFI et Les Engagés ne veulent pas réduire cette dotation stricto sensu. Le PTB est donc le seul du côté francophone à avoir encore l’ambition de réduire cette manne d’argent public. Cela souligne le fossé qui sépare les Flamands et les francophones, y compris dans l’opinion publique : au nord de la frontière linguistique, la question est très présente. Presque tous les faiseurs d’opinion y sont favorables, l’opposition le souhaite et, au sein même de la majorité, le député vert Kristof Calvo a prêté un serment coûteux la semaine dernière : « Cette législature ne se terminera pas sans une réforme du financement des partis, avec cette équipe et cette majorité si elle le peut, mais sans elle s’il le faut ». Mercredi, le panel de citoyens de l’émission « We Need to Talk » se rendra à la Chambre pour y présenter ses recommandations. La question est de savoir si celles-ci iront loin, étant donné le peu d’empressement des francophones à modifier les montants. La seule ambition : un plafond pour les dépenses sur les réseaux sociaux ainsi que pour les investissements dans l’immobilier. Que cela touche précisément les trois partis d’opposition N-VA, Vlaams Belang et PTB est tout sauf une coïncidence.

L’actualité : Mercredi, les dotations aux partis sont de nouveau à l’ordre du jour à la Chambre des représentants.

Les détails : Un clivage traverse néanmoins le débat : du côté flamand, la pression sur le dossier est grande. Du côté francophone, beaucoup plus de résignation, et très peu de volonté de fermer le robinet d’argent public.

  • « C’est un dossier où tout le monde ne joue pas franc jeu. À l’extérieur, on dit qu’il faut des réformes, mais à l’intérieur, on fait tout pour les saboter » : dès mercredi en plénière, Kristof Calvo (Groen) s’est vivement emporté.
  • Le député écologiste, aux côtés de Gilles Vanden Burre (Ecolo), travaille depuis longtemps sur le thème du « renouvellement politique », insistant sur le fait que beaucoup trop d’argent public va directement aux partis, qui peuvent ainsi maintenir leur mainmise sur l’ensemble du système politique. C’est cette « particratie » que Calvo veut briser, une lutte qui a longtemps coïncidé avec ses relations difficiles avec la présidente de son propre parti.
  • Mercredi, Calvo a demandé à la ministre des Réformes institutionnelles, Annelies Verlinden (CD&V), où en était le dossier du « renouveau politique ». Calvo et Gilles Vanden Burre avait déjà mis ce dossier en avant lors de la formation du gouvernement en 2020 : seulement, pour le moment, le tout est resté bloqué au stade d’intentions et à une enquête citoyenne en ligne peu concrète.
  • Dans le même temps, la pression de l’opinion publique demeure : le panel de citoyens « We Need to Talk« , doté d’un budget marketing conséquent et soutenu par l’écrivain David Van Reybrouck et la philosophe Alicja Gescinska, entre autres, a remis le sujet du financement des partis sur le devant de la scène ces dernières semaines. Ironiquement, sur le sujet en lui-même, l’initiative n’est pas parvenue à une conclusion unique : le panel de citoyens s’est avéré divisé sur la question de savoir s’il fallait ou non réduire les dotations.
  • Le fait que les partis consacrent d’énormes budgets au financement de campagnes sur les réseaux sociaux a été cité à plusieurs reprises à cet égard, pour montrer que les sièges des partis sont surfinancés.
  • Calvo a cité d’autres exemples à la Chambre, en visant Vooruit et le CD&V, mais aussi personnellement la ministre Verlinden. Le député y a ajouté la menace : « Mon groupe et moi sommes clairs à 100% sur ce point, cette législature ne se terminera pas sans réforme du financement des partis, avec cette équipe et cette majorité si possible, mais sans si nécessaire. »

L’essentiel : La réduction du financement des partis n’aboutira sans doute à rien. Cependant, la majorité souhaite réduire les dépenses (en particulier celles de l’opposition).

  • Lors de la dernière journée de « We Need to Talk » la semaine dernière, de nombreux présidents de partis se sont montrés pour être aux premières loges de la présentation finale et des conclusions. Surtout du côté francophone, tout le monde était là : Paul Magnette (PS), Jean-Marc Nollet (Ecolo), Georges-Louis Bouchez (MR), Maxime Prévot (Les Engagés) et François De Smet (DéFI), ainsi que Raoul Hedebouw (PVDA). Du côté flamand, Egbert Lachaert (Open Vld) et Jeremie Vaneeckhout (Groen) se sont aussi présentés.
  • Les dotations sont réparties proportionnellement au nombre de voix et en fonction du nombre de sièges : elles rapportent aujourd’hui environ 3,5 euros par voix et par an. Ce sont donc les partis ayant obtenu le plus de voix qui sont les mieux dotés : la N-VA avec près de 11 millions par an, le PS avec 8,6 millions, le Vlaams Belang avec 8 millions par an, et les autres entre 7 et 4,6 millions. Groen est le moins bien doté des partis.
  • Au total, il s’agit de plus de 75 millions d’euros. Les caisses des partis débordent donc d’argent, surtout pour les partis qui ont été économes ces dernières années. Ils l’investissent, par exemple, dans l’immobilier : la N-VA a acheté tout l’immeuble du 47, rue royale, où se trouvent ses bureaux. Groen et Ecolo ont également acheté leur siège, rue des Barricades. En 2021, tous les partis disposaient d’un patrimoine de plus de 150 millions d’euros.
  • Néanmoins, tout le monde du côté flamand semble convenir que ces dotations sont trop élevées : il y a tout simplement trop d’argent dans le système. Même les plus grands « gagnants » du côté flamand, la N-VA et le Vlaams Belang, sont d’accord sur ce point.
  • Mais cette analyse n’est pas du tout partagée du côté francophone. Aujourd’hui, dans La Libre, tous les présidents francophones jettent un froid sur l’idée de réduire les dotations.
    • « Non, le modèle de financement actuel ne pose pas de problème. Oui, les partis ont pour le moment des réserves financières, mais ils n’en auront plus au soir des élections », affirme Bouchez, le patron du MR. « Le financement de l’ensemble des partis du pays, c’est la moitié de la dotation annuelle de la RTBF, qui est de 330 millions d’euros”, relativise à sa manière le Montois.
    • Au PS, on rappelle que « les dotations ont déjà été réduites de 5% en 2023 et 2024 ». Et plus encore : « En raison de l’inflation, les coûts viennent d’augmenter. Les réduire encore plus mettrait en péril la démocratie. »
    • De son côté, Ecolo rappelle « les scandales Agusta et plus récemment du Qatargate » : « Il faut éviter que les partis soient financés et influencés par des personnes et des entreprises privées. »
    • La ministre Verlinden était sur la même ligne mercredi dernier à la Chambre : « Nous ne voulons pas que notre démocratie et nos partis politiques soient financés uniquement par des entreprises privées ou même par des acteurs étrangers. Lorsque cela se produit à l’étranger, comme en France, aux Pays-Bas et en Allemagne, nous constatons que les citoyens fortunés peuvent avoir beaucoup plus d’influence. »
  • La ministre n’a pas dit un mot sur une éventuelle réduction des dotations, ce qui, soit dit en passant, ne figure pas non plus dans l’accord de coalition. On y lit en revanche que la Vivaldi « poursuivra la réforme du système de financement des partis », « notamment en renforçant la transparence et le contrôle des recettes et des dépenses ».
  • Le gouvernement fédéral semble plutôt viser les dépenses des grands partis d’opposition : beaucoup de dépenses sur les réseaux sociaux (en particulier Facebook) ainsi que les investissements immobiliers. La majorité souhaite à présent limiter ces montants. Verlinden en a également parlé à la Chambre.
  • En outre, la Vivaldi veut ouvrir la boîte de Pandore : un système qui ne fonctionnerait plus à la proportionnelle, mais dans lequel les petits partis obtiendraient soudainement plus par voix. « Il est davantage nécessaire d’assurer une répartition équilibrée du financement des partis entre les grands et les petits, car les règles du jeu devraient être les mêmes pour tous », a déclaré Verlinden.
  • La réforme risque donc de devenir très politique, la N-VA et le Vlaams Belang s’opposant à la Vivaldi. Cette situation n’est pas vraiment attrayante non plus pour les petits partis que sont l‘Open Vld, le CD&V, Vooruit et Groen : ils pourraient être perçus au nord du pays comme des partis « avides » qui obtiendraient plus que ce qu’ils ne méritent.
  • La question reste de savoir s’il se passera quelque chose dans ce dossier : l’attitude du MR et du PS, de ne rien faire et de laisser les choses en l’état, met la Vivaldi dans une position difficile. Après tout, saboter quelque chose au sein de la majorité est la chose la plus facile au monde.

Dans la rue : les syndicats mènent aujourd’hui une lutte quasi existentielle en organisant une « journée d’action nationale ».

  • Les syndicats appellent à la grève car ils ne sont pas satisfaits des « pratiques de dumping social et des atteintes graves au droit de grève », en faisant référence aux travailleurs de chez Delhaize. Ces derniers, selon les syndicats, agiraient « de manière digne et pacifique », mais subissent de nombreuses violations du droit de grève.
  • « Les décisions de justice placent le droit commercial au-dessus du droit d’action collective, ce qui constitue un précédent dangereux pour les organisations sociales. En franchisant les magasins, Delhaize se livre à une forme déguisée de dumping social », écrivent les syndicats nationaux.
  • Les syndicats tentent ainsi d’élargir un peu plus le conflit lattant chez Delhaize. En effet, le plan de la société mère Ahold menace de briser la colonne vertébrale des syndicats d’un seul coup, chez le détaillant. En vendant toutes les succursales qu’elle possède, et donc en les franchisant, tous les travailleurs se retrouveront dans d’autres conventions collectives, avec des opérateurs qui travaillent de manière indépendante. La représentation syndicale n’y a pas sa place. Il s’agit donc d’une lutte acharnée, à la vie à la mort, qui se joue en Belgique, et particulièrement en Belgique francophone.
  • Aujourd’hui, la CSC, la FGTB et la CGSLB tentent d’élargir ce combat en organisant une journée d’action. Les perturbations sont considérables :
    • En Wallonie, la journée sera très compliquée sur le réseau de la TEC. Vous pouvez trouver toutes les informations ici.
    • La STIB a annoncé les lignes qui resteraient ouvertes, mais a mis en garde contre de « fortes perturbations » sur le réseau pendant « toute la journée ».
    • Chez De Lijn, 55% des voyages devraient être assurés.
    • La SNCB n’a pas fait mention d’une journée d’action, mais la société ferroviaire prévoit que quelque 15 000 manifestants se rendront dans la capitale, ce qui pourrait également entraîner des perturbations.
  • Il est intéressant de noter que dans le secteur de la grande distribution, les autres supermarchés ne sont pas perturbés pour l’instant. Chez Delhaize, un seul magasin est fermé et le personnel est réduit dans d’autres.

Le monde politique vs le monde bancaire : le portefeuille ministériel lié au « Consommateur » prenait un peu de poussière au sein de la Vivaldi. Eva De Bleeker (Open Vld) était plus discrète et adoptait une attitude prudente vis-à-vis des banques. Sa remplaçante, Alexia Bertrand (Open Vld), veut clairement faire les choses différemment.

  • La semaine dernière, le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), a envoyé une lettre aux banques pour les exhorter à augmenter leur taux d’intérêt sur les livrets d’épargne. Un élément crucial pour maintenir la confiance dans le secteur financier, soutient le ministre.
  • Ce week-end, Alexia Bertrand est venue ajouter une couche supplémentaire : la secrétaire d’État au Budget et à la Protection des consommateurs, veut utiliser le compte e-DEPO pour faire pression sur les banques afin qu’elles augmentent les taux d’épargne.
  • La secrétaire d’Etat a notamment attiré l’attention sur les épargnants qui disposent déjà d’un compte d’épargne par rapport aux nouvelles formules : « Il ne peut être question que seuls les clients désireux d’ouvrir un nouveau compte d’épargne puissent bénéficier de taux d’intérêt plus élevés. C’est insensé. »
  • Le secteur bancaire a réagi avec horreur. Beaucoup de banques n’ont pas d’autre choix que de laisser des taux bas : leurs marges sont extrêmement réduites. De plus, les accords de cartel sont strictement interdits. Febelfin, l’organisation faîtière du secteur, rappelle que « chaque banque a un business model différent » et que chacune « doit faire sa propre analyse de risque et estimer quel taux d’épargne elle peut offrir ». Et d’ajouter : « Une intervention inconsidérée des pouvoirs publics dans le mécanisme délicat du refinancement des banques pourrait affecter profondément la stabilité du secteur bancaire », a indiqué l’organisation par communiqué.
  • Au sein de la majorité, le PS, mais aussi Vooruit et Ecolo/Groen poussent fort sur le dossier. Par exemple, Melissa Depraetere (Vooruit) veut obliger la banque gouvernementale Belfius à donner plus d’intérêts, tandis que le député vert Dieter Van Besien (Groen) veut lier l’intérêt minimum légal obligatoire (0,11%) aux taux de la BCE. Relever le taux minimum, c’était aussi l’intention du vice-premier ministre Georges Gilkinet (Ecolo) la semaine dernière. Un pas beaucoup trop grand pour le ministre des Finances : ce n’était pas du tout l’intention de Vincent Van Peteghem.
  • Alexia Bertrand est aussi tiraillée entre son nouveau rôle de protectrice des consommateurs, qu’elle veut jouer, et son idéologie libérale. Elle ne veut pas aller trop loin non plus, ou du moins pas encore : « Le taux d’intérêt minimum légal est la mesure ultime ». À suivre au sein de Vivaldi.
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