Manifestations meurtrières et intervention militaire russe : que se passe-t-il au Kazakhstan ?

Le Kazakhstan, maillon essentiel de l’approvisionnement mondial en gaz, pétrole, ou encore uranium, est en proie à des manifestations provoquées par la hausse du prix du carburant. Des sources étatiques font état de dizaines de morts et de centaines de blessés. Le pays a appelé ses proches alliés à l’aide, et des soldats russes sont déjà sur place. De quoi bouleverser encore plus l’équilibre mondial, politiquement et économiquement.

Depuis quelques jour, les quelques images qui nous parviennent du Kazakhstan font ressembler les villes de cet État d’Asie centrale à des zones de guerre. Dès le 4 janvier dernier étaient signalés sur les réseaux sociaux des déploiements importants de forces de l’ordre accompagnées de véhicules blindés à Almaty, la capitale. Durant cette nuit-là, et surtout dans celle du 5 au 6 janvier, d’impressionnantes manifestations se sont rassemblées avant de dégénérer en affrontements avec les policiers.

L’inflation monte, le prix du carburant a doublé

Depuis le 2 janvier, la tension monte dans le pays : la population est durement frappée par l’inflation, qui avoisine déjà les 9%. Dans ce contexte, la hausse des prix du gaz naturel liquéfié [GNL], qui ont presque doublé en quelques jours, alors qu’il s’agit du carburant utilisé par de nombreux Kazakhs pour faire fonctionner leurs véhicules, a mis le feu aux poudres. Selon The Guardian, au moins 5.000 personnes s’étaient rassemblées dans la capitale pour défier le gouvernement dans la nuit de mardi à mercredi. La police a fait usage de grenades lacrymogènes pour les disperser. L’internet mobile a été interrompu et les applications de messagerie ont été bloquées dans une grande partie de ce pays autoritaire d’Asie centrale.

Après ces troubles, le gouvernement du président kazakh Kassym-Jomart Tokayev a tenté de lâcher du lest en décrétant un prix maximum du carburant équivalent à la moitié de sa valeur sur le marché dans les régions les plus touchées. M. Tokayev a également ordonné d’étendre le contrôle des prix à l’essence, au diesel et à d’autres biens de consommation « socialement importants ».

Il a également ordonné au gouvernement d’élaborer une loi sur la faillite personnelle et d’envisager de geler les prix des services publics et de subventionner le paiement des loyers pour les familles pauvres. Mais à côté de ces mesures, il a aussi décrété la mise en place d’un couvre-feu et de l’état d’urgence dans le pays.

Des dizaines de morts, au minimum

La situation ne s’est pas calmée pour autant durant la nuit de mercredi : selon des informations propagées par les médias officielles, donc difficilement vérifiables, des manifestants auraient tenté de s’emparer de différents bâtiments officiels de la capitale.

« La nuit dernière, les forces extrémistes ont tenté de prendre d’assaut les bâtiments administratifs, le département de la police de la ville d’Almaty, ainsi que les départements locaux et les commissariats de police. Des dizaines d’assaillants ont été éliminés », a déclaré le porte-parole de la police Saltanat Azirbek, cité par les agences Interfax-Kazakhstan, TASS et Ria Novosti.

Le bilan, lui aussi officiel, fait état d’une cinquantaine de morts parmi les assaillants, ainsi que d’un millier de blessés. Selon le média international Russia Today, très proche du Kremlin dans son interprétation de l’actualité et qui cite le gouvernement d’Almaty, au moins 18 membres des forces de sécurité auraient été tués et 748 autres blessés. Les corps de certains agents auraient même été retrouvés avec la tête tranchée, mais cette information reste invérifiable.

Interventions militaires étrangères

Le président kazakh, qui assimile maintenant les manifestations à une tentative de déstabilisation du pays possiblement d’origine terroriste, a décidé de faire appel à ses plus proches alliés: « J’ai appelé aujourd’hui les chefs des États de l’Organisation du traité de sécurité collective à aider le Kazakhstan à vaincre la menace terroriste » a annoncé M. Tokayev à la télévision d’État, assurant que des « gangs terroristes » ayant « reçu un entraînement approfondi à l’étranger » étaient à la tête des manifestants. « Des groupes d’éléments criminels battent nos soldats, les humilient, les traînant nus dans les rues, agressent les femmes, pillent les magasins. En tant que président, je suis contraint de protéger la sécurité et la paix de nos citoyens, de m’inquiéter de l’intégrité du Kazakhstan. »

L’OSTC, ou Organisation du traité de sécurité collective, est une ligue internationale fondée en 2002 et garantissant la sécurité collective des États membres par la solidarité politique et militaire, que l’on peut en partie comparer à l’OTAN. En sont membre Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan, ainsi que la Fédération de Russie, qui fait forcément office de puissance principale. Or cette association d’États n’aura pas été longue à répondre à l’appel à l’aide du gouvernement kazakh : elle a déjà annoncé qu’une « force collective de maintien de la paix » pour « une durée limitée afin de stabiliser et normaliser la situation dans ce pays » était en train de se préparer à intervenir.

Un péril pour l’économie mondiale ?

A l’heure d’écrire ces lignes, les premières troupes aéroportées russes ont été observées dans le pays. D’autres contingents devraient les rejoindre, selon Opex360 : des soldats venus de Biélorussie, Arménie, Tadjikistan et Kirghizistan. Nul ne peut prévoir, même à court terme, les conséquences possibles pour les pays voisins de cet embrasement du Kazakhstan et de cet appel à l’aide.

Mais il convient de rappeler que le pays dispose d’immenses ressources naturelles, notamment en pétrole, en gaz naturel et en uranium, dont il est le premier producteur mondial. Toutes des ressources stratégiques dont l’approvisionnement est essentiel au bon fonctionnement de l’économie mondiale, alors que celle-ci se débat encore d’une pénurie à l’autre, y compris énergétique. Il n’est pas exclu donc que les effets de ces troubles soient ressentis jusqu’en Europe occidentale, alors que l’approvisionnement énergétique de l’UE reste précaire.

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