Les entreprises soutenues par l’État verseront-elles toujours les dividendes à leurs actionnaires ?

La question fait grand débat en France, mais désormais aussi chez nous. Une fois n’est pas coutume, les partis politiques belges sont divisés sur le sujet. Le secteur bancaire devrait toutefois reporter les dividendes, sur recommandation de la Banque centrale européenne.

Les banques ING, KBC, ou encore la Néerlandaise Rabobank ont déjà annoncé retirer leurs dividendes. L’État belge a lui offert une garantie à hauteur de 50 milliards d’euros. Tous les nouveaux crédits d’une durée maximale de 12 mois octroyés par les banques aux entreprises et aux indépendants jusqu’au 30 septembre seront garantis par le budget fédéral, à condition que ceux-ci soient ‘viables’.

Concernant les autres entreprises, c’est toutefois le brouillard le plus total. La ministre de l’Économie Nathalie Muylle (CD&V) s’est lavée de toute responsabilité, déclarant à l’Écho que ‘le sujet ne relève pas de ma compétence’. Mais de qui, alors? Le cabinet d’Alexander De Croo (Open Vld), ministre des Finances et des Participations publiques, semble également faire l’autruche.

Une fois de plus, le débat serait bloqué à cause de la réticence des libéraux flamands: ils ne souhaitent pas imposer des restrictions telles que nos voisins européens, rapporte le journal économique. Pour la France, par exemple, il est hors de question que les entreprises puissent à la fois être soutenues par l’État et verser des dividendes à leurs actionnaires, a annoncé Bruno Le Maire, après quelques hésitations.

Vers un report?

Au niveau des partis soutenant le gouvernement Wilmès II en dehors de ce dernier, on plaiderait également dans ce sens.

‘On peut élargir ce qui a été recommandé pour les banques à l’ensemble des entreprises qui sont aidées au niveau de leur trésorerie’, indique Ahmed Laaouej, chef de groupe PS à la Chambre. ‘Il serait difficile d’imaginer que ce serait la crise pour tout le monde sauf pour les actionnaires, affirme aussi le député Ecolo Georges Gilkinet. Même son de cloche chez Catherine Fonck (cdH): ‘Un soutien de la collectivité ne doit pas financer des dividendes.’

Le MR a un autre plan

On ne voit toutefois pas les choses du même œil au MR… Le parti de la Première ministre Wilmès. Le président du parti libéral ne pense pas qu’il faut systématiser l’interdiction du versement des dividendes: ‘Cette mesure linéaire risque de faire pire que mieux pour certaines situations spécifiques’, affirme Georges-Louis Bouchez. ‘Les entreprises peuvent recourir à diverses mesures, telles que le chômage temporaire. Ce n’est pas parce qu’ils le font que nous devrions leur interdire de verser des dividendes’, explique-t-il, sur LN24 ce matin.

Son cheval de bataille: les petits actionnaires, tels que les communes et institutions publiques, qui comptent sur les dividendes pour compléter leurs revenus. Sans quoi leurs finances pourraient elles aussi être affectées et faire plonger un peu plus le déficit.

Il propose alors une alternative: une ‘cotisation de crise’ responsabilisante. ‘Si une entreprise fait appel au chômage économique et aux mécanismes de soutien de l’Etat et verse un dividende, elle devra payer une cotisation de crise pour financer les services publics’, explique-t-il, sans en préciser le montant.

Il voudrait également défiscaliser les heures supplémentaires dans les supermarchés. ‘Nous ne pouvons pas passer à la routine, nous demandons un effort collectif. Il y a beaucoup de caissiers qui vont travailler la peur au ventre. Il n’est certainement pas normal que les grands acteurs financiers s’en tirent à bon compte’.

Une fois de plus, le consensus est loin d’être atteint dans une Belgique d’autant plus divisée par la crise sanitaire. Il faudra s’armer de patience pour obtenir une réponse claire. La question est à l’examen au gouvernement wallon (qui soutient les entreprises) et devra être rapidement tranchée dans le cadre du groupe des dix partis ayant accordé les pouvoirs spéciaux au gouvernement Wilmès.

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