L’Empire britannique s’étiole un peu plus alors que la Barbade devient une république

La reine Élisabeth II perdra dès demain l’un des joyaux de sa couronne : la Barbade, la plus ancienne des précieuses « îles à sucre » qui ont fait la prospérité de l’Empire britannique dès le XVIIe siècle. Si l’État reste dans le Commonwealth, il compte bien devenir définitivement une république, et non plus un royaume indépendant gouverné par le souverain de Grande-Bretagne.

Le 30 novembre 2021 sera une date historique pour l’histoire de la Barbade et, par ricochet, un peu aussi pour celle de la Grande-Bretagne. L’État insulaire des Petites Antilles a en effet décidé, après quatre siècles de domination britannique, de prendre son envol définitif de la zone d’influence de Londres et de proclamer la république.

La Barbade, qui avait obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1966, était depuis une monarchie constitutionnelle faisant partie des royaumes du Commonwealth, tout comme c’est encore le cas pour l’Australie, le Canada, ou la Jamaïque. Si ces pays sont bel et bien indépendants, la reine Élisabeth II en demeurait chef d’État, avec à la Barbade un gouverneur général pour la représenter sur place.

Une première depuis 1992

Tout cela va changer dès demain, alors que le processus pour devenir une république avait déjà été entamé en 2015, quand le Premier ministre Freundel Stuart avait annoncé que le Parlement barbadien étudiait l’élaboration d’un projet de loi pour marquer la transition vers la république. Un projet laissé un peu de côté, jusqu’à ce que l’actuelle Première ministre, Mia Mottley, élue en 2018, reprenne le flambeau en septembre 2020 et annonce sa réalisation pour novembre 2021 et les 55 ans de l’indépendance de l’île.

Ce 30 novembre entrera donc en fonction la première présidente de la Barbade, Sandra Mason, l’actuelle gouverneure générale, qui a été élue à ce nouveau poste en octobre dernier après un vote aux deux tiers d’une session conjointe du Parlement et de l’Assemblée des représentants, les deux chambres législatives du pays.

Avec la décision de la Barbade, c’est la première fois en près de trois décennies qu’un royaume choisit de ne plus avoir le monarque britannique comme chef d’État. La dernière nation à l’avoir fait était l’île Maurice en 1992. Comme ce pays, la Barbade a l’intention de continuer à faire partie du Commonwealth.

Pas de rancune sur Albion

La Grande-Bretagne perd donc ainsi tout lien légal avec sa toute première colonie : les Anglais se sont installés à la Barbade dès 1627, et l’île est progressivement devenue une pierre angulaire de l’économie britannique, de l’exploitation industrielle de la canne à sucre… Et du commerce d’esclaves venus d’Afrique.

Mais malgré le symbole puissant que représente cette proclamation de la république et la perte d’une couronne pour Élisabeth II, le processus s’est fait en dialogue constant avec l’ancienne métropole. Une source royale a déclaré à CNN l’année dernière que la décision relevait du gouvernement et du peuple de la Barbade, ajoutant qu’elle n’était pas « tombée du ciel » et qu’elle avait été « évoquée et discutée publiquement » à plusieurs reprises. Le prince Charles, héritier du trône et futur chef du Commonwealth, sera présent aux festivités en tant qu’invité d’honneur.

Si la question de la république ne fait pas débat parmi les Barbadiens, le processus a lui, posé des questions : il s’est entièrement fait d’en haut, au sein des gouvernements successifs, sans aucune forme de consultation populaire. Une occasion manquée d’asseoir la légitimité de ce nouveau « gouvernement par le peuple et pour le peuple » selon certains. Comme si le calendrier était passé devant l’acte lui-même.

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