Le Royaume-Uni s’enlise dans une grave crise énergétique: « 4 fournisseurs sur 5 risquent la faillite »

Si la flambée des prix du gaz a des répercussions partout dans le monde, le Royaume-Uni en est assurément l’une des plus grandes victimes. Outre-Manche, ce phénomène s’apparente à un jeu de dominos énergétique qui fragilise toute une nation.

Hausse des prix du carbone, baisse des exportations russes et demande asiatique galopante de gaz naturel liquéfié (GNL) sont autant de facteurs qui poussent les prix du gaz vers les sommets. Une hausse qui se répercute directement sur les prix de l’électricité.

Là où certains pays européens, comme l’Allemagne et la France, disposent encore de l’énergie nucléaire et du charbon pour y faire face, le Royaume-Uni mise davantage sur le renouvelable. Or, la météo a été très peu propice à l’éolien ces dernières semaines. Le pays doit se reposer sur le gaz, et ses prix exorbitants, pour produire de l’électricité en suffisance.

D’après une source bien informée qui s’est confiée à Reuters, sur les 55 fournisseurs d’énergie actifs au Royaume-Uni, seuls 6 à 10 pourraient éviter la faillite d’ici la fin de l’année. Ceux-ci sont d’autant plus en difficulté que le marché intérieur libéralisé encourage les nouveaux fournisseurs à défier les fournisseurs établis. Jusqu’à récemment, les détaillants pouvaient recruter des clients pour le gaz et l’électricité à des tarifs extrêmement bas, avec une couverture minimale de leur exposition aux prix de gros. Ils disposaient également de réserves de capital limitées.

Sans oublier le fait que le gouvernement britannique plafonne actuellement les tarifs pour un ménage moyen à des prix bien en-deçà du taux actuel du marché. Et une suppression de ces plafonds n’est pas à l’ordre du jour, a encore rappelé ce lundi Kwasi Kwarteng, le secrétaire d’État à l’Énergie. Ce plafonnement des prix concerne 15 millions de ménages en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse.

Les actionnaires et les créanciers de ces entreprises vont perdre gros. Quant à leurs clients, les producteurs et distributeurs de gaz, ils ne seront pas d’avis d’accepter des contrats déficitaires. Une aide de l’État – et donc du contribuable britannique – semble inévitable. L’État pourrait ainsi prendre en charge les coûts de liquidation des fournisseurs défaillants via une structure de bad bank (structure de défaisance).

Pénurie de CO2

La hausse des prix du gaz a également de grosses répercussions sur le dioxyde de carbone. Les entreprises qui en produisent ne parviennent plus à suivre le rythme. Résultat: le Royaume-Uni est en train de faire face à une pénurie de CO2.

Certains petits fournisseurs de CO2 ont déjà dû cesser leurs activités. Les plus gros acteurs ne sont pas beaucoup mieux lotis. CF Industries, l’entreprise américaine qui produit 60% du dioxyde de carbone de qualité alimentaire pour le Royaume-Uni, a dû stopper la production dans deux usines du pays.

Cette pénurie de CO2 pourrait se traduire par des rayons vides dans les supermarchés britanniques. Étourdissement des porcs et poulets avant l’abattage, emballage de la viande et des produits frais, croissance des légumes sous serre, carbonatation de l’eau et d’autres boissons: le secteur de l’alimentation et des boissons a un grand besoin de dioxyde de carbone.

Aide gouvernementale oui, mais sous quelle forme ?

Le problème du CO2 « s’aggrave rapidement » et cause un « gros problème d’approvisionnement », a déclaré un cadre de supermarché à la BBC. « Les grands fournisseurs de viande disent qu’ils ont deux à trois jours d’approvisionnement et doivent maintenant établir des priorités dans l’utilisation de ce qu’ils ont », a-t-il signalé.

De son côté, la Fédération de l’alimentation et des boissons (Food and Drink Federation) a souligné que le Royaume-Uni n’allait pas manquer de nourriture, mais que l’approvisionnement des supermarchés et autres points de vente susciterait des « préoccupations majeures ».

Là aussi, une aide étatique est attendue de toute urgence. M. Kwarteng a indiqué qu’une subvention temporaire de CF Industries était notamment sur la table, tout en assurant qu’une nationalisation était exclue.

Précédemment, le ministre de l’Énergie avait fait part de son opposition à un renflouement des firmes touchées, déclarant que ce n’était « pas une bonne chose que l’argent des contribuables soit injecté dans des entreprises qui ont été mal gérées ». Il avait préféré évoquer des aides sous forme de prêts.

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