Le plan des socialistes pour former un gouvernement fédéral: mort-né ou point de départ ?

Les présidents du PS et du sp.a ont fini la mission qu’ils s’étaient eux-mêmes confiée. Après avoir fait le tour des chancelleries, leur proposition est sur la table: partir d’une coalition comprenant les libéraux, les démocrates chrétiens et donc les socialistes. Soit un gouvernement minoritaire de 71 sièges sur 150, auquel viendraient se greffer en septembre les verts ou la N-VA. Le duo propose de refiler la patate chaude à la Première ministre Sophie Wilmès (MR). Mais leur plan a été accueilli pour le moins froidement.

‘Du jamais vu. Après avoir tourné autour du pot durant 13 mois, nous n’avons pas encore l’ombre d’un accord sur les participants. C’est vraiment hallucinant, la question de savoir qui doit prendre le relais bloque également maintenant,’ nous fait savoir un président de parti quelque peu tendu.

Il vise en particulier l’attitude du MR et de Sophie Wilmès: pendant des semaines, elle a demandé au duo de ‘renifleurs’ de tempérer – après tout, le superkern devait encore être mené -, mais chacun à la rue de la Loi pensait qu’une fois la gestion de la crise passée, la Première ministre prendrait l’initiative.

Sophie Wilmès a reçu hier le duo Magnette (PS) – Rousseau (sp.a). Une rencontre qui s’est globalement bien passée, pensaient-ils. Mais la communication en aval les a surpris négativement: leur travail n’est pas terminé. Sophie Wilmès a refusé la mission proposée, en l’état.

‘Vous ne pouvez pas demander d’attendre deux semaines, et puis, une fois qu’elles sont écoulées, faire semblant d’être surprise que la mission finisse avec vous’, entend-on du côté socialiste. Pour le duo, leur ‘nouveau scénario’ – une tripartite classique, un agrandissement ensuite – tenait plus que la route. Il faudrait trouver à ce gouvernement minoritaire une majorité au sein du Parlement, pour prendre les premières mesures une fois les pouvoirs spéciaux du gouvernement actuel révolus. Ensuite, attendre septembre (la fin de la confiance de ce gouvernement) pour ajouter un partenaire sur base d’un choix radicalement différent: les verts ou la N-VA, soit la Vivaldi ou la Bourguignonne (avec ou sans Open VLD).

Ce plan a pour objectif de ne pas faire passer le PS, le cas échéant, comme l’initiateur des discussions avec les nationalistes, ce que Paul Magnette refuse. Mais les socialistes, comme nous vous l’indiquions, n’ont pas abandonné le scénario Vivaldi, malgré ce qu’ils avaient laissé fuiter dans la presse – ‘La Vilvaldi est morte’. Les socialistes ont en tête l’épisode du dernier superkern lors duquel la N-VA a refusé les ultimes mesures de soutien économique. Bref, une majorité peut toujours se faire sans elle. D’autant que ça chauffe en interne au PS sur cette question.

Un scénario non concerté

Reste que pour les socialistes, ce scénario à deux options ‘n’est pas la solution parfaite, mais c’est la chose la plus pratique sur la table. Il faut en faire quelque chose’, martèlent-ils. Mais pour l’heure, les libéraux ne mordent pas. Le président du MR Georges-Louis Bouchez n’a pas rejeté officiellement la proposition de Paul Magnette. Mais il veut d’abord trouver une formule avec une majorité claire.

Du côté, de l’Open VLD, l’accueil est froid pour ne pas dire glacial: ‘Il n’y a rien de substantiel, il y a un gouvernement sans majorité, et la pente vers Vivaldi est très visible’, nous confie une source. Les libéraux craignent le poids du PS sans la N-VA dans un programme de gouvernement qui trahirait leurs principes.

La N-VA voit évidemment l’initiative avec beaucoup de suspicion. D’autant que ce plan n’a visiblement pas été concerté. Il a été réservé à Sophie Wilmès uniquement. Théo Francken est particulièrement remonté : ‘Une majorité de 72 sièges sur 150 (sic), à Charleroi vous pouvez vendre ça, mais pour quel genre d’idiots prend-il les Flamands !?’, a partagé le député sur Facebook. Non, les nationalistes préfèrent une autre solution qui a également été entendue dans les travées de la rue de la Loi: un trio composé de la Première ministre (MR), d’Elio Di Rupo (PS) et de Jan Jambon (N-VA). Le sp.a n’est pas contraire, Elio Di Rupo est aussi vu comme plus conciliant, mais pourquoi diable Paul Magnette ramènerait-il sur le devant de la scène l’ancien président du PS ? Ça se défend. Un dernier scénario circule et met à l’initiative le trio : Joachim Coens (CD&V), Bouchez (MR) et Lachaert (Open VLD). Chacun tente le coup.

Et les verts dans tout ça ? ‘La mission des renifleurs socialistes est un échec’, assure Georges Gilkinet, le chef de groupe d’Ecolo à la Chambre sur La Première ce matin. Le tacle est appuyé : ‘Les deux partis socialistes ont terminé leur mission, selon ce que j’ai pu voir dans la presse, mais nous qui les avons rencontrés à deux reprises, nous n’avons pas reçu leur rapport. J’en conclus que leur mission est un échec, et ce n’est pas très élégant comme méthode de travail.’

Du côté de Groen, un élément intéressant a eu lieu ce lundi, devant la proposition du chef de groupe au Parlement flamand d’envisager une coalition avec la N-VA (et avec l’Open VLD hors jeux), sur base notamment du modèle autrichien. Ce dernier a été recadré fissa par la présidente de parti, Meyrem Almaci. Une sorte de recadrage à gauche. Dans une interview récente accordée à De Morgen, il y a d’ailleurs peu de doute sur l’orientation politique de la cheffe de parti: ‘Cette crise montre la faillite de la pensée de l’efficacité. Nous devons à nouveau travailler à l’échelle humaine. La production locale est importante. Les gens devraient être payés équitablement plutôt que d’être contraints.’ Un discours qui ne ferait pas tache dans la bouche d’un certain Paul Magnette. La présidente de Groen appuiera dans tous les cas ‘un gouvernement progressiste’ qui mettra en avant l’écologie, le social et l’humain.

Bref, le ‘nouveau scénario’ socialiste, non concerté, a très peu de chance d’aboutir. L’idée était tentante, la réalisation beaucoup moins.

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