Le CD&V fait grimper les enchères autour d’une réforme de l’Etat

Tous les chemins semblent mener à une Vivaldi. Mais pas tout de suite. Le CD&V tempère. Ce lundi, le président des démocrates-chrétiens a eu une longue entrevue avec ses députés. Il en ressort une posture claire: Joachim Coens doit la jouer dur dans les négociations. Quoiqu’il advienne, le prix à payer pour chaque parti sera lourd.

Alors que le missionnaire Egerbert Lachaert (Open VLD) doit faire rapport au roi ce vendredi, sans arriver les mains vides, quelques obstacles se dressent encore sur sa route, et non des moindres.

Les téléphones chauffent. Entre Lachaert et Coens, mais aussi avec Paul Magnette (PS). Un constat: les démocrates-chrétiens ne disent pas ‘non’ à une coalition arc-en-ciel élargie, c’est-à-dire à une Vivaldi. Le président du CD&V a reçu officiellement un mandat pour aller discuter avec Egbert Lachaert, sans fermer aucune porte.

Un soulagement côté francophone? Pas vraiment: le lien entre le CD&V et la N-VA n’est pas du tout rompu. En tout cas en termes de contenu.

La large consultation de ce lundi s’est déroulée dans une ambiance très… CD&V : ‘Tout le monde dit tout et son contraire, et en fin de compte, le président remercie tout le monde pour sa contribution. Et c’est tout’, résume un participant. Il a été convenu que le président déciderait, non sans en informer les personnes influentes du parti. Une chose est sûre, le CD&V ne sautera pas à pieds joints dans une coalition Vivaldi.

Joachim Coens (CD&V)
Joachim Coens (CD&V), le président du CD&V – Isopix

Le président du CD&V a précisé son message dans De Standaard, et il est plus explicite : ‘La coalition fédérale doit absolument avoir pour objectif de renforcer les ambitions régionales et communautaires. La structure étatique doit être meilleure et plus efficace, avec un accent sur les Communautés.’ Ajoutant: ‘La cohérence avec le gouvernement régional est cruciale.’ Revoilà lancée sur la place publique l’idée d’une coalition miroir en laquelle personne ne croit vraiment. Mais le message est là: il faut une réforme de l’État.

Le CD&V ajoute à sa liste de souhaits, tous azimuts, un gel des réformes éthiques, un renforcement de la sécurité sociale, une fiscalité équitable et une trajectoire budgétaire crédible. Bref, le CD&V fait du CD&V.

Plusieurs courants traversent donc le parti. Pour l’aile syndicale ACW (CSC), on pousse vers une Vivaldi et un décrochage de la N-VA. Ce serait également la volonté des jeunes pousses du parti. Ce n’est évidemment pas la ligne d’un Koen Geens et d’une Hilde Crevits qui pèsent sur les discussions. Mais les deux camps convergent sur un point : ‘S’ils veulent vraiment de nous, ils doivent simplement montrer leur couleur’, nous confie un haut gradé. En d’autres termes, Egbert Lachert doit faire passer le feu à ‘l’orange’ plutôt qu’au ‘vert’.

L’heure du choix

La conséquence la plus directe: la pression est dans le camp de l’Open VLD. Mais il est essentiel pour les libéraux flamands de ne pas se retrouver dos au mur. Comment ? En ne fermant pas ouvertement la porte à la N-VA. C’est essentiel pour ne pas avoir à jouer le mauvais rôle, mais surtout, ça diminue les exigences des socialistes et des verts sur la rédaction d’une note finale. Chacun doit se montrer raisonnable, sinon on rebascule dans l’autre sens.

L’inconvénient, c’est que cela ralentit une nouvelle fois les négociations. ‘Pourquoi Lachaert ne choisit-il pas et ne précise-t-il pas sa volonté ? Cela faciliterait les choses pour tout le monde. Maintenant, nous nous attardons à nouveau pendant des jours dans une sorte de jeu d’échecs’, déclare l’un des participants aux négociations. L’Open VLD ne veut pas forcer les choses. Il doit donner des garanties à chacun, dans un jeu d’équilibre qui peut paraître sans fin. Trouver un dénominateur commun avec quelques obstacles plus compliqués que d’autres. Un exemple ? N’y allons pas par quatre chemins : les autres partis seront-ils prêts à geler la question de la dépénalisation totale et de l’extension de l’IVG pour pouvoir intégrer le CD&V ?

Alexander De Croo (Open Vld) en Egbert Lachaert (Open Vld)
Alexander De Croo (Open Vld) et Egbert Lachaert (Open Vld), président de l’Open VLD – Isopix

Il en va de même pour les socialistes, qui veulent maintenir à tout prix leur agenda social. Pour certains socialistes, il n’est pas plus facile de négocier avec l’Open VLD qu’avec la N-VA. Ce serait même plus compliqué, glissent plusieurs d’entre eux au journal Le Soir. On entend aussi que le président du sp.a, Conner Rousseau, n’est pas facile à convaincre. Le même constat peut être dressé chez les écologistes en termes de mesures environnementales. Vous voulez une question qui fâche ? Quid du maintien des centrales nucléaires après 2025 ?

Mais d’autres pointures de haut niveau ont déjà tracé la route vers une Vivaldi. Ce scénario pourrait mettre en selle Alexander De Croo (Open VLD) et Paul Magnette (PS) comme formateurs. Ils peuvent s’échauffer, mais le top départ n’est pas pour tout de suite.

Un plan B s’ébruite rue de la Loi, c’est celui du gouvernement d’urgence, déjà sorti en mars, qui met en place une sorte d’union nationale. Une sorte de pause pour gérer les questions urgentes, pour ensuite attaquer le plat de résistance communautaire lors de la prochaine législature.

La N-VA: le calme avant la tempête ?

Plutôt calme, la N-VA patiente dans l’ombre. Theo Francken a néanmoins fait une sortie remarquée sur les réseaux sociaux, brandissant la menace d’une coalition ‘jaune-noir’ en 2024. En d’autres termes, une coalition composée de la N-VA et du Vlaams Belang. Tollé général.

Sur Radio 1 cependant, le Brabançon se montrait plus mesuré ce matin : ‘L’Arc-en-ciel est une très mauvaise option. Lachaert a dit qu’Ecolo devrait brûler son programme économique (pour espérer entrer dans une coalition), mais je ne pense pas que cela arrivera.’

Francken s’est montré assez lucide: ‘Nous ne sommes plus dans le centre du jeu. Nous verrons comment cela se passe dans les prochains jours. Un scénario arc-en-ciel a déjà été tenté et il a échoué. Si les libéraux écoutent attentivement leurs partisans, ils sauraient qu’il vaut mieux, également pour l’économie flamande, fonctionner au niveau fédéral avec la même équipe que celle qui dirige la Flandre, avec une majorité flamande. Si on ne fait pas cela, on prend d’énormes risques avec les emplois et la prospérité en Flandre.’

Cette relative retenue nous donne un indice: le train de la Vivaldi n’est pas encore parti. Aussi, la N-VA ne veut pas s’auto-exclure. Ils laisseront ce privilège à d’autres, pour alors sans doute dégainer les armes lourdes.

Chacun est conscient des risques, ce qui rend le choix difficile à poser. Se retrouver avec la N-VA dans l’opposition, c’est l’assurance de plusieurs années de critiques agressives avec un accent communautaires. Avec le Vlaams Belang, la maison Belgique devrait trembler (vaciller ?), c’est une quasi-certitude.

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