La double canonisation a été sponsorisée par Nestlé, deux groupes énergétiques, et une banque

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Six mois après que le pape François a durement critiqué le capitalisme mondial actuel dans une Exhortation apostolique de 84 pages – un document qui a une valeur voisine de l’encyclique papale – une douzaine d’entreprises ont été les principaux sponsors de la double canonisation des papes Jean-Paul II et Jean XXIII qui s’est déroulée dimanche. Parmi elles, on trouve le groupe alimentaire Nestlé, les entreprises énergétiques Eni et Enel, la banque Intesa Sanpaolo et la compagnie ferroviaire italienne Ferrovie Italiane.

Ce texte du Pape, publié en novembre dernier, était si puissant en intensité que certains ont évoqué du « pur marxisme»:

« Je prie le Seigneur qu’il nous offre davantage d’hommes politiques qui aient vraiment à cœur la société, le peuple, la vie des pauvres ! (…) Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain (…) Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. La croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose ; elle demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat ».

L’Eglise catholique est cependant loin d’être pauvre : la Banque du Vatican dispose de 5,7 milliards d’euros d’investissements répartis dans le monde, elle gère 33 000 comptes de paroisses et de prêtres, mais son organe directeur, le Saint-Siège, a fait plus de 13 millions d’euros de pertes en 2011.

Mais la présence de ces sponsors a plus à voir avec la situation financière précaire de la ville de Rome. La capitale italienne, qui a enregistré un déficit de 816 millions d’euros, est au bord de la faillite, et elle a essuyé le refus du parlement italien lorsqu’elle lui a demandé une aide financière en février dernier pour l’aider à payer les salaires des employés communaux et le carburant de ses autobus.

Le gouvernement de Matteo Renzi avait tenté d’inclure Rome dans le budget central du pays, au titre des coûts supplémentaires auxquels la capitale italienne doit faire face en raison du fait qu’elle concentre une grande partie du trafic touristique, et qu’elle est le lieu où se déroulent les manifestations nationales. D’autres villes, également au bord de la faillite, ont estimé que c’était injuste.

Selon le Père Thomas Reese, un analyste de la National Catholic Reporter, la canonisation a permis générer des recettes pour les entreprises locales, en particulier celles qui opèrent dans le domaine du tourisme, et il juge de ce fait que leur aide financière est « appropriée ».

« Comme un archevêque me l’a dit, +on ne peut pas payer les factures avec des images saintes+. Un évènement auquel participent des centaines de milliers de gens est coûteux. Il vaut mieux faire appel à des entreprises sponsors que prendre l’argent du tronc des pauvres pour le financer ».