La Chine a de grandes ambitions sur les ressources naturelles de l’Afghanistan. Mais c’est loin d’être gagné d’avance…

C’était l’une des grandes craintes des Occidentaux suite au départ des États-Unis d’Afghanistan: que la Chine comble le vide. Mais selon plusieurs experts, les vues des Chinois sur les ressources afghanes doivent être sérieusement tempérées.

En reprenant le contrôle de leur pays, les talibans se sont installés sur une mine d’or. Une richesse en matières premières souvent évaluée à mille milliards de dollars. Une richesse qui attire bien sûr les convoitises. Et quand on sait que la Chine a été l’un des premiers pays à communiquer avec le nouveau régime afghan, la méfiance s’est accentuée.

L’Afghanistan, une nouvelle étape dans la Nouvelle route de la soie (Belt and Road) chinoise ? Pas si vite. De nombreux experts régionaux ne sont pas convaincus par l’enthousiasme de la Chine à l’idée de foncer sur cet État d’Asie centrale déchiré par la guerre à sa frontière occidentale.

La Chine elle-même se méfie: pas question de tomber dans le même bourbier que l’Union soviétique ou les États-Unis. La Chine a elle aussi une longue expérience avec le terrorisme islamique, jusqu’à ses frontières.

Entre opportunités et méfiance

« La Chine est intéressée par un engagement économique en Afghanistan et par l’extension de sa Belt and Road, y compris la reconstruction et l’investissement dans les ressources minérales inexploitées de ce pays enclavé », a déclaré à CNBC Ekta Raghuwanshi, analyste de Stratfor pour l’Asie du Sud.

« Cependant », a-t-elle averti, « il n’investirait pas substantiellement de sitôt compte tenu des problèmes de sécurité en Afghanistan et de la proximité de la province chinoise rétive du Xinjiang », a-t-elle ajouté, en référence aux militants ouïghours et à la résurgence du Mouvement islamique du Turkestan oriental.

Et Maximilian Hess, chercheur spécialisé en Asie centrale à l’Eurasie du Foreign Policy Research Institute, de renchérir:  » « Nous n’avons pas la preuve que la Chine considère les talibans comme un partenaire sûr. Elle est très consciente des risques de sécurité, et les attaques de groupes islamistes contre les infrastructures chinoises au Pakistan ont augmenté ces dernières années ».

La Chine connait aussi la réalité tribale de l’Afghanistan. Un pays de 40 millions d’habitants qui est tout sauf monolithique. De nombreuses régions du pays fonctionnent d’ailleurs toujours en quasi complète autonomie. Et au sein même du nouveau gouvernement, il y a une certaine division entre le courant militaire et le courant religieux des talibans. La nomination d’Hasan Akhund comme Premier ministre est de ce point de vue une sorte de geste de la faction militaire envers le camp religieux. Rien n’est simple pour le moment en Afghanistan.

En fait, la Chine voit le retrait des Américains avec autant de méfiance que d’optimisme. Oui, l’Empire du Milieu aperçoit des opportunités. Mais elle s’accommodait très bien de la présence des États-Unis pour garantir une certaine forme de sécurité à sa frontière.

Un trésor

En termes de ressources connues, il y aurait en Afghanistan 57,7 millions de tonnes de cuivre, 2.100 millions de tonnes de minerai de fer, 1,4 million de tonnes de Lithium, 1,6 milliard de barils de pétrole brut et 500 millions de barils de liquides de gaz naturel.

Mais il y a un mais. À commencer par les sanctions américaines et européennes qui pèsent toujours sur l’Afghanistan… mais aussi sur la Chine. « Tout accord signé avec les talibans présente des risques politiques et de sanctions évidents », a déclaré à la CNBC Jonathan Wood, directeur adjoint de la recherche mondiale chez Control Risks. La Chine a déjà essayé de contourner les sanctions en s’abreuvant de pétrole en Iran. Mais en ont résulté des sanctions américaines supplémentaires.

Et puis il y a les barrières physiques. Des ressources enfuies dans le sol ne sont pas la même chose que des ressources exploitées. Les infrastructures afghanes manquent cruellement: peu de routes en bon état, pas d’accès à la mer, pas de chemin de fer, peu d’infrastructures électriques. On peut aussi évoquer les conditions contractuelles: en 2007, la chine a obtenu contre un contrat de 2,9 milliards de dollars l’exploitation d’une partie du gisement de cuivre d’Aynak. Un contrat qui vaut normalement pour 30 ans mais qui a été négocié avec le précédent régime. Qu’en sera-t-il avec les talibans ?

Les incertitudes sont nombreuses. Ce qui n’a toutefois jamais vraiment fait reculer la Chine, par exemple en Afrique.

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