La chasse aux trafiquants de cash : peu de bagages en classe affaires avec un billet pour une place financière européenne …

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Chaque jour de l’année 2012, les douanes françaises ont intercepté 300.000 euros en espèces en moyenne, qui étaient transportées par des trafiquants d’argent liquide qui leur font passer la frontière par rail, voiture ou avion. Au mois de juillet de cette année, l’ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie et un proche de l’ex-président français Nicolas Sarkozy, Boris Boillon, avait été arrêté dans une gare parisienne avec 350 000 euros en poche alors qu’il s’apprêtait à monter dans un train à destination de Bruxelles.

Au sein de l’UE, il est obligatoire de signaler aux services des douanes toute somme dépassant 10.000 euros que l’on s’apprête à faire traverser la frontière. Cependant les douanes françaises estiment que les 300.000 euros qu’elles saisissent quotidiennement ne correspondent qu’à 5% des sommes qui transitent réellement.

Et malgré les coupes budgétaires qui ont contraint à une réduction de 25% des effectifs des services de douanes, les prises ont fortement augmenté cette année, et au premier trimestre 2013, les montants saisis ont été 6 fois plus élevés que ceux de l’année passée, pour atteindre 103 millions d’euros. 86 millions d’euros de cette somme se rapportent à des bons au porteur saisis sur une seule personne qui tentait de passer la frontière Suisse en voiture avec ce butin.

La fraude fiscale représenterait 40 milliards d’euros chaque année en France, soit 2,5% du PIB. Les journalistes Mathieu Delahousse et Thierry Lévêque, qui ont enquêté sur le phénomène des trafics d’espèces et qui ont publié le livre Cache Cash, prônent même la suppression des billets de 500 euros qui permettent de mieux dissimuler l’argent de ces fraudeurs.

Les trafiquants de cash partagent des caractéristiques communes. La plupart d’entre eux voyagent avec peu de bagages en classe affaires, ils ont un billet pour une grande place financière européenne, et ils affichent souvent un comportement nerveux. Souvent, ils transportent de grosses coupures, typiquement des billets de 500 euros. Les billets sont fréquemment dissimulés dans des contenants alimentaires (chocolat, sandwiches, chips, chewing-gums, cigarettes, mouchoirs jetables), dans leurs bagages ou simplement transportés sur eux à même le corps.

Ils cherchent à échapper aux hausses des taxations de leurs gouvernements ou à une réglementation plus stricte en transférant leur argent dans ce qui était autrefois des paradis fiscaux. Pendant des décennies, la Suisse était la destination de rêve pour ceux qui voulaient conserver de l’argent en toute discrétion. Mais en octobre, le pays a signé la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, un traité international de l’OCDE avec une soixantaine d’autres pays signataires prévoyant l’échange d’informations financières dans le cadre de la lutte mondiale contre l’évasion et la fraude fiscales. 

Cela a obligé de nombreux fraudeurs à renouer avec les anciennes méthodes pour déplacer leur argent d’un pays à l’autre. « Les gens font toujours passer de l’argent à l’étranger pour des raisons d’évasion fiscale, mais il bouge aussi dans l’autre direction, parce que les banques suisses ferment les comptes des clients étrangers, et ils doivent choisir : soit déclarer ces comptes et payer des impôts élevés, soit cacher l’argent », explique Mathieu Delahousse.

Ceux qui se font prendre se font confisquer l’argent saisi pendant six mois, et ils doivent s’acquitter d’une amende de 25% ou plus. En outre, ils s’exposent à une enquête pour déterminer l’origine des sommes, qui peut évidemment déboucher sur de nouvelles condamnations.

L’Italie aussi connait ce phénomène, et les saisies d’espèces ont triplé en 2012 pour atteindre 124 millions d’euros. Et cette année, les saisies se montaient déjà à presque à ce montant à la mi-Octobre. Des patrouilles avec des chiens renifleurs spécialisés sur l’argent liquide ont été mises en place dans les 5 plus grands aéroports du nord du pays.

Les chiffres belges sont moins impressionnants, et à mi-septembre, VTM avait indiqué que 50 passagers à Zaventem avaient été arrêtés, et que 4,4 millions d’euros d’espèces avaient été saisis au cours des 8 premiers mois de cette année.

Pourtant, malgré l’amélioration des contrôles, l’évasion se poursuit à une échelle de plus en plus vaste. « Des millions de passagers passent chaque semaine, et quelques agents et un ou deux chiens ne sont pas vraiment dissuasifs pour les trafiquants. Nous aurions besoin d’une armée, nous ne sommes que quelques sentinelles », déplore Sergio Callipo, le secrétaire national du syndicat des douaniers italiens.

« Cache Cash » ou comment lutter contre l’argent… par Challenges